Les pièges des formes galéniques

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Publié le 19 octobre 2019 | modifié le 8 septembre 2025
Par Anne-Hélène Collin et Alexandra Blanc
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LES FORMES SOLIDES   : COMPRIMÉS, GÉLULES ET GRANULÉS 

M. Durand souffre d’une angine :–J’ai vraiment très mal, je n’arrive plus à avaler quoi que ce soit. Je pensais écraser mon comprimé de Fludex et celui de Caltrate. ça ne pose pas de problème ?– Concernant votre comprimé de calcium, Caltrate, c’est tout à fait envisageable. Il n’est en revanche pas possible de couper ou broyer Fludex car il s’agit d’un comprimé à libération prolongée.

COMPRIMÉS

La difficulté à avaler un comprimé peut être liée à sa taille ou au type d’enrobage utilisé pouvant provoquer un problème de déglutition par adhésion. Cependant, couper ou broyer un comprimé peut altérer l’efficacité du traitement et exposer à certaines toxicités.

UNE MODIFICATION DE L’EFFET RECHERCHÉ

Le broyage d’un comprimé à libération prolongée (LP) expose à un risque de surdosage car le médicament est alors libéré plus rapidement dans l’organisme. Par exemple, un comprimé d’oxycodone LP broyé entraîne une absorption rapide du principe actif dans le sang à l’origine d’effets indésirables pouvant aller jusqu’à une dépression respiratoire et au coma.
A l’inverse, un enrobage gastrorésistant broyé peut avoir pour conséquence un sous-dosage. L’enrobage vise dans ce cas à protéger le principe actif sensible à l’acidité de l’estomac, qui, ainsi exposé, risque d’être détruit avant son absorption au niveau de l’intestin.
Dans certains cas, l’enrobage peut aussi servir à protéger un principe actif sensible à la lumière, à masquer un goût ou une odeur désagréable et, parfois, du fait de cet aspect lissé, il facilite la déglutition du comprimé.

UNE RÉPARTITION NON HOMOGÈNE EN PRINCIPE ACTIF

Les comprimés, même broyables sur le principe, n’ont pas tous, une fois écrasés, un même rendu de poudre uniforme et homogène en principe actif.
Les médicaments à marge thérapeutique étroite tels que les antivitamines K (AVK) ne doivent ainsi pas être broyés (ou coupés en deux quand ces derniers ne sont pas spécifiés sécables) car une faible variation de dosage peut entraîner des effets indésirables graves.
Pour les comprimés broyables ou sécables, utiliser un matériel spécifique et non des couverts de cuisine. De bons gestes doivent être adoptés. Si la galénique d’un comprimé est susceptible d’être modifiée au long cours, une procédure écrite de cette manipulation par le médecin ou le pharmacien est préférable.
Certains comprimés ont une barre de cassure permettant de les couper en 2 parties pour en faciliter l’administration mais cela ne garantit pas une division en doses égales (Inorial 20 mg, Pyostacine 500 mg, etc).

DES EFFETS INDÉSIRABLES PAR CONTACT

Pour la personne qui manipule le comprimé. Ces effets peuvent aller d’une allergie de contact (irritations) à des effets plus graves. Les cytotoxiques exposent notamment la personne qui modifierait ces médicaments à des risques cancérogènes et tératogènes. Pour ces raisons, les femmes enceintes ne doivent jamais toucher ces médicaments (et tous ceux à risque tératogène) et encore moins les transformer.
Pour la personne qui avale le comprimé écrasé. Certains principes actifs sont irritants pour les muqueuses et risquent ainsi de provoquer des ulcérations buccales ou œsophagiennes. C’est le cas des bisphosphonates : il convient de rappeler au patient que les comprimés s’avalent entiers en position debout avec un grand verre d’eau et sans s’allonger dans les 30 minutes suivant la prise.

GÉLULES

Les résumés des caractéristiques du produit (RCP) mentionnent le plus souvent la possibilité ou non d’ouvrir la gélule. Certaines peuvent être ouvertes pour administrer le contenu après dilution dans un liquide ou dans un aliment semi-liquide (Actiskenan, Topalgic, etc.). Une fois la gélule ouverte, l’administration du médicament doit se faire le plus rapidement possible. Les limites régissant l’ouverture des gélules sont les mêmes que pour l’écrasement des comprimés : – Une modification de l’effet recherché : risque de sous-dosage pour les gélules gastrorésistantes et de surdosage pour les gélules LP. Parfois, ce n’est pas l’enveloppe de la gélule qui est gastrorésistante ou LP mais les microgranules qu’elle contient. Dans ce cas, il est possible d’ouvrir la gélule sans écraser son contenu. Mais ce qui est vrai pour le princeps ne l’est pas forcément pour ses génériques. Par exemple, Mopral contient des microgranules gastrorésistants, la gélule est donc ouvrable mais certaines gélules d’oméprazole ont elles-mêmes leur enveloppe gastrorésistante rendant impossible leur ouverture. – Des effets indésirables par contact : risque d’ulcération si le principe actif est irritant. C’est le cas pour Diffu-K dont les microgranules irritent l’estomac s’ils sont mâchés ou si le contenu de la gélule est broyé.

GRANULÉS

Certains médicaments présentés en sachet sont à tort assimilés à des poudres à diluer. En réalité, ils sont à prendre avec des aliments semi-liquides (comme un yaourt ou une compote) : c’est le cas de Secnol 2 g pour adultes et de Singulair 4 mg en granulés pour enfants de 6 mois à 5 ans. Ce dernier peut même être administré seul en versant le contenu du sachet sur une cuillère et en le faisant prendre par l’enfant directement.
Pour Spagulax mucilage pur, les règles d’administration à respecter permettent d’éviter des effets indésirables potentiellement graves : si le médicament est pris avec une quantité insuffisante de liquide, il peut causer une obstruction de la gorge ou de l’œsophage et entraîner un choc respiratoire. Ainsi, il ne doit jamais être absorbé en position allongée et à sec. Une quantité importante de liquide doit être avalée avant chaque dose. A chaque prise, le contenu d’un sachet doit être divisé en 3 doses (environ 3 cuillères à café). Le patient doit avaler les granulés de chaque cuillère à café sans les croquer et avec environ 70 ml d’eau, de lait ou de jus de fruit soit, au total, au moins un grand verre de 200 ml de liquide pour un sachet. 

LES LIQUIDES 

Mme Martin vient à la pharmacie pour sa fille Léa de 6 ans :–Depuis quelque temps, Léa a de grosses difficultés à dormir. On a essayé des options non médicamenteuses sans succès. Le médecin lui a prescrit temporairement de l’Atarax. Je dois lui donner 20 mg car elle pèse 20 kg, mais je ne comprends pas comment marche la pipette.– En effet, la pipette de ce sirop n’est pas graduée en dose-poids comme la plupart des sirops pédiatriques. Celle-ci est graduée en millilitre et chaque millilitre correspond à 2 mg de médicament. Pour obtenir 20 mg, il faudra donc lui donner 10 ml. Je vous montre… Lors de la délivrance d’un sirop ou d’une solution buvable, il convient de s’assurer de la bonne compréhension du dispositif d’administration par le patient. Il est d’autant plus nécessaire d’être vigilant aux risques d’erreurs que ces formes s’administrent généralement à des populations fragiles : nourrissons, enfants ou personnes âgées avec troubles de la déglutition ou psycho-comportementaux.

LA PRESCRIPTION

Des unités différentes entre la prescription et le système de mesure sont sources de confusion :
-Pour Atarax en sirop, la posologie chez l’enfant est de 1 mg/kg/j. Les posologies sont généralement prescrites en milligramme à partir du poids de l’enfant. Seulement, la seringue qui accompagne le sirop est graduée en millilitre avec une correspondance de 2 mg/ml. Des erreurs sont donc possibles. L’ordonnance devrait idéalement mentionner la posologie en milligramme et son équivalence en millilitre.
– Le tramadol en solution buvable (Contramal, Topalgic) est présenté sous la forme d’un flacon muni d’un compte-gouttes. En juin 2016, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a émis un avis de vigilance de ces présentations à la suite de cas graves d’intoxication chez l’enfant liés à des erreurs lors de la conversion d’une dose de tramadol en milligramme en nombre de gouttes à administrer. Une erreur minime sur le nombre de gouttes peut occasionner un surdosage. Il a donc été demandé au prescripteur de clairement indiquer sur l’ordonnance le nombre de gouttes par prise et de prises par jour. Le pharmacien doit expliquer aux parents le fonctionnement du compte-gouttes.
– Triflucan, dont le système d’administration est passé de la cuillère-mesure à la seringue graduée en millilitre depuis le 25 juin 2018, fait l’objet d’une commercialisation sous 2 concentrations : 10 mg/ml (auparavant 50 mg/5 ml) et 40 mg/ml (auparavant 200 mg/5 ml). Sa posologie se calcule en fonction du poids de l’enfant (mg/kg). Pour limiter les erreurs, le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance la quantité en millilitre à administrer, la concentration souhaitée, la posologie en dose-poids (mg/kg) et le poids de l’enfant.

LA RECONSTITUTION

Certaines suspensions buvables sont commercialisées sous forme de poudre à reconstituer. Les règles de reconstitution doivent être strictement respectées pour garantir la bonne concentration de la suspension. Un volume d’eau inapproprié risque de diluer ou, au contraire, de trop concentrer le principe actif.
Pour la majorité des antibiotiques, la reconstitution répond aux mêmes règles :
– l’eau utilisée doit être non gazeuse, à température ambiante. L’eau du robinet peut être utilisée, il convient de la faire couler quelques secondes avant utilisation pour ne pas prendre l’eau qui a stagné dans les tuyaux ;
– la poudre doit toujours être bien décollée du fond du flacon (en tapotant sur le fond) ;
– dans la majorité des cas, la reconstitution se fait par ajout d’eau jusqu’à une délimitation marquée par un trait ou une marque sur le flacon. Une fois homogénéisé une première fois, le volume est complété de nouveau avec de l’eau jusqu’à la limite indiquée puis re-mélangé.
Parfois, il est préférable que la reconstitution soit réalisée par un professionnel de santé. Les résumés des caractéristiques du produit (RCP) peuvent indiquer de délivrer au patient la suspension buvable après reconstitution par le pharmacien. C’est le cas de Tamiflu et de Cellcept poudres pour suspensions buvables.

L’ADMINISTRATION

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Les formes liquides imposent plus de manipulations que les formes sèches ce qui augmente le risque d’erreur possible. Les dispositifs doseurs nécessitent en premier lieu d’être bien maîtrisés. Selon le dispositif utilisé, la précision varie.

LA CUILLÈRE (À CAFÉ, À DESSERT ET À SOUPE)

La correspondance théorique veut qu’une cuillère à café équivaut à 5 ml de liquide, une cuillère à dessert à 10 ml et une cuillère à soupe à 15 ml. Mais, en pratique, le volume des cuillères domestiques n’est pas interchangeable d’un fabricant à l’autre. C’est une unité de mesure imprécise et donc source de sous- ou surdosage potentiel.

LE GOBELET DOSEUR

Il est souvent gradué à 2,5 ml, à 5 ml et à 10 ml. Les graduations sont parfois peu lisibles. Le gobelet doit être rempli juste au niveau du trait correspondant à la dose à administrer en le plaçant au niveau des yeux. Un gobelet peut éventuellement être présent dans le conditionnement d’un médicament, non pas pour mesurer une dose, mais pour aider à sa reconstitution : il permet alors de mesurer le volume d’eau nécessaire à la reconstitution (Cefpodoxime Biogaran poudre, etc.).

LA CUILLÈRE-MESURE

Sa contenance théorique correspond à la dose recherchée. Cependant, tout dépend de la manière dont la cuillère-mesure va être utilisée. Le volume mesuré reste approximatif. Elle peut présenter un trait de délimitation à mi-hauteur permettant de mesurer des demi-doses parfois nécessaires. La cuillère est parfois double pour des spécialités (Rifadine 2 % suspension buvable, Paxeladine 0,2 % sirop, etc.) avec, d’un côté, une cuillère de contenance 2,5 ml et, de l’autre, une cuillère de contenance 5 ml.

Le compte-gouttes
Pour un nombre élevé de gouttes, les erreurs de comptage sont non négligeables. Des pipettes compte-gouttes peuvent avoir des graduations sur de grand nombre de gouttes afin d’accélérer le comptage (Célestène et son compte-gouttes gradué à 20, 30 et 40 gouttes). Il peut se créer des bulles d’air dans le dispositif de prélèvement qui faussent alors la lecture de la graduation.

LA SERINGUE OU PIPETTE GRADUÉE EN DOSE-POIDS

Le principal piège tient à une absence d’identification claire du médicament sur la seringue augmentant le risque de l’intervertir avec d’autres spécialités. Une dose-poids est plus simple à administrer pour les parents mais nécessite une plus grande vigilance dans le contrôle de dose par le prescripteur et le pharmacien. Par exemple, si Advilmed, Nurofenpro et Antarène sont tous les trois dosés à 20 mg/ml d’ibuprofène, une graduation de 1 kg d’Advilmed représente 7,5 mg d’ibuprofène (d’où la possibilité d’administrer 4 doses sur 24 heures) contre 10 mg pour Nurofenpro et Antarène (d’où 3 administrations au maximum sur 24 heures).
L’administration d’un médicament à la pipette chez un nourrisson est aussi délicate : il faut installer l’enfant en position semi-assise, introduire la pipette à environ 1 cm dans la bouche en la plaçant contre l’intérieur de la joue et appuyer lentement sur le piston. La plupart des solutions peuvent aussi être administrées dans un biberon avant la tétée.

LES SERINGUES GRADUÉES EN MILLILITRE OU MILLIGRAMME

Le principal piège pour ce dispositif concerne le risque d’erreur de dose si la prescription indique une autre unité de dosage que celle sur la seringue. Pour limiter les erreurs, l’ANSM recommande donc que le dispositif fourni soit gradué dans la même unité que celle de la posologie recommandée par le RCP et la notice.
Une fois reconstituées, les formes liquides nécessitent avant chaque administration une agitation préalable.
Un même conditionnement pour adultes et enfants nécessite plus de vigilance dans les doses à administrer. Vimpat (lacosamide) en sirop, indiqué dans le traitement de l’épilepsie, a obtenu une indication pour l’enfant à partir de 4 ans en janvier 2019. Le laboratoire fabricant a fait le choix de proposer un seul type de flacon (pour adultes et enfants) avec 2 dispositifs doseurs à l’intérieur : un gobelet doseur destiné aux adultes et une seringue graduée en millilitre pour les enfants.
Raisonner en poids corporel, et non en quantité de substance active, peut conduire à un surdosage dans le cas de médicaments à doses-poids limitées. Cela concerne notamment des antibiotiques en suspension buvable avec lesquels il ne faut pas dépasser un certain nombre de doses-poids quel que soit le poids réel de l’enfant (voir tableau p. 9).
La mention « enfants » de certaines formes liquides ne correspond pas toujours au même âge de référence selon les spécialités. C’est le cas du sirop antitussif Polery enfants qui est indiqué à partir de 30 mois (pour un poids supérieur à15 kg) tandis que Clarix toux sèche enfants est autorisé à partir de 6 ans (pour un poids supérieur à 20 kg).

LA CONSERVATION

Les formes liquides, une fois ouvertes, n’ont pas toutes la même durée ni les mêmes modalités de conservation.
Il est aussi important de considérer la température à laquelle le médicament doit être conservé et sa sensibilité à la lumière. Beaucoup d’antibiotiques pédiatriques, une fois reconstitués, se conservent au réfrigérateur.
Des différences de conservation peuvent exister entre un princeps et ses génériques.
En pratique, le pharmacien doit veiller à informer des conditions de conservation des formes liquides, notamment celles à reconstituer lors de la délivrance. Il est parfois nécessaire d’en tenir compte pour calculer le nombre de flacons à délivrer. Ne pas hésiter à proposer de noter sur le flacon la date de reconstitution et la date limite de conservation.

LES PATCHS 

Paul, 35 ans, a arrêté de fumer il y a 5 mois :– Mon médecin a diminué le dosage de mes patchs nicotiniques à 7 mg par 24 heures, est-ce que je peux découper en deux les patchs de 14 mg qu’il me reste ?– Non, il est bien spécifié dans la notice de ne pas découper les patchs nicotiniques en deux. De plus, la nicotine étant un produit volatile, l’efficacité du patch risque d’être diminuée, le dispositif étant alors moins étanche.

L’APPLICATION

La peau permet une bonne absorption des principes actifs, il est donc possible de l’utiliser pour obtenir un effet systémique et pas uniquement un effet local. Les dispositifs transdermiques (patchs) permettent le plus souvent une libération en continu d’un taux constant de principe actif au travers de la peau. Le site d’application et la manière d’appliquer le patch sur la peau sont fondamentaux. Outre les modalités de pose (voir ci-contre), certaines recommandations ont été émises par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en novembre 2014, à la suite d’un grand nombre de signalements d’erreurs liées à leur utilisation.
En règle générale, les zones de pose retenues sont les hauts de bras, le torse ou le dos selon le dispositif. Chez les personnes présentant un risque de retrait et de manipulation du patch (jeune enfant, patients souffrants de troubles cognitifs), une zone difficile d’accès (milieu du dos) est à privilégier si elle est compatible avec la diffusion du médicament. Certains sites peuvent parfois être contre-indiqués en raison d’effets indésirables : c’est le cas des patchs contenant des estrogènes qui ne doivent pas être appliqués sur les seins.
Il est important d’alerter le patient sur les causes potentielles de surdosages :
– Toute élévation de température corporelle peut conduire à une augmentation d’absorption du principe actif par effet de vasodilatation sous-cutanée. Cela regroupe plusieurs situations : la survenue de fièvre, l’exposition à des sources de chaleur (bouillotte, bain chaud, sauna, cabine UV) ou encore la pratique d’activités sportives, surtout par fortes chaleurs.
– Il est nécessaire de toujours retirer le dispositif usagé avant d’en appliquer un nouveau.
Une fois retiré, le patch contient encore des traces de principe actif. Son élimination doit donc suivre certaines règles. Dès son retrait, le patient doit le plier en deux, face active adhésive vers l’intérieur. Le patch ainsi plié peut être remis dans son sachet d’origine. Dans certains cas, des pochettes sont prévues pour stocker les patchs usagés et les rapporter à la pharmacie (patchs de fentanyl) pour les éliminer selon les règles en vigueur. Ceci permet d’éviter de retrouver des substances actives dans les déchets domestiques avec des risques de manipulation et d’intoxication, notamment chez les jeunes enfants.
Les professionnels de santé doivent être avertis du port d’un patch afin de déceler les interactions médicamenteuses, mais également lors de certains examens comme les IRM où la présence de métaux dans le patch (Emla, Nitriderm, etc.) peut induire des brûlures.

LA DÉCOUPE

Les patchs peuvent être classés en 2 catégories principales :
– Pour les patchs de type « réservoir », le principe actif se retrouve sous forme de solution ou de suspension. Il sera libéré à vitesse constante au travers d’une membrane semi-perméable et ne pourra donc pas être coupé. C’est le cas de Scopoderm (scopolamine). D’après des recommandations de bonnes pratiques du Réseau régional de rééducation et de réadaptation pédiatrique en Rhône-Alpes (R4P), ce patch est utilisé hors AMM dans la prise en charge du bavage chez l’enfant en situation de handicap, où des demi-doses sont parfois prescrites. Dans ce cas, la surface de diffusion est réduite en retirant seulement une partie de l’opercule protecteur avant application sur la peau et en ajoutant un pansement adhésif par-dessus.
– Pour les patchs de type « matriciel », le principe actif est dissous ou dispersé dans une masse polymérique (patchs nicotiniques, etc.). La libération est dite « modifiée » et c’est la peau qui limite l’absorption du médicament. En théorie, donc, comme un patch de ce type a son principe actif réparti de façon homogène dans une masse solide, il pourrait être découpé. Cependant, la grande majorité des laboratoires recommandent de ne pas les altérer, faute de données. Pour les patchs de fentanyl, il est ainsi clairement spécifié dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) de ne pas les découper, diviser ou endommager en raison de l’absence de garantie de la dose délivrée.
Il faut penser à :
– toujours consulter le RCP pour savoir si le patch est découpable et respecter l’usage préconisé ;
– dans les rares cas où un patch peut être découpé, ne pas conserver l’autre partie car sa conservation et son efficacité ne sont pas garanties ;
– utiliser un sparadrap adhésif pour bien refermer la partie découpée au niveau du lieu de pose sur la peau.
Il est important de rappeler aux patients qu’on ne peut pas écrire sur les patchs, cela risquerait d’endommager le système de diffusion. Si une heure d’application doit être notée, il est possible de prévoir un sparadrap à apposer à côté du patch avec le nom du médicament et l’heure d’application ou un carnet/tableau qui référence les données liées à l’application. 

LES COLLYRES 

Le pharmacien sert M. Henry qui présente son ordonnance pour traiter son glaucome :- L’ophtalmologue vous a prescrit cette fois le générique de Xalatan, c’est le latanoprost.- Oui mettez le générique, je vais le garder dans mon armoire à pharmacie en attendant de terminer Xalatan que je viens d’entamer.- Contrairement à Xalatan, les génériques de ce collyre sont à conserver au frigo avant ouverture. Une fois ouvert, le flacon se conserve à température ambiante pendant 4 semaines.

L’ADMINISTRATION

Bien qu’assimilés à un usage local, les collyres ne sont pas dépourvus d’effets systémiques, élément souvent ignoré des patients.
Cet effet systémique des collyres est expliqué par la différence entre le volume d’une goutte de collyre et la capacité de l’œil à la recevoir. En effet, une goutte de collyre équivaut à 50 µl tandis que, dans le même temps, le film lacrymal a un volume de 8 µl et la rivière lacrymale (où sont collectées les larmes) a un volume d’environ 20 à 30 µl. Il reste donc 20 à 40 % du volume du produit instillé qui peut passer directement dans le système sanguin général via les voies lacrymonasales. L’absorption au niveau de l’œil est également complexe. Il est ainsi estimé que seulement 5 % du principe actif contenu dans la goutte de collyre pénètre au niveau de l’œil. Pour obtenir l’effet voulu au niveau de l’œil, les concentrations en molécules sont donc augmentées ce qui expose à un risque accru d’effets indésirables.
Les gels ophtalmiques, du fait de leur viscosité, permettent d’augmenter le temps de contact avec la cornée et donc d’obtenir un effet thérapeutique local identique à moindre concentration.
Afin de prévenir le risque d’effet systémique, la méthode d’administration d’un collyre doit invariablement être rappelée (voir schéma ci-dessous).

LA CONSERVATION

Il y a 3 critères à considérer pour la bonne conservation des collyres et une efficacité optimale.

LA TEMPÉRATURE

Certains collyres doivent être conservés au réfrigérateur avant leur ouverture. Il est important de le préciser au patient, notamment lors d’une primo délivrance. Une fois le flacon ouvert, le collyre peut être conservé dans la plupart des cas à une température ne dépassant pas 25 °C. Des changements de formule peuvent modifier les modes de conservation du médicament (Xalatan est passé d’une conservation avant ouverture « au frais » à une conservation « à température ambiante » à la suite d’un ajustement du tampon phosphate).

LA DURÉE DE CONSERVATION

Elle varie selon les spécialités et dépend de la présence ou non de conservateurs et du dispositif utilisé. Le nombre de flacons à délivrer est à adapter en fonction de cette donnée. Proposer d’inscrire la date d’ouverture sur l’emballage et le récipient lors de la délivrance.
Pour se dispenser de conservateurs dans des collyres multidoses, à l’origine de toxicités oculaires au long cours, certains flacons sont équipés du dispositif « Abak » comportant une membrane filtrante de 0,2 micron afin de protéger le collyre contre la contamination microbienne (Fluidabak, Larmabak, Cromabak, Zalerg, etc.).
D’autre part, le système « Comod » empêche l’air de pénétrer dans le conditionnement (Timocomod, Allergocomod). Ces systèmes permettent une durée de conservation d’utilisation allongée (jusqu’à 3 mois après ouverture).
Le plus simple, lorsque c’est possible, reste l’utilisation de la dosette unitaire sans conservateur, en rappelant de bien la jeter après chaque utilisation même s’il reste du produit.

LA PHOTOSENSIBILITÉ

Certains collyres doivent être conservés à l’abri de la lumière. Le symbole est précisé sur la notice. En règle générale, les dosettes conditionnées dans des sachets aluminium opaques doivent y être laissées, même après ouverture du sachet. 
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LES OVULES ET LES SUPPOSITOIRES 

Sophie, 31 ans, enceinte de 4 semaines, présente une prescription de sa gynécologue :- On m’a prescrit Utrogestan 200 mg, 2 fois par jour, jusqu’à ma 12e semaine de grossesse, pour prévenir une fausse couche.- C’est de la progestérone, je vais vous chercher ça. (…) Voici la boîte.- Ah parfait, je vais pouvoir la prendre par voie orale, je pensais devoir la prendre par voie vaginale !- Dans votre indication et compte tenu de la grossesse, Utrogestan sera obligatoirement pris par voie vaginale.

FORMES VAGINALES

Les ovules, les comprimés ou les capsules vaginales permettent de traiter localement certaines affections du vagin. Le principal piège de ces formes galéniques est leur apparence, parfois très proche des formes orales. Les confusions sont d’autant plus faciles avec une forme gélule. Pour accentuer cette ambivalence, il se peut que l’administration soit mixte : Utrogestan (progestérone) en capsule molle est à la fois une forme orale et une forme vaginale ! La voie vaginale doit être obligatoirement utilisée dans le traitement de troubles de la fertilité et en prévention de fausses couches et d’avortements spontanés à répétition.
Concernant les traitements des mycoses vaginales, la dispensation d’ovules et de capsules antifongiques doit s’accompagner de recommandations de bon usage :
– l’administration se fait en position allongée (de préférence le soir). Garder la position pendant au moins 5 à 10 minutes ;
– en raison d’un risque d’écoulement, le port d’une protection hygiénique peut être conseillé ;
– le moment du cycle ne perturbe pas l’utilisation : l’ovule peut donc être administré pendant les règles ;
– l’utilisation des tampons est à éviter ;
– l’utilisation du préservatif est contre-indiquée pendant la durée du traitement en raison d’un risque de rupture par altération du latex.

SUPPOSITOIRES

Les suppositoires sont plus souvent prescrits en pédiatrie et gériatrie quand la prise de médicaments par voie orale s’avère difficile.

LE MODE D’ADMINISTRATION

Le réflexe répandu est d’introduire le suppositoire par son extrémité pointue, cependant, la propulsion de ce dernier au fond de l’ampoule rectale est bien meilleure si la partie plate est introduite en premier, limitant ainsi le risque d’expulsion.
Chez l’enfant ou le nourrisson : l’installer sur le dos, les genoux repliés sur la poitrine. Pour éviter le rejet immédiat du suppositoire, presser les fesses l’une contre l’autre pendant quelques secondes.

LES SUPPOSITOIRES SÉCABLES

La section d’un suppositoire en deux n’est possible que s’il est spécifié sécable. Dans le cas contraire, la répartition homogène du ou des principes actifs n’est pas garantie.
Les suppositoires sécables sont utilisés en pédiatrie pour s’adapter au mieux au poids de l’enfant. Afin de conserver un dosage correct, le suppositoire doit être coupé selon certaines règles :
– laisser le suppositoire dans son alvéole thermoformée scellée ;
– séparer l’alvéole contenant le suppositoire à découper du reste de la plaquette ;
– exercer une petite pression au centre du suppositoire sécable le long de la barre de séparation ;
– ouvrir l’alvéole et prélever le demi-suppositoire.
Cette procédure est notamment valable pour 3 suppositoires sécables pédiatriques : Vogalène 5 mg, Doliprane 100 mg et Nifluril 400 mg. 

L’ESSENTIEL À RETENIR 

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