- Accueil ›
- Thérapeutique ›
- Médicaments ›
- Recherche et innovation ›
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
© Getty Images
Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
Le congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco), qui s’est tenu en juin cette année, a mis en lumière des progrès significatifs quant à la prise en charge de cancers féminins difficiles à soigner. Tour d’horizon des principales avancées thérapeutiques et des pistes de traitements qui pourraient faire évoluer les travaux scientifiques.
Le mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, Octobre rose, est l’occasion de revenir sur les principales annonces qui ont marqué l’édition 2025 du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco). Plusieurs études présentées évoquent des progrès intéressants dans le traitement de cancers féminins, notamment du sein et de l’ovaire. « Face aux cancers du sein métastatiques, trois essais en première ligne thérapeutique ont été rapportés pour chacun des sous-groupes suivants : cancers hormonodépendants, HER2+ et triples négatifs. À l’avenir, chacun de ces essais pourrait conduire à changer les pratiques », avise le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie (Paris).
Biopsie liquide et nouvelle hormonothérapie
Parmi eux, l’étude Serena-6 représente une innovation majeure dans la lutte contre les cancers du sein métastatiques hormonodépendants. Elle combine une nouvelle stratégie de détection des mutations du gène ESR1, du récepteur aux œstrogènes, annonciatrices de la ré-évolution du cancer, par la méthode de la biopsie liquide, et l’emploi d’une nouvelle hormonothérapie en cas de mutation, le camizestrant. La biopsie liquide regroupe un ensemble d’examens sanguins, et repose sur l’identification, dans le sang, de matériel tumoral circulant, en particulier l’ADN tumoral libéré par les cellules cancéreuses.
« Le traitement de première ligne dans les cancers hormonodépendants métastatiques comprend actuellement une hormonothérapie par antiaromatases – létrozole (Femara), anastrozole (Arimidex) ou exémestane (Aromasin) –, combinée avec des inhibiteurs des protéines kinases dépendantes des cyclines 4 et 6 (CDK4/6) – ribociclib (Kisqali), palbociclib (Ibrance) ou abémaciclib (Verzenios). Il donne des résultats assez satisfaisants, alliant une bonne efficacité à une tolérance favorable, ce qui permet à la plupart des femmes de continuer à travailler et d’avoir une vie normale ou proche de la normale », poursuit François-Clément Bidard. Malheureusement, dans la quasi-totalité des cas, le cancer finit par échapper au traitement.
Adapter le traitement avant la rechute : enseignements de Serena-6
« L’étude Serena-6 a démontré qu’en surveillant régulièrement les patientes durant leur protocole de soin, par la recherche d’une mutation ESR1 sur l’ADN tumoral circulant, et en modifiant le traitement si une mutation est détectée, on obtient deux bénéfices : la ré-évolution du cancer est reportée en moyenne de six mois et la qualité de vie est maintenue », décrit l’oncologue médical, qui coordonne également la recherche à l’Institut des cancers des femmes de l’Institut Curie. Le changement de traitement évoqué remplace les antiaromatases par le camizestrant, tout en conservant les anti-CDK4/6.
Serena-6 a repris le concept de l’étude académique française publiée en 2022 : Pada-1. Elle avait au préalable démontré qu’il est techniquement possible de détecter la mutation ESR1 par prise de sang avant la ré-évolution de la maladie, alors qu’aucun changement n’est encore détectable sur les scanners de contrôle. Chez les patientes où la mutation était repérée, l’essai avait comparé la poursuite du traitement à l’identique avec la substitution des antiaromatases par une molécule d’hormonothérapie, le fulvestrant (Faslodex), inhibiteur sélectif des récepteurs aux œstrogènes (SERD) administré par voie intramusculaire. « Le laboratoire AstraZeneca s’est appuyé sur Pada-1 pour développer le camizestrant, un autre SERD administré par voie orale cette fois, très bien toléré et avec un meilleur profil pharmacocinétique donc une meilleure activité, détaille François-Clément Bidard. À ma connaissance, c’est une première. » Le camizestrant n’est cependant pas disponible en France à l’heure actuelle, il doit encore faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.
D’autres premières lignes en mouvement
Les deux autres études présentées à l’Asco, concernant les cancers du sein métastatiques HER2+ et triples négatifs, sont des essais d’enregistrement plus classiques. Pour les cancers HER2+, l’étude Destiny-Breast09 démontre clairement un bénéfice en première ligne thérapeutique de l’association trastuzumab et deruxtecan (Enhertu), un conjugué anticorps-médicament utilisé actuellement en seconde ou troisième intention, et de l’anticorps monoclonal pertuzumab (Perjeta), avec une amélioration significative de la survie sans progression.
Contre les cancers du sein métastatiques triples négatifs, l’étude Ascent-04/Keynote-D19 montre un bénéfice significatif de l’administration d’un autre anticorps conjugué injectable en première ligne, le sacituzumab govitecan (Trodelvy), associé au pembrolizumab (Keytruda). Cette combinaison permet un meilleur contrôle de la maladie que la thérapeutique actuelle (chimiothérapie standard + pembrolizumab), avec moins d’effets indésirables. Actuellement, le sacituzumab govitecan n’est proposé, en monothérapie, qu’aux patientes ayant reçu au moins deux traitements systémiques.
Des pistes pour de futures recherches
Ciblés sur le statut « triple négatif », deux posters présentés à l’Asco par des équipes de l’Institut Curie se sont intéressés à la désescalade thérapeutique, approche qui tend à alléger les traitements anticancéreux, sans perte d’efficacité. « Pour ces cancers très agressifs et à fort risque de rechute, il s’agit classiquement d’une stratégie inverse d’escalade thérapeutique qui expose les patientes à des traitements relativement lourds », détaille François-Clément Bidard. Pour plus de 50 % d’entre elles, les prises en charge actuelles sont satisfaisantes et permettent d’éviter les rechutes. Sur la base de ce constat, deux stratégies ont été testées pour tenter de repérer si cette escalade thérapeutique pourrait être évitée. « Tout cela reste bien évidemment au conditionnel, insiste l’oncologue. La première étude a évalué l’intérêt d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) mammaire spécifique, réalisée après les traitements néoadjuvants dans le cas de cancers localisés. L’objectif était de trouver des patientes chez qui plus aucune tumeur n’était détectable, et qui pourraient ainsi éviter la chirurgie. La seconde emploie une technologie particulièrement sensible, grâce à l’ADN tumoral circulant, qui recherche la présence de cellules tumorales dans le corps après administration du traitement néoadjuvant, en vue d’une chirurgie. » À partir du séquençage complet du génome tumoral, le test peut rechercher jusqu’à 1 800 variants génétiques, contre seulement 10 à 50 pour les tests classiques. La détection d’ADN tumoral circulant après une chimiothérapie est associée à un risque élevé de rechute. « Une prise de sang réalisée au moment de la chirurgie pourrait informer sur la nécessité ou non de réaliser des traitements postopératoires. »
Ces deux études restent très préliminaires. « Elles ne démontrent pas que les stratégies sont valables, seulement qu’elles sont intéressantes. Les résultats sont prometteurs mais très hypothétiques. Il faut les voir comme des pistes pour de futures recherches », conclut François-Clément Bidard.
Un espoir pour les cancers de l’ovaire résistants au platine
Face aux cancers gynécologiques, une étude en particulier a attiré l’attention lors de l’Asco 2025, nommée Rosella. « Elle s’intéresse à une catégorie de patientes atteintes de cancer de l’ovaire dits “platine résistants”, pour lesquelles nous avons peu d’options thérapeutiques », observe le Dr Diana Bello Roufai, oncologue médicale à l’Institut Curie. « Le cancer de l’ovaire le plus fréquemment diagnostiqué est le cancer séreux de haut grade. Après un traitement initial, cette affection rechute souvent. Lorsque la rechute survient dans les six mois suivant la dernière exposition à la chimiothérapie standard, à base de platine, le pronostic de la maladie est plus mauvais, et on parle alors de cancer résistant au platine. » Les standards thérapeutiques actuels proposent des chimiothérapies classiques, comme le paclitaxel (Taxol) et la doxorubicine liposomale pégylée (Caelyx), avec des résultats assez modestes en matière d’efficacité. Depuis environ un an, une nouvelle molécule est disponible en France : le mirvetuximab soravtansine (Elahere), un complexe anticorps-drogue conjugué. Ce traitement augmente la survie des patientes, mais il ne peut être donné qu’à celles qui surexpriment des récepteurs α aux folates.
Encore des étapes à franchir
L’avantage majeur de Rosella est de concerner les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire résistant au platine, indépendamment de l’expression de tout biomarqueur. Les chercheurs ont testé l’association de deux médicaments, une chimiothérapie avec le nab-paclitaxel (Abraxane) et le relacorilant (inhibiteur de glucocorticoïdes). Cette combinaison améliore significativement la survie sans progression. Selon le Diana Bello Roufai : « On observe aussi un signal en faveur d’une augmentation de la survie globale, qui sera sûrement confirmé lors des prochains congrès. »
Les données présentées à l’Asco 2025 apportent de nouveaux espoirs pour la prise en charge des cancers féminins. Certaines avancées sont prêtes à transformer la pratique clinique, mais elles doivent encore franchir des étapes réglementaires avant d’être accessibles aux patientes.
À retenir
- L’étude Serena-6, menée dans les cancers du sein métastatiques hormonodépendants, montre l’intérêt d’une stratégie visant à repousser la ré-évolution de la maladie : recherche de mutations par biopsie liquide et administration d’un nouveau médicament le camizestrant.
- Deux essais présentés devraient faire évoluer les premières lignes thérapeutiques pour les cancers du sein métastatiques HER2+ et triples négatifs, avec des associations plus efficaces.
- Deux études ont présenté des techniques intéressantes pour tenter de réduire les traitements nécessaires pour certains cancers du sein triple négatifs, mais ces résultats restent très préliminaires.
- L’essai Rosella met en avant le bénéfice d’une combinaison de chimiothérapie et de relacorilant, qui augmente la survie sans progression dans les cancers de l’ovaire résistants au platine.
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
- Pollution de l’air : un terrain d’action pour les pharmaciens
