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L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL
ANALYSE D’ORDONNANCE
Madame F., 38 ans, a fait un AIT
RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE
Pour qui ?
Pour Mme Aude F., 38 ans.
Par quel médecin
Son médecin généraliste.
L’ordonnance est-elle recevable ?
Oui.
QUEL EST LE CONTEXTE DE L’ORDONNANCE ?
Que savez-vous de la patiente ?
• Mme F. a 2 enfants dont le plus jeune a 11 mois. Au moment de la survenue de l’AIT il y a 2 mois, Mme F. était sous contraception estroprogestative prescrite par son gynécologue quelques semaines après l’accouchement.
A cette période, elle s’était remise à fumer (environ 15 cigarettes par jour). Par ailleurs, Mme F. prenait aussi occasionnellement un triptan pour calmer des crises de migraines sans aura.
• Au moment de l’accident, Mme F. a été hospitalisée en urgence suite à l’apparition brutale de troubles du langage et d’une paralysie de la moitié de son visage. Ses collègues de travail ont eu le réflexe d’appeler le 15. Les symptômes ont rapidement régressé et le diagnostic d’AIT d’étiologie indéterminée a été posé. Mme F. est restée 3 jours à l’hôpital, le temps de réaliser l’ensemble des examens nécessaires au bilan diagnostique et d’évaluer les facteurs de risque. Depuis l’accident, Mme F. ne fume plus.
Quel était le motif de la consultation ?
Mme F. a consulté son médecin généraliste dans le cadre du bilan post-AIT. Ce dernier a renouvelé la prescription d’aspirine instaurée par le neurologue de l’hôpital. Il a également prescrit un AINS en cas d’apparition d’une crise migraineuse.
Que lui a dit le médecin ?
Le médecin a expliqué qu’il était difficile d’identifier la cause de l’AIT car Mme F. ne souffre pas de pathologie cardiovasculaire. Toutefois, le tabac, la contraception estroprogestative et les migraines sont des facteurs qui augmentent le risque de faire un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un AIT, d’autant plus lorsqu’ils se cumulent. Il a expliqué qu’un AIT ne doit pas être pris à la légère car il existe un risque de récidive d’AIT ou même d’AVC constitué. D’où l’importance pour Mme F. de ne plus fumer et de bien prendre la prescription d’aspirine pour fluidifier le sang.
Le médecin a aussi vérifié qu’un rendez-vous gynécologique était programmé afin de mettre en place une nouvelle contraception puisque les estroprogestatifs étaient désormais contre-indiqués.
Vérification de l’historique patient
Les mois précédant l’AIT, des délivrances régulières d’un estroprogestatif de deuxième génération (lévonorgestrel/ éthinylestradiol) et occasionnellement de Maxaltlyo (rizatriptan) ont été réalisées. Kardégic 160 mg est délivré depuis un mois.
LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?
Que comporte la prescription ?
• Kardégic 160 mg (acétylsalicylate de lysine) : antiagrégant plaquettaire indiqué en prévention secondaire après un accident ischémique cérébral transitoire ou constitué.
• Ibuprofène 400 mg : AINS indiqué notamment dans le traitement de la crise de migraine légère à modérée avec ou sans aura.
Est-elle conforme aux référentiels ?
• Oui. L’AIT est une urgence au même titre que l’AVC car le risque de survenue d’un AVC constitué est important si le risque vasculaire n’est pas contrôlé. Un traitement antiagrégant plaquettaire par aspirine est systématiquement indiqué (en l’absence de contre-indication) en cas d’AVC ou d’AIT d’origine athéromateuse ou de cause indéterminée. En principe, il est prescrit à vie mais, chez un sujet jeune, lorsque l’origine de l’accident n’est pas identifiée, sa prescription peut être réévaluée par le neurologue après 1 à 2 ans. Aucun autre traitement n’est nécessaire chez cette patiente sans facteur de risque vasculaire (HTA, diabète, dyslipidémie…).
• La contraception estroprogestative, qui est définitivement contre-indiquée après un AVC, a été arrêtée. A noter que selon les recommandations 2013 de la Haute Autorité de santé (« Contraception chez la femme à risque cardiovasculaire »), les estroprogestatifs ne sont pas recommandés après 35 ans chez la femme fumeuse ou avec des migraines, avec ou sans aura.
Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?
Non.
Y a-t-il des contre-indications pour la patiente ?
Non, Mme F. ne souffre pas d’ulcère gastroduodénal ni d’antécédents d’hémorragie qui contre-indiqueraient la prise d’aspirine et d’ibuprofène. Elle ne présente pas non plus d’antécédent d’allergie à l’aspirine.
Les posologies sont-elles cohérentes ?
Oui. En post-AVC ou AIT, l’aspirine est prescrite à faible dose (75 à 325 mg par jour). Selon l’AMM, l’ibuprofène s’emploie à la posologie maximale de 400 mg 3 fois par jour.
Y a-t-il des interactions ?
Oui, il existe une interaction à prendre en compte entre l’aspirine à dose antiagrégante et l’AINS du fait d’une majoration du risque ulcérogène et d’hémorragies digestives. En principe, lorsqu’un traitement par AINS est nécessaire chez un patient sous antiagrégant plaquettaire, la prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons est recommandée.
Toutefois, cette recommandation concerne essentiellement la prise d’un AINS sur plusieurs jours. La survenue d’un effet indésirable est peu probable lors d’une utilisation très ponctuelle comme ici.
La prescription pose-t-elle un problème particulier ?
Non.
Le traitement nécessite-t-il une surveillance biologique particulière ?
Non, mais la prise en charge du post-AVC ou AIT implique une surveillance régulière par le médecin traitant et le neurologue.
Demande de la patiente
Mme F. avoue qu’il lui est très difficile de résister au tabac. Elle n’a pas osé le dire au médecin mais hier, elle a craqué en prenant le café avec ses collègues de bureau. Peut-elle recourir aux patchs à la nicotine ou à la cigarette électronique comme le lui a suggéré sa collègue ?
Le tabagisme est l’une des principales causes d’AVC : certains des composants de la fumée du tabac favorisent l’athérosclérose et l’épaississement de la paroi des artères. L’arrêt du tabac est donc impératif. Faute de recul suffisant, il n’est pas possible à l’heure actuelle de recommander la cigarette électronique plutôt que les patchs à la nicotine chez un patient ayant eu un accident vasculaire récent. En revanche, les substituts nicotiniques ne majorent pas le risque d’accidents cardiovasculaires ni d’hypertension artérielle, ni d’artérite. Ils peuvent tout à fait être employés après un AVC ou un AIT (réponse 3).
Quels conseils de prise donner ?
Mme F. prend déjà Kardégic depuis 1 mois. La prescription d’ibuprofène en association à l’antiagrégant plaquettaire implique des recommandations spécifiques.
Utilisation de l’ibuprofène
• Modalités de prise : l’AINS est prescrit ici pour en disposer si nécessaire. Mme F. ne doit y recourir que sur une courte durée en cas de crise migraineuse. Il doit être pris dès les premiers signes de la migraine, avec un grand verre d’eau et, si possible, avec une collation pour limiter les effets indésirables digestifs.
• Effets indésirables : outre des réactions d’hypersensibilité (prurit, rash, urticaire, œdème…), ce sont principalement des gastralgies et dyspepsies ainsi que des ulcères et des hémorragies gastro-intestinales. Le risque est ici potentiellement majoré par l’association à l’antiagrégant plaquettaire.
Efficacité de l’antiagrégant
L’objectif est d’éviter un nouvel AIT ou AVC.
• Effets indésirables : ils sont d’ordre gastro-intestinal (ulcères, hémorragies digestives) et hémorragique (épistaxis, gingivorragies, purpura). Mme F. doit systématiquement signaler la prise de l’antiagrégant à tout professionnel de santé (dentiste, pédicure…). Des réactions d’hypersensibilité sont possibles.
• Observance : vérifier que Mme F. a bien compris l’enjeu du traitement antithrombotique et la nécessité d’une bonne observance : « A quel moment prenez-vous Kardégic ? » Mme F. explique qu’elle prend le médicament au petit déjeuner mais qu’il lui est arrivé une ou deux fois de l’oublier. Elle a donc mis en place une sonnerie de rappel sur son téléphone à 10 heures (à cette heure elle est toujours réveillée, même le week-end !) pour pouvoir éventuellement rattraper un oubli.
• Modalités de prise : les sachets doivent être dissous dans l’eau avant administration.
Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?
• Des douleurs digestives (brûlures…) inhabituelles, importantes ou persistantes, notamment après arrêt de l’AINS.
• Des signes d’hémorragies digestives externes (vomissements sanglants, méléna…) ou internes (pâleur, malaise inexpliqué, fatigue inhabituelle…).
CONSEILS COMPLEMENTAIRES
• Bien respecter le calendrier des rendez-vous avec le neurologue et le médecin traitant. Ces visites permettent un contrôle de la pression artérielle et une réévaluation des autres facteurs de risque cardiovasculaires (reprise du tabagisme, hyperlipidémie…).
• Mme F. doit absolument arrêter de fumer. En cas de difficulté, il faut l’inciter à consulter un tabacologue.
• Le pharmacien doit aussi rappeler l’importance d’une bonne hygiène de vie : une activité physique régulière, la limitation des graisses saturées font partie intégrante de la prévention des pathologies cardiovasculaires.
• Proposer à Mme F. de ramener à la pharmacie les plaquettes de pilules restantes. Les microprogestatifs ou un DIU à la progestérone sont des méthodes de contraception qui peuvent être proposées par le gynécologue mais généralement pas dans les suites immédiates de l’AVC ou de l’AIT. Un stérilet au cuivre est une option possible immédiatement. En attendant le rendez-vous gynécologique, Mme F. peut recourir à une contraception mécanique (préservatifs, spermicides locaux…).
Un mois plus tard
Mme F. se présente à la pharmacie car elle a une migraine depuis ce matin et doit absolument assister à une réunion importante dans la soirée. L’AINS ne la soulage pas suffisamment mais elle a retrouvé une ancienne ordonnance de Maxaltlyo datant de 6 mois, à renouveler.
Les triptans, agonistes sérotoninergiques sont contre-indiqués en cas d’antécédent d’AIT ou d’AVC car ils peuvent en effet entraîner une constriction des vaisseaux intracrâniens (réponse 2). On peut recommander à Mme F. la prise de paracétamol-codéine tout en sachant que ce traitement doit rester très ponctuel (non recommandé par les neurologues en raison du risque d’abus). Si les migraines sont invalidantes, Mme F. devra consulter le neurologue pour mettre en place un traitement de fond compatible avec ses antécédents.
PATHOLOGIE
L’AVC en 5 questions
Tout AVC est une urgence. On distingue les AVC ischémiques liés le plus souvent à l’occlusion d’une artère, et les AVC hémorragiques, consécutifs à la rupture d’une artère.
• L’AVC est un événement clinique en rapport avec la destruction d’une partie du parenchyme cérébral par un mécanisme vasculaire. En cas d’insuffisance massive d’apport en oxygène, le plus souvent par occlusion artérielle, il s’agit d’un AVC ischémique ou infarctus cérébral. Si une artère se rompt et est à l’origine de la formation d’un hématome, il s’agit d’un AVC hémorragique.
• Parfois, l’insuffisance d’apport en oxygène vers une partie du cerveau peut être réversible spontanément et donc responsable de symptômes qui durent le plus souvent quelques minutes.
C’est l’accident ischémique transitoire (AIT). C’est un signe d’alerte devant faire craindre la survenue d’un AVC ischémique.
• La prise en charge d’un AVC ou d’un AIT est une urgence diagnostique et thérapeutique, la précocité du traitement conditionnant la récupération ultérieure et l’éventuelle survenue de récidives.
1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?
• L’acronyme FAST permet de mémoriser les 3 groupes de signes évocateurs d’AVC :
– F pour Face (« visage ») : bouche ou sourire asymétrique ;
– A pour Arm (« bras ») : impossibilité ou difficulté à bouger un bras (ou une jambe) ;
– S pour Speech (« parole ») : difficultés d’élocution ;
– T pour Time (« temps ») : agir vite.
La présence d’une seule de ces anomalies suffit à faire évoquer un accident vasculaire cérébral.
• On peut aussi mémoriser la traduction française de FAST, « VITE » : Visage paralysé, Inertie d’un membre, Trouble de la parole, En urgence appeler le 15.
• A ces signes peuvent s’ajouter une diminution ou une perte de la vision uni- ou bilatérale ou une céphalée intense.
• L’heure exacte de survenue des symptômes doit être notée. L’appel de toute urgence au centre 15 est la règle. Le SAMU décide alors du moyen de transport le plus rapide et le plus adapté aux besoins du patient.
• La régression spontanée des symptômes (AIT) ne diminue pas le degré d’urgence et ne doit pas être considérée comme un signe de bénignité.
2 QUELS SONT LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES ?
Le bilan permet de confirmer l’AVC et d’éliminer les principaux diagnostics différentiels.
Imagerie cérébrale et vasculaire• La distinction entre infarctus et hémorragie cérébrale ne peut être réalisée cliniquement de manière fiable et nécessite le recours à une imagerie cérébrale. L’IRM cérébrale est plus efficace que le scanner dans la plupart des cas pour l’évaluation d’un patient victime d’AVC, mais le scanner reste souvent l’examen de première intention (facilité d’accès, rapidité, absence de contre-indication).
• L’évaluation des vaisseaux permet d’évaluer la cause et le risque d’aggravation ou de récidive et permet d’orienter la prise en charge thérapeutique. Les artères supraoptiques et intracrâniennes sont visualisées par IRM ou par angioscanner.
Autres examens• Après un AVC ischémique ou un AIT, le monitoring électrocardiographique est nécessaire pour dépister un trouble du rythme cardiaque. L’échographie cardiaque, à la recherche d’une cardiopathie emboligène, est systématique.
• Les examens biologiques (hémogramme, glycémie, ionogramme sanguin, évaluation de la fonction rénale, bilan lipidique, coagulation) complètent le bilan.
3 QUELLES SONT LES ETIOLOGIES ?
• AVC ischémiques et AIT : les principales causes sont l’athérome des artères cervicales, intracrâniennes ou de l’aorte, les embolies d’origine cardiaque (arythmie par fibrillation auriculaire, infarctus du myocarde responsable d’un trouble sévère de la cinétique cardiaque, endocardite…) et les maladies des petites artères cérébrales favorisées par l’âge et l’HTA, responsables de petits infarctus profonds.
D’autres étiologies sont plus rares : dissections des artères cervicales ou intracrâniennes (adulte jeune), atteinte inflammatoire ou infectieuse de la paroi artérielle, thrombophilies innées ou acquises. Environ un tiers des infarctus cérébraux restent cependant de cause indéterminée.
• AVC hémorragique : les causes les plus fréquentes sont les maladies des petites artères cérébrales favorisées par l’âge et l’HTA, et l’angiopathie amyloïde cérébrale A bêta (associée ou non à une maladie d’Alzheimer). Chez les sujets jeunes, les malformations artérioveineuses, certains anévrismes et les thromboses veineuses cérébrales sont des causes rares mais classiques d’AVC hémorragique. Des causes toxiques (cocaïne, amphétamines…) ou des troubles de la coagulation innés ou acquis peuvent aussi être responsables d’AVC hémorragiques.
4 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?
• AVC ischémiques : ce sont en premier lieu l’âge et l’HTA.
Suivent l’hypercholestérolémie, le diabète, le tabac.
La consommation excessive d’alcool, l’obésité, la sédentarité sont aussi associées, mais de façon plus inconstante, à un surrisque d’AVC ischémique. De nombreux autres facteurs ou marqueurs de risque, de plus faible amplitude, restent discutés.
• AVC hémorragique : ce sont essentiellement l’âge et l’HTA (de manière plus importante encore que pour l’AVC ischémique) ; également l’angiopathie amyloïde et la prise de traitements antithrombotiques (antiagrégants ou anticoagulants).
• Autres facteurs de risque : la contraception estroprogestative élève le risque de thrombose veineuse cérébrale (cause rare d’AVC hémorragique), mais moins que la grossesse et le post-partum. A dose égale d’éthinylestradiol, le risque est plus élevé pour les spécialités contenant un progestatif de 3e ou 4e génération (exceptées celles contenant du norgestimate) par rapport à celles de 2e génération. La contraception estroprogestative, quelle que soit la voie d’administration, augmente aussi le risque thrombotique artériel.
• La migraine, particulièrement avec aura, est statistiquement associée à un risque plus élevé d’AVC ischémique, mais l’importance de cette association est faible et les mécanismes ne sont pas bien connus.
5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?
• Le pronostic et l’évolution des AVC dépendent de la sévérité de l’événement initial, de l’âge et de la prise en charge initiale (notamment de sa précocité).
• L’AVC reste une pathologie grave avec des taux de décès à 30 jours de l’ordre de 10 % pour l’AVC ischémique et de 30 % pour l’AVC hémorragique. Les causes de décès sont liées à la pathologie neurologique elle-même (œdème cérébral, engagement cérébral) ou à ses conséquences (troubles de déglutition, immunodépression…).
• Après un premier AVC ischémique, le risque de récidive est important mais extrêmement variable selon la cause identifiée et la prise en charge (de 1 à plus de 10 % par an). Ce risque est plus élevé que celui de faire un premier AVC ischémique dans une population de même âge et de même sexe. Le risque d’infarctus du myocarde et d’événements vasculaires est également augmenté.
• Des études épidémiologiques réalisées avant l’optimisation de la prise en charge des AIT ont évalué le risque de récidive ou de survenue d’un infarctus cérébral entre 2,5 et 5 % dans les 48 premières heures, 10 et 20 % à 1 an, 15 à 30 % à 5-10 ans. Avec une prise en charge optimale, le risque d’AVC à 6 mois semble dorénavant de l’ordre de 2 %.
• Les séquelles potentielles sont variées : symptômes moteurs, trouble du langage, troubles cognitifs (concentration, raisonnement, mémoire…). La fatigue est un symptôme extrêmement fréquent après un AVC, y compris lorsque la récupération semble complète. Des symptômes parfois non détectés par les médecins peuvent avoir une répercussion majeure sur le quotidien (troubles du sommeil, trouble du comportement…). La survenue d’une dépression est fréquente chez le patient et chez les aidants.
THÉRAPEUTIQUE
Comment prendre en charge l’AVC ?
Toute suspicion d’AVC ou d’AIT doit faire l’objet d’une prise en charge si possible en unité hospitalière spécialisée. La prévention secondaire repose sur le contrôle des facteurs de risque vasculaire et, en cas d’infarctus cérébral ou d’AIT, sur la mise en route d’un traitement antithrombotique.
THÉRAPEUTIQUE
• Les AVC (infarctus cérébraux et hémorragies cérébrales) et les AIT (accidents ischémiques transitoires, parfois appelés « ischémie cérébrale transitoire ») sont des urgences diagnostiques et thérapeutiques. En cas d’AVC, la prise en charge a pour but de préserver la vie du patient, d’améliorer ses chances de récupération fonctionnelle et d’éviter les récidives. Même en cas d’AIT, la réalisation d’un bilan diagnostique en extrême urgence, de préférence en unité neurovasculaire, est nécessaire. L’objectif est de prévenir un infarctus cérébral et, plus globalement, de réduire le risque cardiovasculaire.
• Toute suspicion d’AVC ou d’AIT doit conduire à composer le 15. La détermination de l’heure exacte d’installation des symptômes est fondamentale.
Infarctus cérébral• L’instauration rapide d’un traitement en unité neurovasculaire conditionne le pronostic immédiat (vital) et ultérieur (fonctionnel). Ce traitement repose notamment sur une thrombolyse, qui vise à désobstruer l’artère touchée par dissolution du caillot. Celle-ci est réalisée par administration d’un activateur du plasminogène, l’altéplase (Actilyse, à l’hôpital), dans un délai maximal de 4 h 30 au maximum après l’apparition des symptômes. Au-delà, le rapport bénéfice-risque du traitement n’est plus favorable. Dans le même temps, l’équipe médicale procède à la gestion des symptômes associés (corrections des troubles hydroélectrolytiques, de l’hyperglycémie, de l’hyperthermie…). La prévention des complications et la rééducation sont débutées très rapidement. Lorsqu’une thrombolyse n’a pu être instaurée dans les délais requis, l’administration d’aspirine, par voie orale ou intraveineuse, est entreprise le plus précocement possible.
• La prévention vasculaire après un AIT est la même qu’après un infarctus cérébral : elle est basée sur la mise en route d’un traitement antithrombotique et sur le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire.
Traitement antithrombotique• Antiagrégant plaquettaire : la prescription d’un antiagrégant plaquettaire est systématique en cas d’AIT ou d’infarctus cérébral par athérosclérose, maladie des petites artères ou de cause indéterminée. Le traitement devra être poursuivi à vie (sauf parfois dans des cas particuliers comme l’infarctus cérébral du sujet jeune).
• L’aspirine à faible dose (75 à 325 mg par jour) est le traitement de premier choix.
• Le clopidogrel (75 mg par jour) constitue une alternative, particulièrement en cas d’allergie à l’aspirine ou d’antécédent d’ulcère gastrique.
• L’association aspirine-dipyridamole, non citée dans les dernières recommandations de la HAS (juillet 2014), augmente le risque d’effets indésirables (céphalées, troubles digestifs).
• Récemment, l’étude CHANCE a suggéré que l’association clopidogrel (75 mg par jour) et aspirine (75 mg par jour) serait bénéfique en post-AIT ou infarctus cérébral (jusqu’à 90?jours). Toutefois, actuellement il n’y a pas d’indication à prescrire cette association, sauf chez certains patients présentant des sténoses athéromateuses intracrâniennes symptomatiques.
• Anticoagulants : en cas d’infarctus cérébral ou d’AIT causé par une fibrillation auriculaire, un anticoagulant par voie orale est indiqué (sauf contre-indication). Les antivitamines K restent le traitement de référence. Ils sont également recommandés en cas d’infarctus cérébral ou d’AIT associé au port d’une prothèse valvulaire ou d’un rétrécissement mitral rhumatismal (INR fonction du type de valve et du rythme cardiaque). Les anticoagulants oraux directs ou AOD (apixaban, dabigatran, rivaroxaban) sont une alternative chez les patients pour lesquels l’INR est difficile à équilibrer ou qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l’INR. Il n’y a pas d’arguments à l’heure actuelle pour remplacer un AVK, efficace et bien toléré, par l’une de ces molécules.
Contrôle des facteurs de risque• HTA : toute hypertension artérielle doit être traitée avec un objectif tensionnel en dessous de 140/90 mmHg. En cas de diabète, l’objectif est une tension artérielle inférieure à 140/85 mmHg. Les diurétiques thiazidiques, les IEC et les inhibiteurs calciques (dihydropyridines) ont fait la preuve de leur efficacité. Les autres classes médicamenteuses peuvent aussi être choisies en fonction du terrain du patient et de l’objectif tensionnel.
• Dyslipidémie : un traitement par statine est indiqué si besoin avec comme cible un LDL-cholestérol < 1 g/l (2,6 mmol/l) pour les infarctus cérébraux ou les AIT d’origine non cardioembolique. Les statines sont également prescrites chez les patients à risque vasculaire élevé (diabète ou antécédent coronarien), et ce, quel que soit le taux de LDL-cholestérol. La simvastatine a une AMM en prévention secondaire chez les patients ayant une pathologie cardiovasculaire avérée d’origine athéroscléreuse.
L’atorvastatine, d’action plus puissante et qui a été étudiée en prévention des récidives d’AVC, peut être préférée selon le pourcentage de baisse de LDL-cholestérol visé.
• Diabète : un contrôle glycémique strict est nécessaire avec pour objectif une HbA1c “8 % en cas d’AVC ou d’AIT récent (moins de 6 mois) ;” 7 % si l’accident est plus ancien. A moduler selon le profil du patient.
• Mesures hygiénodiététiques. Elles jouent un rôle majeur : arrêt du tabac, réduction des sucres rapides et de l’alcool, diminution des apports en sel et en graisses saturées en cas de dyslipidémie, réduction pondérale, lutte contre la sédentarité.
Hémorragie cérébraleLa prévention des récidives repose principalement sur le traitement de la cause sous-jacente lorsque c’est possible (arrêt d’un antithrombotique, correction d’une éventuelle malformation vasculaire…) et sur la correction des facteurs de risque vasculaire, en particulier l’HTA.
TRAITEMENTS
Antiagrégants plaquettairesAspirineL’acide acétylsalicylique est indiqué après un infarctus cérébral ou un AIT à la posologie de 75 à 325 mg par jour au long cours. L’association à un IPP n’est recommandée que chez les patients ayant eu une hémorragie digestive sous aspirine à faible dose.
Effets indésirables : principalement gastro-intestinaux même à faible dose (ulcères, hémorragies digestives). L’aspirine peut également entraîner des saignements (épistaxis, gingivorragie …) et des réactions d’hypersensibilité (urticaire, asthme, angio-œdème).
DipyridamoleL’association dipyridamole- aspirine à faible dose (Asasantine LP), indiquée après un AIT ou un infarctus cérébral lié à l’athérosclérose et datant de moins de 3 mois, n’est plus citée dans les dernières recommandations.
Effets indésirables : les plus fréquents sont les troubles gastro-intestinaux (dyspepsie, douleurs épigastriques…), les saignements ainsi que les effets indésirables liés aux propriétés vasodilatatrices du dipyridamole (céphalées, hypotension, tachycardie réflexe, voire aggravation d’une symptomatologie coronarienne).
L’apparition de douleurs angineuses chez les patients présentant une coronaropathie sévère impose l’arrêt du traitement.
ClopidogrelLe clopidogrel est une prodrogue convertie par les cytochromes P450 en métabolite actif. Il existe une variabilité interindividuelle importante de ces enzymes expliquant que certains patients soient insuffisamment répondeurs au traitement. Le clopidogrel est indiqué en prévention secondaire après un infarctus cérébral datant de plus de 7 jours et de moins de 6 mois. Il est moins pourvoyeur d’hémorragies digestives que l’aspirine et peut être prescrit chez le sujet ulcéreux après cicatrisation. Il paraît plus efficace que l’aspirine dans la prévention d’un événement ischémique chez les patients artéritiques polypathologiques (diabète, hypercholestérolémie…).
Effets indésirables : les plus fréquents sont des troubles digestifs (diarrhées, douleurs abdominales) et des saignements (hématomes, épistaxis…). Des atteintes cutanées parfois graves et d’exceptionnelles hémophilies acquises mettant en jeu le pronostic vital sont rapportées.
TiclopidineLa ticlopidine expose à un risque d’effets indésirables hématologiques graves (agranulocytose, aplasie médullaire…) imposant une surveillance régulière de la numération-formule sanguine. Elle n’est pas citée dans les recommandations.
Interactions• L’association d’un antiagrégant plaquettaire à un anticoagulant ou à un AINS majore le risque hémorragique et ulcérogène. Lorsqu’un traitement par AINS est nécessaire chez un patient sous antiagrégant plaquettaire, l’association à un médicament protecteur de la muqueuse gastrique se justifie pour prévenir des complications ulcéreuses. L’AINS doit être prescrit pour la durée la plus courte possible.
Dans tous les cas, les coxibs et le diclofénac sont contre-indiqués après un AVC. Par ailleurs, il doit être tenu compte du fait que tous les AINS augmentent le risque cardiovasculaire.
• Aspirine et dipyridamole : leur association au probénécide est déconseillée (diminution de l’effet uricosurique).
• Clopidogrel : l’association à des inhibiteurs du CYP 2C19 (oméprazole, ésoméprazole, fluvoxamine, fluoxétine, fluconazole, ciprofloxacine, carbamazépine) est à éviter (diminution de l’efficacité du clopidogrel).
Anticoagulants orauxAntivitamines K
La warfarine, la fluindione et l’acénocoumarol sont des médicaments de maniement délicat en raison des nombreux facteurs (hérédité, âge, contexte infectieux, alimentation, interactions médicamenteuses) qui peuvent déséquilibrer le traitement, entraînant une efficacité insuffisante ou un risque de surdosage. Une fois l’INR équilibré (entre 2 et 3), celui-ci doit être contrôlé au moins une fois par mois et chaque fois qu’il existe un risque de déséquilibre (maladie intercurrente, introduction ou retrait d’un médicament, vomissements, diarrhées…). Les fonctions rénales et hépatiques sont surveillées à l’initiation et au cours du traitement.
Effets indésirables : des saignements visibles (gencives, épistaxis, œil rouge, sang dans les selles…) ou la suspicion de saignements (fatigue inhabituelle, essoufflement anormal, malaise inexpliqué…) nécessitent de contacter au plus vite le médecin.
La fluindione peut induire des manifestations immunoallergiques (néphrites tubulo-interstitielles, syndrome DRESS).
Interactions : les AVK sont très fortement liées aux protéines plasmatiques, d’où de nombreuses interactions médicamenteuses. AINS, aspirine à dose antalgique et antipyrétique sont déconseillés.
Anticoagulants oraux directs• L’apixaban, le rivaroxaban et le dabigatran sont éliminés en partie par le rein d’où un risque hémorragique augmenté en cas d’insuffisance rénale. Une surveillance de la fonction rénale doit être instaurée avant et pendant le traitement. Une évaluation de la fonction hépatique et un dosage de l’hémoglobine sont également recommandés avant l’instauration du traitement puis une fois par an.
• Du fait de leur demi-vie courte, ces molécules sont très sensibles à l’oubli d’une prise. Contrairement aux AVK, il n’existe pas à ce jour de test de routine permettant de mesurer le degré d’anticoagulation (les tests d’hémostase réalisés en pratique courante ne sont pas informatifs). Il n’existe pas pour le moment d’antidote en cas de surdosage.
Effets indésirables : comme les AVK, il existe un risque d’atteintes hémorragiques majeures. Outre les patients insuffisants rénaux, les sujets âgés (plus de 75 ans) ou de faible poids (moins de 60 kg) sont plus à risque de saignement. Des nausées, diarrhées et douleurs abdominales sont possibles. Des anomalies de la fonction hépatique sont rapportées. Le rivaroxaban peut entraîner des vertiges. Le plan de gestion des risques de ces molécules au niveau européen concerne le suivi des accidents hémorragiques et des atteintes hépatiques, et également des atteintes rénales pour le rivaroxaban et des infarctus du myocarde pour le dabigatran.
Interactions : ils sont déconseillés en association aux AINS. Il est par ailleurs déconseillé d’associer l’apixaban et le rivaroxaban à des inhibiteurs enzymatiques puissants du CYP3A4 (antifongiques azolés, inhibiteurs de protéases…) du fait du risque de majoration de saignement. L’association du dabigatran à des inducteurs enzymatiques est déconseillée (carbamazépine, phénytoïne, rifampicine, millepertuis…).
PerspectivesUne demande d’AMM au niveau européen a été déposée pour l’édoxaban, inhibiteur direct du facteur Xa administré en une prise par jour, avec notamment une indication dans la prévention des AVC chez les patients souffrant de fibrillation atriale non valvulaire. Le bétrixaban, un autre médicament de la même classe, est à l’étude (phases II et III).
ACCOMPAGNER LE PATIENT
Annie, 55 ans, aide-soignante en invalidité
« J’ai fait une hémorragie cérébrale il y a 10 ans. A cette époque, ma tension était mal équilibrée. Le jour où c’est arrivé, j’ai eu mal à la tête et des vertiges puis j’ai perdu connaissance. J’ai été opérée le soir même et je suis restée quelques jours dans le coma. A mon réveil, j’étais paralysée et j’ai passé plusieurs mois dans un centre de rééducation. J’ai dû réapprendre à marcher, à parler, à réaliser de nombreux gestes de la vie quotidienne. Je n’ai jamais pu reprendre le travail. J’ai toujours des troubles de l’équilibre et je souffre d’une incontinence urinaire traitée par Vesicare. J’étais très active et j’ai l’impression de vivre maintenant au ralenti. »
L’AVC VU PAR LES PATIENTS
Impact psychologiqueL’impact psychique et émotionnel d’un AVC est important et encore trop souvent négligé. Même lorsque les séquelles de l’accident sont minimes, de nombreux patients souffrent de troubles anxieux voire dépressifs.
Impact sur la vie quotidienneLa perte d’autonomie, variable selon les troubles moteurs et/ou sensitifs présents (hémiplégie ou perte de l’usage d’une main ou d’un bras, spasticité, perte du champ visuel…), conduit à une dépendance. La fatigue très fréquente, des troubles du sommeil, du comportement ou de l’attention peuvent avoir une répercussion majeure sur le quotidien.
Impact sur la vie familialeLes rôles au sein de la cellule familiale sont souvent bouleversés. La survenue d’une dépression parmi les proches du patient n’est pas rare.
Impact professionnel et socialL’AVC peut contraindre à un arrêt de travail, à un reclassement ou à une mise en invalidité et peut générer des difficultés financières. Un déficit cognitif peut altérer la communication et conduire à un isolement social.
À DIRE AUX PATIENTS
A propos de la pathologie• Comprendre l’enjeu : avoir fait un AVC signifie qu’on est plus à risque d’en faire un autre. D’où la nécessité d’un suivi médical rigoureux pour corriger les facteurs de risque vasculaire. Un AIT est un véritable signe d’alerte : non seulement la disparition spontanée des symptômes ne doit pas rassurer mais elle doit conduire à un bilan diagnostique en extrême urgence et à un traitement par aspirine.
• Rééducation : on peut récupérer des mois voire des années après un AVC. Les éventuelles séquelles ne sont pas nécessairement corrélées à l’importance du déficit initial. Les capacités de récupération dépendent en partie d’une rééducation précoce (kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie…), dès la phase aiguë. Le suivi de cette rééducation au retour au domicile est primordial pour pérenniser et encore améliorer les résultats.
• Handicap physique : il peut être nécessaire de réorganiser l’espace de vie (ôter les tapis, installer des barres d’appui…), recourir à un lit électrique, un fauteuil roulant, à différentes aides techniques : pince de préhension, assiettes et tasses adaptées…
• Aide : ne pas hésiter à s’adresser aux associations de patients ou à une assistante sociale en cas de difficulté financière.
• Signaler l’accident à tout professionnel de santé car certains traitements sont définitivement contre-indiqués : acide tranexamique, estroprogestatifs, traitements hormonaux substitutifs de la ménopause, triptans, dérivés de l’ergot de seigle, décongestionnant vasoconstricteurs, coxibs, diclofénac… D’une manière générale, tous les AINS sont déconseillés au long cours (pathologie rhumatismale…) chez les patients à risque cardiovasculaire.
• Suivi : bien respecter les visites de suivi chez le médecin généraliste, le neurologue et, le cas échéant, les différents spécialistes (diabétologue, cardiologue…). La tension artérielle doit être régulièrement surveillée. Encourager l’automesure tensionnelle.
A propos du traitement• Traitement antithrombotique : généralement instauré à vie, il ne doit jamais être stoppé sans avis médical. Le patient doit savoir repérer les signes d’hémorragie (vomissements sanglants, sang dans les selles, hypotension, malaise, fatigue inhabituelle…). Tout saignement inhabituel et/ou prolongé ou important (épistaxis…) impose aussi un avis médical rapide. Sous anticoagulant, le patient doit toujours avoir sur lui la carte mentionnant le traitement anticoagulant et doit présenter à tout professionnel de santé le carnet de suivi du traitement par AVK. Il est possible de proposer aux patients sous AVK des entretiens pharmaceutiques.
• En cas d’acte invasif ou chirurgical : il est généralement recommandé de poursuivre l’antiagrégant plaquettaire ou l’AVK (à condition que l’INR soit bien compris entre 2 et 3) en chirurgie dentaire, ainsi que pour la majorité des actes entraînant des saignements mineurs. En revanche, sous anticoagulants oraux directs, il est en général recommandé d’interrompre le traitement 24 à 48 heures avant une intervention même à risque de saignement mineur.
• Facteurs de risque cardiovasculaires : une observance rigoureuse des traitements de l’HTA, du diabète ou d’une dyslipidémie est nécessaire.
• Automédication : de nombreux traitements sont contre-indiqués ou déconseillés (pseudo-éphédrine, AINS…). Dans les suites d’un AVC hémorragique, l’aspirine en automédication est à proscrire.
Signes d’alerte• Les signes évocateurs d’un AVC ou d’un AIT surviennent brutalement et doivent alerter : bouche ou sourire asymétrique ; impossibilité ou difficulté à bouger un bras ou une jambe ; difficultés d’élocution. Une diminution ou une perte de la vision ou un mal de tête sévère doit aussi alerter. L’appel au 15 (ou au 112, numéro d’urgence européen) doit être un réflexe pour toute personne, entourage ou professionnel de santé. Noter l’heure précise d’apparition du premier signe clinique de l’AVC. Si cette heure est inconnue (par exemple si les symptômes sont constatés le matin au réveil), il faut préciser l’heure où le patient a été vu la dernière fois sans déficit neurologique.
PRÉVENTION
Mesures hygiénodiététiques : arrêt impératif du tabac, contrôle du poids, réduction des graisses saturées, activité physique quotidienne adaptée, réduction de la consommation de sel (pas plus de 6 g/jour), arrêt ou limitation de la consommation d’alcool (maximum 3 verres/jour chez les hommes, 2 verres/jour chez les femmes). L’HTA est le principal facteur de risque maîtrisable.
Délivreriez-vous ces ordonnances ?
ORDONNANCE 1 : NON. L’acide tranexamique est contre-indiqué en cas d’antécédent d’accident thromboembolique veineux ou artériel (comme un AVC) du fait de son activité antifibrinolytique. Il ne faut pas délivrer Spotof à Mme V. qui doit impérativement revoir son gynécologue pour envisager un autre traitement. Il faut lui rappeler de toujours signaler l’antécédent d’AVC à tous les professionnels de santé.
ORDONNANCE 2 : NON. Pas d’emblée. En effet, l’association de Pradaxa avec un AINS est déconseillée car elle augmente de façon significative le risque hémorragique. Il est préférable de contacter l’hôpital, notamment si M. D. a omis de signaler son traitement anticoagulant. Si la prescription est maintenue, M. D. doit être informé de l’augmentation des risques de saignement. Tout saignement inhabituel et/ou persistant ou tout signe clinique faisant évoquer une hémorragie digestive (sang dans les selles, malaise, hypotension…) nécessite une consultation médicale.
MÉMO-DÉLIVRANCE
Les patients à risque et leur entourage connaissent-ils les signes qui doivent alerter ?
• Les patients ayant des antécédents d’AVC ou d’AIT et ceux à risque cardiovasculaire doivent être sensibilisés aux signes évocateurs d’AVC. L’acronyme FAST permet de les mémoriser : F (Face) : bouche ou sourire asymétrique ; A (Arm) : impossibilité ou difficulté à bouger un bras ou une jambe ; S (Speech) : difficultés d’élocution ; T (Time) : urgence !
• Une diminution ou une perte de la vision, des céphalées intenses doivent aussi alerter.
• La présence d’une seule de ces anomalies apparue brutalement suffit à faire évoquer un AVC.
• La disparition des symptômes (AIT) doit conduire à un bilan diagnostique en urgence et à un traitement adapté pour éviter la survenue d’un AVC constitué.
Savent-ils comment donner l’alerte ?
L’appel en urgence au 15 ou au 112 (numéro d’urgence européen) est la règle pour tout témoin, entourage ou professionnel de santé. Noter l’heure d’apparition des premiers signes.
CONCERNANT LES TRAITEMENTS
Le patient est-il bien observant ?
• L’antiagrégant plaquettaire (ou l’anticoagulant) est généralement prescrit à vie (sauf AVC du sujet jeune de cause indéterminée après avis du neurologue). Il ne doit jamais être interrompu sauf sur recommandation médicale.
• Le contrôle de l’HTA, d’un diabète, d’une dyslipidémie est essentiel. Encourager l’automesure tensionnelle.
Connaît-il les risques liés au traitement antithrombotique ?
• Indiquer la prise du traitement antithrombotique à tout professionnel de santé.
• Tout signe d’hémorragie (vomissements sanglants, sang dans les selles, malaise, fatigue inhabituelle…) ou saignement inhabituel et/ou prolongé (épistaxis…) impose un avis médical rapide.
Pense-t-il à signaler la survenue de l’accident à tout professionnel de santé ?
• Certains traitements sont définitivement contre-indiqués : estroprogestatif, triptans, décongestionnant vasoconstricteurs, coxibs, diclofénac… D’une manière générale, les AINS au long cours (affections rhumatologiques…) sont à éviter chez les patients à risque cardiovasculaire.
• Attention à l’automédication ! : ibuprofène (augmentation du risque hémorragique et ulcérogène avec les antithrombotiques), pseudo-éphédrine… Pas d’aspirine après un AVC hémorragique.
CONCERNANT L’HYGIENE DE VIE
• Sevrage tabagique impératif avec, si besoin, les aides à l’arrêt du tabac.
• Réduction de la consommation d’alcool (maximum 3 verres par jour chez l’homme, 2 verres par jour chez la femme) et de sel (moins de 6 g/jour).
• Réduction pondérale si besoin et prévention de l’obésité (notamment diminution des graisses saturées), activité physique régulière adaptée aux possibilités du patient.
LE CAS : Vous connaissez bien Mme F. mère de 2 jeunes enfants et qui a présenté il y a 2 mois un accident ischémique transitoire (AIT) sans séquelles. Mme F. a consulté aujourd’hui son médecin généraliste qui a reconduit la prescription de Kardégic 160 mg instauré à l’hôpital à la suite de l’AIT. Le médecin a également prescrit de l’ibuprofène 400 mg, en cas de survenue d’une migraine.
Qu’en pensez-vous
Que répondez-vous à M me F. ?
1) Le recours à la cigarette électronique est préférable.
2) Les substituts nicotiniques sont fortement déconseillés après un accident cardiovasculaire récent.
3) Les substituts nicotiniques sont adaptés et indiqués après un AIT ou un AVC.
Qu’en pensez-vous
Pouvez-vous lui délivrer l’antimigraineux ?
1) Oui, ponctuellement cela ne pose pas de problème.
2) Non, en aucun cas.
EN CHIFFRES
• En France, 771 000 personnes vivent avec un antécédent d’AVC, dont 505 000 avec des séquelles.
• Première cause de handicap acquis de l’adulte.
• Incidence en France : 100 000 à 145 000 AVC par an ; 50 % des patients ont plus de 75 ans au moment de l’AVC ; 25 % ont moins de 65 ans.
• 89 % des AVC sont d’origine ischémique.
• 15 à 20 % des patients décèdent au terme du premier mois qui suit l’AVC.
• Environ 75 % des survivants ont des séquelles.
• En France, entre 500 et 1 000 enfants de tous âges sont victimes d’un AVC chaque année.
Comment se constitue un AVC ?
AVC ischémique
• L’ischémie cérébrale résulte le plus souvent de l’occlusion d’une artère cérébrale, en lien avec une thrombose in situ sur plaque d’athérome ou liée à un embole venant d’amont (cœur, gros vaisseaux extracrâniens).
• Le tissu en manque d’oxygène n’est pas atteint de manière égale. La nécrose est le stade ultime et définitif de l’ischémie. Dans les premières heures, une partie du territoire insuffisamment perfusé n’est pas encore nécrosée (c’est la pénombre ischémique). Le principe du traitement à la phase aiguë est de limiter l’extension de la nécrose vers la zone de pénombre en levant le plus vite possible l’occlusion artérielle.
• L’AIT correspond à un épisode neurologique déficitaire de survenue brutale et de résolution spontanée causé par une ischémie focale transitoire d’une zone du cerveau ou de la rétine.
AVC hémorragique
Il résulte de la rupture d’une artère cérébrale, entraînant une hémorragie cérébrale (ou hématome cérébral). A différencier de l’hémorragie méningée, dans laquelle le saignement se produit dans les espaces sous-arachnoïdiens.
CE QUI A CHANGÉ
APPARU
• Obtention d’une AMM fin 2011 pour le rivaroxaban et le dabigatran, et fin 2012 pour l’apixaban dans la prévention de l’AVC chez les patients présentant une fibrillation auriculaire non valvulaire associée à un ou plusieurs facteurs de risque (antécédent d’AVC ou d’AIT, âge ≥ 75 ans, insuffisance cardiaque, diabète, HTA).
• Juillet 2014 : nouvelles recommandations de la HAS sur la prévention vasculaire du post-infarctus cérébral et du post-AIT.
VIGILANCE !!!
Certaines contre-indications des traitements antithrombotiques sont à connaître.
• Antiagrégants plaquettaires (aspirine, ticlopidine, clopidogrel) : ulcère gastroduodénal ou lésion hémorragique en évolution. Aspirine : antécédents d’hypersensibilité aux salicylés ou aux AINS (bronchospasme, réaction anaphylactique). Ticlopidine : antécédents de troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie…).
• Anticoagulants oraux directs (apixaban, dabigatran, rivaroxaban) : lésions ou maladies à haut risque de saignement majeur (ulcérations gastro-intestinales en cours ou récentes, varices œsophagiennes connues ou suspectées…). Dabigatran : insuffisance rénale sévère (clairance à la créatinine < 30 ml/min).
POINT DE VUE Dr France Woimant, neurologue à l’hôpital Lariboisière, Paris, vice-présidente de la fédération nationale France-AVC« Appeler le 15 même si les signes de l’AVC régressent »
Comment améliorer le pronostic des AVC ?
Une des pistes qui se développent est la télémédecine. Elle permet à un plus grand nombre d’accéder à la thrombolyse même si le service hospitalier n’a pas d’unité neurovasculaire. Le transfert rapide du patient vers cette dernière reste ensuite impératif. Mais pour accéder à la thrombolyse, il faut savoir reconnaître les signes de l’AVC et alerter rapidement le 15 même si ceux-ci régressent. Devant un patient qui explique que, brutalement, il n’a plus rien vu d’un œil, le réflexe n’est pas de lui donner un collyre ni de l’envoyer chez l’ophtalmologiste ni même aux urgences, mais d’appeler le 15. Il est important que le pharmacien sache suspecter un AVC chez l’enfant, même si c’est rare (environ 1 000 cas par an en France).
Les enfants à risque sont par exemple ceux atteints de drépanocytose ou de cardiopathies, mais l’AVC peut aussi être une complication d’une maladie infectieuse. Il faut y penser devant un enfant qui traîne la jambe ou a un bras lourd dans les suites d’une varicelle par exemple. Autre réflexe important le cas échéant, toujours demander au patient quel type d’AVC il a eu : s’il s’agit d’une hémorragie cérébrale, la prise d’aspirine comme antalgique/antipyrétique en automédication est à bannir.
Comment expliquer la hausse des AVC chez les sujets jeunes ?
Une augmentation des hospitalisations pour AVC a en effet été constatée ces dernières années chez les patients de moins de 55 ans et plus particulièrement chez la femme. Ceci traduit sans doute un meilleur diagnostic des AVC mais aussi une augmentation des facteurs de risque dans cette population, avec notamment l’association à très haut risque estroprogestatif, tabac et migraine avec aura. Le tabac, l’obésité et la consommation de drogues (cannabis…) expliquent l’augmentation des AVC dans cette tranche d’âge, homme ou femme.
QUESTION DE PATIENTS
« On m’a dit que les séjours en altitude étaient déconseillés après un AVC… »
Au-dessus de 2 000 à 2 500 m, il est préférable d’avoir l’avis du neurologue pour éviter une hypoxie consécutive à un mauvais état artériel. Prendre l’avion ne pose pas de problème du moment que la cabine est pressurisée, mais il est prudent de planifier avec son médecin tout projet de voyage.
QUESTION DE PATIENTS
« Depuis son AVC, mon mari se racle souvent la gorge quand je le fais manger… »
Les troubles de la déglutition sont fréquents après un AVC et des raclements de gorge doivent alerter. Prévoir de petites bouchées, prendre garde aux textures des aliments (éviter les aliments secs, émiettés ou collants), recourir aux eaux gélifiées ou augmenter la viscosité des boissons à l’aide de poudres épaississantes (Clinutren Thickenup Clear, Nutilis Powder…). Veiller à un positionnement correct de la tête : droite dans le prolongement de la colonne et légèrement inclinée en avant.
INTERNET
Association France-AVC
Des documents à télécharger et la possibilité de contacter une antenne régionale.
Association SOS Attaque cérébrale
Des documents d’information pour les patients et les professionnels de santé.
Des questions sur les tests de lecture et la validation de votre DPC ?
formation@lemoniteurdespharmacies.fr
Tél : 06 49 72 16 11
Dénutrition des séniors à l’officine
Roger, l’ancien titulaire, passe régulièrement vous voir. Vous remarquez qu’il maigrit et marche difficilement. Comment aborder ce sujet délicat et dépister une dénutrition chez votre patient âgé ?
Anxiété et dépression à l’officine
Anita, jeune maman, pleure sans raison depuis l’accouchement. Son médecin diagnostique une dépression et prescrit citalopram et zolpidem. Elle pensait au baby blues et hésite à prendre ces médicaments…
Tabac : Engagez-vous en prévention santé
Lucie, 25 ans, veut un bébé, mais fume 12 cigarettes/jour. Patchs, gommes, acupuncture… elle est perdue. Quels conseils lui donner pour un sevrage réussi ? Accompagnez-la efficacement.
Cancer de la prostate
Maurice, 65 ans, sous hormonothérapie pour un cancer de la prostate, reçoit son bon vaccin grippe. Mais peut-il se faire vacciner avec son traitement ? Saurez-vous le rassurer et le conseiller ?
