Assises du maillage : une économie officinale entre croissance et fragilités

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Assises du maillage : une économie officinale entre croissance et fragilités

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Publié le 2 juillet 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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Le Moniteur des pharmacies a dévoilé ce 24 juin une étude d’impact économique de la distension du maillage pharmaceutique. En cartographiant précisément les risques, elle permet de mieux comprendre la situation actuelle et d’envisager des mesures pour l’avenir grâce à ses projections jusqu’en 2030. Troisième volet : une croissance en trompe-l’œil.

En 2024, le chiffre d’affaires global des officines françaises atteint 46,2 milliards d’euros, en hausse de 4,4 % (source Rydge Conseil). Une progression qui masque une réalité contrastée : elle profite d’abord aux officines de taille intermédiaire, tandis que les plus petites structures voient leur activité reculer. En moyenne, le chiffre d’affaires hors taxe par pharmacie atteint 2 115 100 €.

Les moteurs de cette croissance sont multiples : délivrance de médicaments chers, nouvelles missions et honoraire de dispensation. Toutefois, l’augmentation globale cache des différences de rentabilité selon la taille et la localisation des pharmacies.

Des disparités de performance accrues

Les pharmacies de taille moyenne (1,1 à 2,20 M€ de CA) enregistrent une dynamique forte (+ 5,3 %), grâce à un équilibre entre volume, organisation et offre de services. À l’inverse, les petites structures (moins de 1,10 M€) accusent une baisse d’activité de – 0,3 %, freinées par des effectifs restreints, une capacité d’investissement limitée et des difficultés à développer de nouvelles missions.

Plus largement, 32,2 % des officines présentent une baisse de chiffre d’affaires (source Rydge Conseil). Ce tiers vulnérable est majoritairement composé d’officines rurales ou isolées, plus exposées aux hausses de charges et aux transformations sectorielles.

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Une rentabilité sous pression

Bien que la marge brute reste relativement stable (autour de 30 %), le résultat net se contracte, notamment dans les petites structures. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance : alourdissement des charges fixes, pression sur les prix des médicaments, et modèle économique encore trop dépendant du volume de boîtes délivrées (75,4 % du chiffre d’affaires HT provient de la dispensation sur ordonnance).

Face à ces limites, une déconnexion progressive entre rémunération et volume délivré semble indispensable, mais le passage à une rémunération à l’acte – avec des honoraires forfaitaires – pose des défis majeurs. Les pharmacies rurales, périurbaines ou situées en quartiers prioritaires, où les volumes sont encore élevés en raison de la charge pathologique, se trouveraient particulièrement exposées. La mise en place d’un mécanisme de compensation apparaît donc comme une condition sine qua non pour préserver l’accès aux soins dans ces territoires.

Des missions peu reconnues

Le développement des nouvelles missions (vaccination, dépistage, accompagnement des malades chroniques) constitue lui aussi un espoir pour l’économie officinale. Pourtant, leur rentabilité demeure limitée, surtout lorsqu’elles ne s’accompagnent pas de dispensation. Le tarif de ces actes ne couvre ni le temps, ni la responsabilité engagée. La Cour des comptes souligne d’ailleurs la nécessité d’une évaluation médico-économique de ces missions afin d’en garantir un financement pérenne. Sans cela, les missions resteront à la périphérie du modèle officinal, au lieu d’en devenir un pilier structurant.

Quelques chiffres clé pour 2024 :

  • la vaccination a rapporté 48 M€ au réseau
  • les Trod : 5,30 M€
  • le dépistage du cancer colorectal : 8,60 M€
  • seuls 19 % des pharmaciens ont réalisé des bilans partagés de médication, pour un total de 2,60 M€.

Voir notre dossier spécial Maillage pharmaceutique