Biosimilaires : 2 030 devrait marquer un tournant

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Biosimilaires : 2 030 devrait marquer un tournant

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Publié le 8 octobre 2025
Par Christelle Pangrazzi et Elisabeth Duverney-Prêt
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À l’horizon 2030, 34 biomédicaments doivent tomber dans le domaine public. Une perspective de croissance majeure pour les pharmacies d’officine, évaluée à 1,5 milliard d’euros. Mais entre baisse accélérée des marges génériques et inégalités d’accès aux biosimilaires, le réseau pourra-t-il tenir jusque-là ?

Le calendrier est déjà fixé. Dès novembre, l’arrivée du biosimilaire d’Eylea, un anti-VEGF utilisé en ophtalmologie, donnera le ton. En 2028, ce sera au tour de deux mastodontes de l’oncologie, Keytruda (MSD) et Opdivo (BMS), dont les brevets expireront. Au total, 34 biomédicaments devraient tomber dans le domaine public d’ici 2 030.

Pour Hélène Sagnes, directrice du secteur pharmacie-santé aux Échos Études, le potentiel est inédit : « D’ici 2030, la mesure visant à favoriser la substitution en officine pourrait apporter un surcroît de croissance de 1,5 milliard d’euros au marché français. Quel que soit le scénario, le taux de croissance annuel moyen sera proche de 20 %. »

Ces perspectives de croissance contrastent avec l’atonie actuelle d’un marché encore limité à moins de 100 M€ de rémunération supplémentaire annuelle pour les officinaux.

Le paradoxe d’un marché futur florissant et d’un présent asphyxié

Si l’horizon paraît prometteur, la réalité du quotidien officinal est toute autre. En septembre 2024, le CEPS a imposé la baisse des prix de 52 génériques, amputant de 38 M€ les marges du réseau. Une décision qui s’ajoute à une trajectoire de dévalorisation continue : en deux ans, la marge générique doit passer de 40 % à 20 %.

« C’est infliger un choc insoutenable à des pharmacies déjà fragilisées », alerte l’économiste Frédéric Bizard. Pour lui, il est impératif de « lisser le calendrier sur trois à quatre ans et de viser un palier autour de 30 % » afin de permettre au réseau de traverser la période de transition.

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L’équité territoriale en question

Autre enjeu majeur : l’inégalité d’accès aux biosimilaires. Les officines situées à proximité des hôpitaux et des spécialistes prescripteurs bénéficient déjà d’un effet de volume, tandis que les pharmacies rurales ou isolées restent à l’écart.

« L’équité impose des mesures différenciées », estime Frédéric Bizard. Deux options sont avancées : maintenir une marge majorée de 40 % pour les officines n’ayant pas accès aux biosimilaires, ou créer un fonds de compensation alimenté par une partie des économies générées.

Cette proposition est soutenue par l’USPO. « Ce qui devait être une bouffée d’oxygène pour les pharmacies est devenu une contrepartie budgétaire imposée et bien insuffisante », regrette Guillaume Racle, élu national du syndicat.

Une équation scientifique, industrielle et politique

L’attrait des « bio-blockbusters » ne doit pas masquer les difficultés structurelles de développement. Contrairement aux génériques, un biosimilaire requiert entre 6 et 9 ans de développement, pour un coût situé entre 90 et 200 M€, contre 250 000 à 25 M€ pour un générique. Les industriels ne s’engagent donc que sur les molécules à fort potentiel.

Le succès du marché dépendra aussi des conditions d’administration. Le cas du ranibizumab est révélateur : son adoption reste faible, faute de seringues préremplies. Or, pour des traitements chroniques, l’ergonomie et la simplicité d’utilisation conditionnent largement l’acceptabilité par les patients.

À cela s’ajoute la dimension politique : le soutien institutionnel est jusqu’ici resté limité. Aucune campagne nationale n’a accompagné la diffusion des biosimilaires, laissant aux pharmaciens la charge entière de la pédagogie auprès des patients.

Tenir jusqu’en 2030

Le potentiel économique des biosimilaires est considérable, mais il s’agit d’un pari à long terme. Le réseau officinal doit d’abord traverser les prochaines années, marquées par des baisses continues de prix et une fragilisation de nombreux modèles économiques.

L’enjeu est donc double :

– court terme : éviter un effondrement du tissu officinal face à l’érosion des marges ;

– long terme : capter la valeur des biosimilaires, dont les « bio-blockbusters » devraient remodeler le marché.

Le risque est clair : que les pharmacies les plus fragiles ne soient plus là pour profiter des opportunités de 2030.

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