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Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
Le PLFSS pour 2026 pourrait introduire l’idée d’appels d’offres nationaux pour certaines spécialités matures, dont le paracétamol. Derrière un affichage budgétaire, laboratoires et pharmaciens redoutent une réforme qui fragiliserait la production française et complexifierait l’accès aux soins.
La Direction de la sécurité sociale (DSS) a présenté fin septembre un scénario qui bouscule l’équilibre du marché officinal : instaurer des appels d’offres nationaux sur des classes thérapeutiques matures, à commencer par le paracétamol. Les spécialités retenues seraient remboursées pour deux ans, les autres automatiquement exclues.
Officiellement, le dispositif ne se limiterait pas au critère prix : l’administration promet d’intégrer une dimension environnementale et territoriale, fondée sur la méthode Ecovamed d’évaluation carbone. Mais pour les industriels, l’équation reste biaisée. « Que devient une usine si son produit est déréférencé pendant deux ans ? », interroge Laure Lechertier, directrice des affaires publiques d’Upsa, qui détient 22,5 % du marché français du paracétamol adulte.
L’illusion du prix le plus bas
Cette logique de sélection par appels d’offres rappelle le projet de « référencement périodique » inscrit un temps dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, puis retiré sous la pression des syndicats et des laboratoires. L’État poursuit pourtant le même objectif : obtenir des baisses tarifaires structurelles sur les médicaments de ville, un poste de dépense évalué à près de 17 milliards d’euros annuels.
Mais l’expérience européenne montre ses limites. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, des dispositifs similaires ont certes permis de réduire les prix, mais au prix de ruptures d’approvisionnement récurrentes. Pour Upsa, l’histoire risque de se répéter : « Ce projet est déconnecté d’une réalité industrielle », insiste la représentante du laboratoire agenais.
Restreindre la délivrance en officine
Deuxième chantier en cours : un décret limitant à deux boîtes la délivrance des antalgiques de palier 1 (paracétamol, ibuprofène, aspirine). Le texte, validé par la commission de régulation de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), devait paraître avant la fin du gouvernement Bayrou. Objectif affiché : lutter contre un supposé gaspillage.
Upsa balaie cet argument. « Aucune étude ne démontre un gaspillage de paracétamol », souligne Laure Lechertier. Pour les pharmaciens, la mesure se traduirait par une contrainte supplémentaire et par une restriction d’accès aux soins dans les zones rurales ou sous-dotées. Paradoxalement, elle s’oppose au discours officiel de soutien à la filière du paracétamol français.
Codéine sécurisée, poudre d’opium importée
Depuis février 2025, les antalgiques à base de codéine ou de tramadol nécessitent une ordonnance sécurisée, sur décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Objectif : réduire mésusages et dépendances. Conséquence plus ou moins inattendue : un report de 20 % des prescriptions vers Izalgi et Lamaline, deux spécialités à base de poudre d’opium importée d’Inde.
Upsa dénonce une incohérence réglementaire. « La codéine est 100 % française via EuroAPI, mais c’est l’opium indien qui bénéficie d’un régime plus souple », souligne Laure Lechertier, qui y voit une contradiction avec l’ambition de souveraineté sanitaire affichée depuis 2020.
Pharmaciens sous tension
Pour les officinaux, ces deux projets – appel d’offres national et limitation de délivrance – ouvrent une série de risques concrets :
– un choix thérapeutique restreint pour les prescripteurs et les patients,
– une nouvelle couche administrative pour les dispensations quotidiennes,
– une fragilisation de la production locale si les lignes de fabrication se retrouvent sans débouchés.
Au moment où l’exécutif fait de la souveraineté pharmaceutique un pilier de sa stratégie industrielle, la profession s’interroge : l’appel d’offres et la restriction en officine relèvent-ils d’une régulation budgétaire ou d’une véritable politique de santé publique ?
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