Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?

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Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?

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Publié le 9 octobre 2025
Par Christelle Pangrazzi et Sana Guessous
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Honoraires à l’ordonnance renforcés, valorisation des actes gratuits, revalorisation des missions de santé publique… Les syndicats affûtent leurs propositions pour bâtir un modèle économique décorrélé des volumes. Les pistes concrètes de réforme et leurs enjeux.

Après avoir posé le diagnostic d’une profession en crise économique, place aux solutions. Les syndicats pharmaceutiques ont commencé à élaborer leurs propositions pour refonder le modèle de rémunération officinale. L’objectif : bâtir un système moins dépendant des volumes et des prix des médicaments, tout en reconnaissant financièrement le travail quotidien des pharmaciens.

Refondre le modèle : renforcer la dispensation

L’objectif central de l’avenant souhaité par les syndicats majoritaires est clair : renforcer significativement le poids de la dispensation pour bâtir un modèle économique moins sensible aux variations de prix et de volumes. Fixé actuellement à 1,02 € par boîte, l’honoraire de dispensation devrait diminuer « pour permettre d’augmenter significativement les honoraires à l’ordonnance », explique Patrick Raimond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dans les Bouches-du-Rhône.

Mais cette réorientation ne suffit pas. « Nous devons également faire en sorte d’être rémunérés pour les nombreuses interventions que nous effectuons aujourd’hui gratuitement », insiste Pierre-Olivier Variot. Car le quotidien des officines est ponctué d’actes non valorisés : suivi de la tension artérielle, contrôle de la glycémie, prises de rendez-vous pour les patients, gestion des fausses ordonnances…

Valoriser l’invisible : une longue liste d’actes

Les syndicats proposent de créer plusieurs nouveaux honoraires. Parmi eux, un honoraire spécifique pour la prise en charge des ordonnances d’affections de longue durée (ALD). « Émises par les médecins hospitaliers ou les spécialistes, ces ordonnances pour des affections chroniques sont extrêmement chronophages. Elles nécessitent des explications poussées, notamment en cas de changement de traitement », argumente Julien Chauvin, président de la commission études et stratégie économiques à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Un honoraire de renouvellement des traitements chroniques serait également justifié : « Ce n’est pas automatique. Un contrôle approfondi de l’ordonnance reste nécessaire à chaque renouvellement », précise-t-il.

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La gestion des ordonnances numériques, dont le déploiement généralisé a débuté cette année, mériterait aussi une rémunération. « Le pharmacien doit justifier dans le système chaque changement de dosage ou d’alternative thérapeutique, chaque situation de rupture ou interaction médicamenteuse. Avec la généralisation de l’e-prescription, cela va mobiliser de plus en plus de temps », prévient le syndicaliste.

Autre proposition : créer un honoraire pour la gestion des ruptures de stock et des pénuries, qui mobilise les équipes officinales pendant en moyenne six heures et 40 minutes chaque semaine. « Toutes ces interventions pharmaceutiques sont théoriquement rémunérées par la marge. À l’heure où celle-ci est régulièrement amputée, l’État doit nous donner les moyens financiers d’assurer pleinement nos missions. Ce serait une reconnaissance tangible de notre rôle majeur dans le parcours de soins des patients », défend Félicia Ferrera, présidente de l’URPS pharmaciens Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Revaloriser les missions existantes

Au-delà de la création de nouveaux honoraires, l’avenant devra également aborder la revalorisation de missions existantes mais sous-rémunérées. L’aide financière aux officines situées dans les territoires fragiles fait partie des dossiers à renégocier, car elle ne bénéficie actuellement qu’à quelque 200 officines sur le millier de pharmacies rurales et isolées identifiées.

Les syndicats envisagent également de demander une revalorisation substantielle des missions de santé publique. « Il n’est absolument pas normal que nous soyons, par exemple, payés seulement 2,10 € pour prescrire une vaccination. C’est très en deçà de ce que perçoivent les autres professionnels de santé pour le même acte », dénonce Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.

Les missions Osys (Orientation dans le système de soins), initialement évoquées par Sébastien Lecornu avant sa démission, restent inscrites à l’agenda. Leur généralisation à l’ensemble des pharmacies devra impérativement s’accompagner d’une valorisation financière satisfaisante pour les officinaux.

Réformer les Rosp

Le sujet des rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) sera aussi, vraisemblablement, mis sur la table des négociations. « Actuellement, les Rosp sont très réduites et nous permettent tout juste d’investir dans du matériel informatique. La Rosp sur les génériques, hybrides et biosimilaires bénéficie d’une maigre enveloppe de 12 millions d’euros qui n’est jamais pleinement utilisée car la moitié des molécules du tableau ne sont soit pas disponibles, soit en rupture, et ne permettent donc pas de remplir les indicateurs. S’il doit y avoir une Rosp, elle doit nous être significativement plus profitable », explique Julien Chauvin.

PLFSS 2026 : le dossier biosimilaires

Parallèlement aux réflexions sur l’avenant, les pharmaciens ont des attentes précises concernant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Ils souhaitent y voir apparaître une feuille de route ambitieuse pour développer les biosimilaires.

Le texte devrait suivre les préconisations du rapport « Charges et produits » de l’Assurance maladie, qui recommande d’appliquer aux biosimilaires tous les dispositifs ayant permis une forte pénétration des génériques, notamment le tiers payant contre biosimilaires, une mesure que les syndicats réclament depuis plusieurs mois.

Les pharmaciens souhaitent également que le PLFSS mette fin aux stratégies de contournement pratiquées par certains laboratoires. « Quand un industriel change de dosage sur un biomédicament, cela a pour conséquence la chute des prescriptions du dosage précédent au profit du nouveau. Cela rend plus qu’incertain l’avenir du biosimilaire prévu pour l’ancien dosage. C’est une perte à la fois pour la marge du réseau et pour les économies escomptées par l’Assurance maladie », déplore Julien Chauvin.

Entre propositions concrètes et attente politique, la profession se tient prête à engager une négociation qui pourrait redéfinir durablement le modèle économique de l’officine française. Reste à savoir quand le feu vert politique sera donné pour lancer ce chantier d’envergure.

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