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Charges administratives : bientôt le bout du tunnel ?
C’est un doux euphémisme de dire que la grogne monte ! 96 % des pharmaciens sont exaspérés par les contraintes administratives de leur métier, et près d’un pharmacien sur deux les juge même insoutenables (chiffres USPO/mars 2025). Réclamée de toute part depuis plusieurs années, la simplification administrative est devenue obsessionnelle pour la profession. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) de même que l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) en ont fait leur priorité et promettent de ne rien lâcher. « Il y a urgence à se mettre autour de la table avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) pour envisager un réel choc de simplification. L’administratif prend de plus en plus le pas sur le vrai métier des professionnels de santé, à savoir soigner et accompagner les patients dans le suivi de leurs traitements », confirme Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.
« On marche sur la tête »
Un groupe de travail spécifique vient d’être créé par le syndicat pour soumettre des solutions concrètes à l’Assurance maladie, comme au gouvernement. « Certaines règles doivent être maintenues, c’est évident, puisqu’elles sécurisent la santé et l’observance des patients, mais d’autres sont à supprimer car elles ne sont absolument pas applicables. Elles mettent même les patients en danger. Je pense ici aux prescriptions d’hypnotiques qui ne sont valables, en principe, que pour un mois mais pour lesquelles trois ordonnances d’un mois sont données aux patients. Que dire également des prescriptions de tramadol et de codéine établies par le Samu qui envoie directement les documents sur la boîte mail sécurisée du patient, qui peut donc les réutiliser dans plusieurs pharmacies… On marche sur la tête et tout cela est, bien sûr, source d’indus pour nous, pharmaciens », s’insurge le responsable.
Même approche du côté de la FSPF, dont la branche Rhône-Alpes vient de présenter son livre blanc sur la simplification administrative au ministère de la Santé. « Qu’il s’agisse des médicaments faisant l’objet de mesures additionnelles de réduction des risques (MARR), des règles de dispensation des assimilés stupéfiants, des prescripteurs fictifs pour la facturation de la pilule du lendemain, des nouvelles règles de prescription des analogues du GLP-1, le millefeuille administratif auquel nous devons faire face ne cesse de s’alourdir. En moyenne, nous passons 25 % de notre temps à remplir ces documents qui ne nous semblent pas toujours très pertinents, et c’est peu dire ! », souligne Antonin Bernard, représentant de la FSPF Rhône-Alpes et auteur du livre blanc.
Insuffisance d’Osmose
Une enquête de terrain menée pendant plusieurs mois auprès de ses confrères pharmaciens lui a permis de mettre au point une liste de 100 propositions sur lesquelles la FSPF nationale planche d’ores et déjà. « Nous proposons, par exemple, la mise en place d’un seul taux de remboursement pour tous les vaccins, la possibilité pour les pharmaciens d’effectuer des modifications d’ordonnance mineures, la création d’outils d’aide à la dispensation dans les logiciels de gestion officinaux pour que les pharmaciens puissent se conformer à toutes les règles en vigueur. Nous couvrons des sujets portant aussi bien sur la Sécurité sociale, les mutuelles, la facturation, les logiciels ou encore le droit du travail, continue Antonin Bernard. Nous-mêmes, pharmaciens investis dans des syndicats, nous avons parfois du mal à nous y retrouver dans la myriade de règles et de documents à respecter. Pour les pharmaciens qui ne sont informés que par les courriers osmose de l’Assurance maladie, c’est mission impossible. »
Assistants pharmaceutiques
Désormais, les syndicats réclament une concertation avec la Cnam et les différents acteurs du secteur de la santé. « Nous allons travailler activement sur le sujet et nous serons vigilants quant à l’application de nos propositions d’ici un délai de deux à trois ans au maximum. Notre objectif est de clore ce dossier d’ici 2027, pour ensuite nous tourner vers une nouvelle convention pharmaceutique et envisager des mutations de notre métier », poursuit le représentant FSPF. À l’USPO, Pierre-Olivier Variot prévient : « Si rien ne sort de ces discussions et concertations, il n’y aura plus qu’une seule solution : mettre à notre disposition des assistants pharmaceutiques pour que les officinaux puissent continuer à exercer leur véritable métier de professionnel de santé. Actuellement, c’est devenu ingérable. »
Mais en attendant, que faire ? Comment assumer cette charge administrative tout en répondant aux besoins de santé des clients ? Entre les commandes et les factures des fournisseurs, la gestion du tiers payant et des rejets, celle du planning, des stocks, le recrutement, etc., où trouver le temps pour remplir des documents de plus en plus complexes réclamés par la Sécurité sociale ? « L’improvisation n’a plus sa place dans un contexte où les pharmaciens ont vu leurs compétences élargies, ce qui implique une hausse substantielle de la charge de travail au sein des officines », explique Geoffroy d’Argenlieu, président de la société Timeskipper, spécialisée dans le pilotage et l’organisation du travail.
Charge mentale
Pour ce spécialiste, « entre 15 et 30 % du temps est souvent mal utilisé, avec des équipes à qui on ne dit pas trop quoi faire, des gens qui pourraient ne pas être là. À l’inverse, d’autres équipes ont trop de travail. Il est devenu nécessaire de créer une certaine polyvalence au sein des pharmacies. » Un constat partagé par Fabien Brault-Scaillet, pharmacien titulaire et formateur à l’École des métiers de l’officine (EMO) : « Les pharmaciens doivent désormais changer leur état d’esprit et se dire que chaque semaine est différente. Ils doivent établir un planning en ce sens, en regardant, dans leurs logiciels, la fréquentation suivant les jours, les mois, les saisons. Ensuite, il ne faut pas se leurrer, il y aura toujours des soucis : des absences, des maladies, etc. Anticiper avec de la souplesse, c’est s’enlever une énorme charge mentale et se libérer du temps pour s’occuper des tâches administratives rébarbatives », explique le formateur, également fondateur de la société de coaching Yggi.
La gestion des factures, elle aussi, rajoute à la complexité administrative, compte tenu des remises négociées par les pharmaciens. « Une officine traite en moyenne avec 80 fournisseurs différents, ce qui représente 80 acteurs avec lesquels il faut interagir. Pour un seul fournisseur, suivant la typologie de produit concerné, il existe très souvent des dizaines de négociations différentes. À ce problème s’ajoute le fait que, pour un même produit, il peut y avoir plusieurs remises différentes appliquées en fonction de la période et des promotions offertes par le fournisseur. Il devient donc compliqué pour le pharmacien de se repérer dans ce dédale d’informations d’autant plus qu’il n’a pas reçu, lors de ses études, la formation nécessaire à ce sujet », souligne Marin Desneuf, pharmacien et auteur d’une thèse sur l’optimisation de la pratique officinale.
Mutation du métier
Pas moins de 83 % des pharmaciens que Marin Desneuf a interrogés lors de ses recherches trouvent que l’application des remises est un problème fort complexe chez au moins l’un de leurs fournisseurs. De quoi inciter à des vérifications régulières des factures, activité pour le moins chronophage. Fort heureusement, des solutions informatiques sont proposées mais peu de pharmaciens ont sauté le pas. « Par rapport à d’autres secteurs, les officinaux n’ont pas encore une mentalité de gestionnaire. Ils sont écartelés entre leur mission envers un patient, qui est aussi un client. Mais les choses commencent à changer. L’avenir de la pharmacie est d’ailleurs dans ce changement : trouver des moyens pour mieux accueillir les clients, proposer plus de soins, offrir des services médicaux, orchestrer finalement plusieurs métiers tout en gardant sa vocation de soin. Tout cela a des conséquences dans l’organisation du titulaire et de la charge de travail des équipes », analyse Geoffroy d’Argenlieu.
Une nouvelle mutation de l’exercice du métier de pharmacien est donc en marche, mais elle nécessitera une simplification administrative pour être menée à bien. L’année 2025 s’est d’ailleurs ouverte sous le signe de l’allègement de ces lourdeurs dans tous les secteurs d’activité de l’État. Avec ses 400 000 normes, l’administration hexagonale est une machine infernale dont la pharmacie fait aussi les frais. Le travail à venir est d’ampleur !
À retenir
- L’année 2025 est placée sous le signe de la simplification administrative
- 96 % des pharmaciens sont exaspérés par les contraintes administratives
- Un livre blanc contenant 100 propositions a été publié par la FSPF
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
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