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Pharmacies XXL et financiarisation : le nouveau chemin de la pharma ?
Derrière le plafonnement des remises génériques se dessine un scénario de recomposition structurelle du maillage officinal. À horizon 2030, trois dynamiques se superposent : concentration autour de mastodontes, financiarisation des reprises, affaiblissement de la pharmacie standard indépendante. Un paradoxe qui interroge la cohérence des politiques publiques de santé.
Le plafonnement à 30 % en 2025, puis 25 % en 2026 et 20 % en 2027, est présenté par le gouvernement comme une mesure technique de maîtrise des dépenses. Mais derrière cette apparente rationalité budgétaire se joue une recomposition silencieuse du marché officinal.
L’économie des génériques, pilier de la rentabilité depuis deux décennies, est progressivement réduite à un flux marginal. Le signal envoyé est clair : l’officine ne doit plus dépendre de la marge commerciale, mais s’adapter à une logique de rémunération encadrée et normée. Or, cette transformation n’est pas neutre : elle avantage mécaniquement les structures capables de diversifier leurs mix produits et d’absorber les chocs, c’est-à-dire les plus grandes.
La montée en puissance des pharmacies XXL
Dans ce nouvel environnement, les pharmacies XXL deviennent l’archétype de la résilience :
– diversification : forte proportion d’OTC, de parapharmacie et de dispositifs médicaux.
– effet volume : l’érosion des marges unitaires est compensée par des volumes globaux importants.
– capacité d’investissement : robotisation, digitalisation, services élargis, communication renforcée.
« Les pharmacies XXL ont les reins assez solides pour encaisser des baisses de marge », rappelle Julien Chauvin (FSPF). Leur avantage compétitif est renforcé par la frilosité des banques : le risque est moindre pour financer une reprise de 10 M€ de CA que pour soutenir une petite officine rurale.
Résultat : le marché se polarise. Les grandes structures gagnent en puissance, les petites disparaissent, et les moyennes s’essoufflent.
La financiarisation comme horizon implicite
Cette polarisation ouvre la voie à une financiarisation croissante. Les reprises de pharmacies XXL exigent des capitaux que les repreneurs individuels ne peuvent mobiliser. Les fonds d’investissement, déjà présents dans d’autres segments de la santé (cliniques, biologie), trouvent ici une opportunité.
Pour la profession, c’est un changement de paradigme : le pharmacien indépendant cède la place à un pharmacien gestionnaire, parfois minoritaire dans le capital. « La financiarisation nous pend au nez. Nous ne pouvons pas offrir cette perspective à nos futurs confrères », alerte Julien Chauvin.
La comparaison avec la biologie médicale est éclairante : en dix ans, le secteur est passé de 5 000 laboratoires indépendants à 400 structures concentrées, contrôlées par quelques groupes financiers.
Un paradoxe politique majeur
Là réside la contradiction centrale. L’État affirme vouloir préserver le maillage officinal et transformer le pharmacien en hub de santé de proximité. Mais en réduisant la ressource économique des officines moyennes et petites, il fragilise précisément celles qui portent ce rôle territorial.
Comme le résume Frédéric Bizard : « C’est tout le danger du raisonnement comptable. On prétend renforcer le maillage, et on organise en réalité une désertification officinale. »
Ce paradoxe interroge la cohérence des politiques publiques : veut-on un réseau pluraliste, accessible et indépendant, ou un marché rationalisé, concentré et financiarisé ?
Des contre-stratégies émergentes
Face à cette perspective, certains groupements esquissent des ripostes structurelles :
– produire leurs propres génériques, comme l’a fait Évolupharm.
– répliquer le modèle américain de Walgreens, qui intègre une partie de la production générique.
– internaliser la valeur aujourd’hui captée par les génériqueurs pour la redistribuer aux pharmaciens.
« Les pharmaciens ne se laisseront pas mourir à petit feu », insiste Guillaume Racle (USPO). Mais ces stratégies supposent un changement d’échelle et une coordination qui n’est pas encore acquise.
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