Nouvelles missions : comment les rendre plus visibles ?

© Christopher Salgadinho

Nouvelles missions : comment les rendre plus visibles ?

Publié le 26 juin 2025 | modifié le 4 juillet 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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Les Assises du maillage pharmaceutique, organisées par Le Moniteur des pharmacies le 24 juin, ont été l’occasion d’avancer des solutions concrètes face à un modèle économique en tension. Au cœur des échanges, une question d’importance : comment donner tout leur poids aux nouvelles missions du pharmacien dans le parcours de soins de proximité ?

Les pharmaciens se voient confier de plus en plus de missions mais les actes réalisés sont faiblement rémunérés, souvent sans lien réel avec les coûts. D’où le paradoxe : les missions sont conceptuellement salvatrices pour le maillage, mais leur rémunération insuffisante n’est pas de nature à pérenniser la viabilité de la répartition démogéographique. Lors de la table ronde qui réunissait le 24 juin, Laure Lechertier, directrice des affaires publiques chez UPSA, Guillaume Racle, élu au bureau national de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Ilan Rakotondrainy, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé, et Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, la question de l’intérêt économique des missions et de la visibilité des services à l’officine a été clairement posée.

Cartographie des missions

« Les pharmaciens s’inscrivent aujourd’hui dans une logique de service, au-delà de la simple dispensation, en devenant des acteurs essentiels du parcours de soins. Mais cette mutation appelle un nouveau cadre économique. De leur côté, 77 % des patients estiment que les officines engagées dans ces services sont plus attractives. Mais la majorité d’entre eux ignore encore l’étendue des nouvelles compétences des pharmaciens », souligne Carine Wolf-Thal. Les rendre plus visibles est donc bien l’une des pistes à envisager. « Pour commencer il serait important de cartographier ces nouvelles missions et de les rendre publiques. Des outils comme la plateforme Santé.fr du Service public d’information en santé – initiée pendant la crise du Covid-19 – pourraient permettre de faire connaître tous les services disponibles en officine », avance la présidente de l’Ordre. Pour Guillaume Racle, la communication doit aussi passer par l’officine : « Encore trop souvent, les pharmaciens restent dans une posture réactive et non prescriptrice. Pour évoluer, il faut dégager du temps via l’automatisation des tâches logistiques, repenser l’organisation interne des officines et libérer les pharmaciens pour les actes à forte valeur ajoutée. Ce changement de modèle est à la fois une nécessité professionnelle et une attente sociétale. » Pour autant, ce fardeau ne doit pas reposer que sur les épaules des officinaux. « La clé réside dans une coordination horizontale, entre professionnels, au sein des territoires. Il est urgent de mettre en place une stratégie globale », pointe Jean-Pierre Thierry.

Repenser la formation

La formation est elle aussi un point clé, notamment en termes de gestion d’officine. « Le manque de formation en gestion d’entreprise et d’informations économiques durant les études limite la capacité des jeunes pharmaciens à anticiper les réalités de l’installation. Une meilleure visibilité économique des nouvelles missions pourrait en renforcer l’attractivité. Malgré cela, les étudiants restent motivés : 75 % se disent attirés par la liberté d’exercice, le rôle managérial et le développement des nouvelles missions », souligne Ilan Rakotondrainy. Pour Laure Lechertier, « l’industrie pharmaceutique a là aussi son rôle à jouer en en accompagnant les pharmaciens via des formations adaptées aux besoins de terrain, des outils pratiques, et une logique de partenariat. »

3 % de la marge

Pourtant, dans les officines, le déploiement est limité. Selon les chiffres issus de l’étude d’impact économique de la distension du maillage pharmaceutique, les nouvelles missions restent peu rentables. « Elles représentent aujourd’hui 0,3 % du chiffre d’affaires et 3 % de la marge », détaille Christelle Pangrazzi, directrice de l’actualité pour Le Moniteur des pharmacies et modératrice de la table ronde. Pour Carine Wolf-Thal, « des exemples internationaux, comme au Québec ou en Catalogne, montrent que l’intégration des nouvelles missions passe par une réforme systémique du modèle économique : sortir du paiement à l’acte, développer une territorialisation des soins, et remettre du sens dans les pratiques. Cela implique de passer d’un modèle basé sur le volume à un modèle fondé sur la valeur. » C’est effectivement la condition sine qua non pour que l’officine puisse pleinement jouer son rôle dans un parcours de soins en mutation.

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