Maillage territorial : « Nos officines sont les postes avancés de l’offre de soins dans nos territoires » 

Maillage territorial : « Nos officines sont les postes avancés de l’offre de soins dans nos territoires » 

Publié le 13 octobre 2025
Par Oriane Raffin
Mettre en favori

Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne, alerte sur la disparition des pharmacies. Il défend leur rôle essentiel pour lutter contre les déserts médicaux et préserver l’accès aux soins partout en France.

Quel regard portez-vous sur le rôle des pharmaciens aujourd’hui ?

Guillaume Garot : Nos officines sont les postes avancés de l’offre de soins dans nos territoires. Elles méritent donc égards, considération et respect. Nous ne pouvons pas nous positionner sur des mesures comme celles que nous avons vu surgir il y a quelques semaines, qui risquent de déstabiliser une grande partie des officines. En cinq ans, 1 000 d’entre elles ont disparu, en particulier dans des territoires où l’offre de soins est déjà précaire.

Dans les débats autour de la santé, pensez-vous que l’on accorde suffisamment de place aux pharmaciens ?

G. G. : En tout cas, ils ont raison de se faire entendre ! Comme les autres professionnels de santé. Mais il est vrai que l’on a longtemps considéré que tout allait bien pour nos pharmacies, la profession la mieux répartie à l’échelle du territoire national. Les responsables publics n’ont pas été assez attentifs à la dégradation du maillage territorial.  

Aujourd’hui, il faut que le débat soit ouvert à l’Assemblée nationale comme dans toutes les grandes organisations qui dépendent de l’État et au sein des organisations conventionnelles – je pense évidemment à l’Assurance maladie. Il ne faut pas que soient prises des mesures qui fragiliseraient tout l’édifice.

Justement, comment le législateur peut-il intervenir pour protéger les pharmacies ?

G. G. : Au niveau de l’Assemblée nationale, nous aurons à nous déterminer dans le cadre du PLFSS [projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR]. Nous sommes déjà au travail. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures entre les professionnels de santé : il faut une approche globale, un tout cohérent, qui reconnaisse les difficultés de l’ensemble des maillons de la chaîne du soin – lorsqu’elles existent.

Le législateur doit redire combien nous avons besoin d’un réseau d’officines fort, sur l’ensemble du territoire. Cela n’a pas été suffisamment dit et reconnu durant ces dernières années. Nous devons aussi rappeler combien les pharmaciens sont des acteurs essentiels de l’offre de soins. Lorsqu’il n’y a plus de médecin sur un territoire, le pharmacien est la première personne vers laquelle les habitants se tournent. Cela mérite une reconnaissance. Dans la même veine, si nous considérons que nos pharmaciens ont un rôle à jouer dans la prévention, cela se reconnaît. La situation actuelle de la santé en France est trop fragile pour oublier l’un de ses acteurs.

Publicité

Nous devons aussi intervenir sur les délégations de compétences, comme pendant le Covid-19. Des pas en avant avaient alors été franchis. Il ne faut pas avoir peur d’en franchir de nouveaux ! Je pense par exemple au renouvellement d’ordonnances pour certaines prescriptions ou au soin de certaines pathologies précises, avec des protocoles : faisons confiance aux pharmaciens ! Ce n’est pas au législateur de dire comment faire, mais sur la base d’un accord entre les professionnels de santé, je suis sûr que nous pouvons avancer.

L’État doit-il intervenir pour réguler l’installation et le maillage ?

G. G. : Je poursuis une réflexion dans ce sens : si nous repérons, dans les zones médicalement désertifiées, de grandes fragilités dans le maillage des officines, alors, nous avons besoin d’une politique ciblée et orientée de soutien aux officines les plus fragiles. Il faut tout mettre sur la table. Cela peut passer par des mesures législatives, comme rendre possible la réouverture d’une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants, ou des soutiens divers. Il ne faut exclure aucune piste, car, considérant qu’il s’agit du poste avancé de l’offre de soins, les pharmacies méritent un soutien public.

Faut-il accompagner toutes les pharmacies en difficulté ?

G. G. : La priorité doit être donnée à celles qui sont en difficulté, dans les zones médicalement désertifiées. Cela s’inscrit dans le combat que je mène contre les déserts médicaux.

Autre aspect qui me préoccupe : la financiarisation de nos pharmacies, avec le risque que ce soit un facteur aggravant de la désertification de l’offre de soins. Si des officines rachetées par des groupes ne sont plus suffisamment rentables, la logique du marché va les pousser à les fermer, ce qui va diminuer cette offre. Nous avons rencontré cette situation avec les laboratoires d’analyses médicales. Nous n’avons pas forcément envie de vivre les mêmes choses avec nos pharmacies. En tout cas, pas moi !

Comment intervenir sur cet aspect ?

G. G. : Là encore, il faut inventer un mode de régulation. Le Sénat a mené des travaux tout à fait intéressants, dans une approche transpartisane [Le rapport Financiarisation de l’offre de soins : une OPA sur la santé ?, NDLR]. À l’Assemblée nationale, notre groupe de travail transpartisan a également ouvert un chantier, avec de premières idées pour encadrer les mouvements à l’œuvre aujourd’hui. Je constate une prise de conscience chez beaucoup de députés, en particulier de zones rurales, sur la nécessité d’intervenir pour éviter les dérives possibles de la financiarisation, en encadrant la concentration.

S’il n’y a pas eu d’amendements sur ce sujet dans la loi votée le 7 mai 2025, cela fait partie des dispositions impératives à mettre en œuvre à la faveur d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ou d’une grande loi santé – que j’appelle de mes vœux.

Comment vous positionnez-vous sur la question des remises des génériques ?

G. G. : Nous ne pouvons pas nous en tenir à ce qui a été annoncé en juillet, avec une fin prévue de façon unilatérale. J’ai plaidé pour que la négociation soit ouverte. La discussion a repris. Manifestement, nous ne sommes pas au bout.

J’entends bien la petite musique selon laquelle « tout le monde doit faire des efforts », mais encore faut-il que ces efforts soient équitablement répartis. Je ne suis pas en train d’opposer les acteurs les uns aux autres, mais ceux qui sont les plus fragilisés ne peuvent pas être les plus concernés par les efforts, au risque de les précipiter dans la chute.

Bio express :

1966 : Naissance à Laval

2007 : Première élection en tant que député

2012-2014 : Ministre délégué à l’Agroalimentaire

2025 : À l’initiative de la proposition de loi sur les déserts médicaux, proposant de réguler l’installation des médecins.