Génériques et remises à 2,5 % : l’arrêté promis n’est toujours pas publié

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Génériques et remises à 2,5 % : l’arrêté promis n’est toujours pas publié

Publié le 27 juin 2025 | modifié le 30 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Le silence du gouvernement ouvre la voie à un effondrement brutal des marges sur les génériques. L’USPO alerte sur une catastrophe économique imminente pour les officines.

C’est un scénario que tout le monde redoutait, et qui semble désormais se confirmer. À quatre jours de l’entrée en vigueur de l’arrêté du 6 mai supprimant le plafond des remises commerciales sur les génériques (actuellement fixé à 40 %), aucun texte transitoire n’a été publié pour garantir la continuité du régime. Résultat : à compter du 1er juillet, les remises pourraient retomber au taux légal plancher, soit 2,5 %, avec des conséquences financières immédiates pour les officines.

« Nous sommes vendredi, et sauf publication de dernière minute au Journal officiel lundi, les pharmacies basculeront dès mardi dans un vide réglementaire. Ce silence est un choc », dénonce Lucie-Hélène Pagnat, directrice générale de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Une perte estimée à 600 millions d’euros

Le sujet n’a rien d’anecdotique. Les remises génériques représentent jusqu’à 30 % de l’excédent brut d’exploitation des pharmacies, selon les données consolidées par l’USPO. La disparition du plafond à 40 % mettrait à nu les modèles économiques les plus fragiles.

« Le gouvernement nous impose une réduction de moitié du plafond, sans filet. Passer de 40 % à 20 %, c’est une perte sèche estimée entre 550 et 600 millions d’euros par an pour le réseau officinal », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. Et sans publication d’un texte d’ici lundi matin, la chute pourrait être encore plus brutale, ramenant les remises au minimum légal.

Une concertation trop tardive

L’USPO ne cache pas sa colère face à ce qu’elle considère comme une manœuvre politique délibérée. L’arrêté du 6 mai a été publié sans qu’aucune concertation préalable ne soit engagée. Ce n’est que le 20 juin que les syndicats ont été conviés à une réunion interministérielle, soit plus d’un mois après la notification officielle de la réforme.

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« Ce n’est pas une négociation. C’est une assignation. On nous met au pied du mur : soit on signe, soit on chute à 2,5 % », résume Pierre-Olivier Variot. Le président de l’USPO évoque une stratégie de pression, destinée à contraindre la profession à accepter une baisse rapide du plafond, en l’échange d’une revalorisation symbolique des remises sur les biosimilaires. « Une forme de troc intenable », selon lui.

Grève des gardes et actions de terrain

Face à cette absence de cadre transitoire et à ce qu’elle qualifie de « trahison politique », l’USPO a déclenché une grève illimitée des gardes, lancée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, puis élargie nationalement. Des modèles de déclaration ont été transmis aux pharmaciens, accompagnés d’outils de communication en officine (affiches, tracts, messages vitrines). Objectif : rendre visible l’effondrement programmé des marges, tant auprès des patients que des élus.

L’USPO prépare également des actions de perturbation administrative ciblées. Les pharmaciens sont invités à envoyer des facturations contenant des numéros de sécurité sociale fictifs pour empêcher l’Assurance maladie de consolider ses statistiques. « Si les bases de données deviennent inexploitables, cela obligera les autorités à écouter », explique Lucie-Hélène Pagnat.

Conséquences en chaîne sur le maillage officinal

Au-delà de la baisse de revenus, l’enjeu est celui de la survie des équipes officinales. Une chute brutale des remises provoquerait des licenciements, une réduction des horaires d’ouverture et, à terme, des fermetures d’officines. « Cela frappera aussi bien les pharmacies rurales que les officines urbaines à faible volume. Le modèle économique est fragilisé partout », prévient Lucie-Hélène Pagnat.

Le risque sanitaire est réel : retards de dispensation, ruptures de stock non anticipées, baisse de l’offre de soins de proximité. « C’est tout l’édifice du service officinal qui est menacé », martèle l’USPO.

Dernier espoir : le Journal officielde lundi

Au matin du vendredi 27 juin, le ministère avait assuré à l’USPO qu’un arrêté transitoire serait publié pour maintenir le plafond actuel à 40 % le temps de la négociation. Mais au moment où nous écrivons ces lignes aucun texte n’a paru. Et le syndicat redoute que l’administration « laisse filer l’échéance ».

« Ce serait une faute politique et une faute de méthode », conclut Pierre-Olivier Variot. La profession se prépare désormais à une mobilisation interprofessionnelle à Paris le 1er juillet, avec la participation d’élus et un objectif clair : contraindre le gouvernement à reculer.

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