Pourquoi les industriels veulent brider les remises sur les biosimilaires

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Pourquoi les industriels veulent brider les remises sur les biosimilaires

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Publié le 2 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Sous couvert de viabilité du modèle économique des biosimilaires, l'association Génériques, biosimilaires, médicaments à valeur ajoutée (Gemme) plaide pour l'adoption d'un « plafond très raisonnable » sur les remises biosimilaires. Son communiqué, publié le 2 juin 2025, risque de faire du bruit à l’heure où les négociations sur de nouvelles remises concernant les génériques et les biosimilaires s’amorcent avec l’État.

Le prix fabricant hors taxes moyen d’un biosimilaire s’établit à 212 euros par unité de dispensation en France, contre 377 euros dans les quatre grands pays européens de référence (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), selon une étude du Gemme présentée le 2 juin 2025. Ce différentiel de 44 % place la France tout en en bas du classement, derrière l’Italie (319 €), le Royaume-Uni (377 €) et l’Allemagne (434 €).

Ce niveau de prix, très inférieur aux standards européens, « dévalorise structurellement le biosimilaire », alerte le Gemme. L’association s’inquiète de la viabilité économique du modèle français, alors que les biosimilaires ont généré 3 milliards d’euros d’économies entre 2012 et 2021, et pourraient permettre d’en dégager 6 milliards d’ici 2030.

Clause de sauvegarde : exonération à venir

Jusqu’à présent, les biosimilaires étaient intégrés à la clause de sauvegarde, comme s’ils participaient à la croissance de la dépense sur les médicaments, alors qu’ils la réduisent. Une incohérence notable corrigée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, qui prévoit leur exonération à partir de l’appel de 2027, pour l’exercice 2026. Le Gemme salue une décision « logique », mais insuffisante pour stabiliser économiquement le segment.

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Biosimilaires et génériques, biosimilaires ou génériques, le délicat arbitrage des remises

Le débat le plus tendu se joue autour de la substitution en officine et de l’octroi d’une remise spécifique pour les biosimilaires. Car des faisceaux de convergence semblent laisser croire que l’État envisage de financer cette nouvelle remise en réduisant celle des génériques. Une perspective jugée inacceptable par la profession : « C’est une machine à tuer les pharmacies, surtout en zone rurale », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Si on fait chuter les remises sur les génériques, on fait courir le risque de déséquilibrer complètement le maillage officinal. »

Frapper au plafond des 40 %

Un arrêté du 14 mai 2025, publié au Journal officiel, grave dans le marbre le plafond de 40 % pour les remises accordées aux pharmaciens sur les médicaments génériques, mais seulement jusqu’au 1er juillet 2025. À cette date, débutera une concertation sous pression avec les syndicats, dans le sillage de la réforme de l’article L.138-9 du Code de la Sécurité sociale. Et concertation n’est pas négociation.

« Le gouvernement peut ignorer notre avis », rappelait Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France suite à cette annonce. Et de prévenir : « C’est un sujet qui peut remettre les pharmaciens dans la rue. »

Un appel à la raison ou une stratégie de verrouillage

Dans ce climat d’ores et déjà sous tension, le positionnement du Gemme sur les remises biosimilaires ne peut qu’être scruté. L’organisation appelle à fixer « un plafond très raisonnable pour les remises officinales des biosimilaires. Si les remises officinales sont mal calibrées, elles risquent d’accentuer la pression économique sur un segment déjà très fragilisé », prévient le Gemme. Cette prudence lexicale camouflerait-elle une volonté de plafonnement, des remises trop généreuses érodant les marges dégagées par les laboratoires pharmaceutiques.

Les pharmaciens dans un étau

De leur côté, les officinaux, redoutent de devoir subir une baisse des remises génériques sans contrepartie tangible sur les biosimilaires. « On nous avait promis une remise biosimilaire comme une bouffée d’oxygène, sans transfert depuis les génériques. Mais tout montre que ce sera l’inverse », dénonce Pierre-Olivier Variot. « Ce n’est pas une avancée, c’est un ballon d’essai pour reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre. »

Avec une part de marché des biosimilaires qui plafonne à 35 % en France, contre 79 % en Italie, 66 % au Royaume-Uni, 53 % en Espagne et 42 % en Allemagne, l’efficacité de la substitution dépendra indéniablement des arbitrages économiques à venir. Et du courage politique pour ne pas opposer deux leviers économiques majeurs, les génériques et biosimiliares, tant du côté du payeur que de celui du dispensateur.

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