Pharmacie de Trémuson : une officine bretonne pionnière en RSE et qualité

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Pharmacie de Trémuson : une officine bretonne pionnière en RSE et qualité

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Publié le 5 octobre 2025
Par Pierre-Yves Lerayer
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Dans les Côtes-d’Armor, la pharmacie de Trémuson incarne une officine engagée : écoconception, gestion raisonnée, missions élargies et certification qualité. Un modèle inspirant pour la profession.

Quelques minutes de voiture depuis la côte de granit rose et ses plages de galets costarmoricaines suffisent à rejoindre la zone commerciale de Trémuson, à une poignée de kilomètres de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

Aux côtés de l’Intermarché ouvert il y a presque deux décennies, la pharmacie fait partie de ces bâtiments sortis de terre au début des années 2010, remplaçant le plateau herbagé comme l’ont fait plus tard la boulangerie, le salon de coiffure et autres commerces. Le lieu remplit désormais « la fonction vivrière de la commune », introduit Stéphanie Janvier depuis son bureau, dans l’officine dont elle est titulaire depuis 2010, avant son transfert en 2012 dans le bâtiment alors flambant neuf.

Des espaces conçus pour soigner

Dans l’unique pharmacie des environs, les grandes portes s’ouvrent et se referment sans relâche, rythmées par le flot incessant des patients. Les 169 m² de surface de vente (sur les 360 que compte l’officine en tout) se déploient largement depuis l’entrée, éclairés par la lumière naturelle qui traverse les généreuses baies vitrées.

Les travées basses permettent d’apercevoir trois cabines ainsi que les comptoirs, au loin sur la gauche. Il faut enfin longer les fenêtres pour apercevoir l’extension récente du bâtiment, composée d’un espace orthopédique et d’un autre réservé à la vaccination.

Le back-office a également été agrandi afin d’accueillir, entre autres, un open space et le nécessaire pour tenir une garde nocturne (douche, lit, salle de repos).

Une équipe engagée et structurée

Depuis le départ de la première cotitulaire, Mme Morin, en 2024, la pharmacie est dirigée par trois pharmaciennes (Stéphanie Janvier, l’aînée, accompagnée de Mélie Baudens et Audrey Buffard), entourées de sept préparatrices et d’une apprentie préparatrice.

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La pharmacie de Trémuson est par ailleurs adhérente des deux groupements régionaux Co&Pharm et Réseau Santé, respectivement sous l’égide de la CERP et d’OCP/Phoenix. « Avec Réseau Santé, nous sommes certifiées qualité et sommes très engagées dans la démarche écoresponsable », ajoute la titulaire.

En effet, dans l’open space trône un trophée en verre, celui de l’engagement responsabilité sociale et environnementale (RSE) remis par les Trophées de la pharmacie, au salon PharmagoraPlus 2025.

Une vigilance née de convictions personnelles

« Je suis engagée dans une démarche RSE depuis que j’ai commencé à m’intéresser aux perturbateurs endocriniens, explique celle dont les enfants l’ont poussée à redoubler de vigilance sur les produits qu’elle délivre. En 2018 et 2019, j’ai encadré deux thèses sur le sujet et, depuis, j’ai retiré certaines gammes car je suis très attentive à ce que je référence. »

Sensibilisée au sujet, elle effectue en complément un bilan carbone de l’officine avec son mari ingénieur, qui lui-même « accompagne les entreprises dans la réduction de leur empreinte carbone ».

C’est ce qui lui a permis de définir les axes d’amélioration sur les consommations d’énergie, la gestion des déchets, la sollicitation des transports pour les achats et les livraisons, et pour l’exercice officinal lui-même.

Accompagner les pairs

Tous les éléments étaient donc à disposition pour se lancer concrètement dans une démarche RSE, sans compter que Stéphanie Janvier était déjà « référente qualité » pour le compte de l’association Pharma Système qualité (PHSQ).

L’idée est alors « d’accompagner les pharmaciens sur leur décarbonation », explique cette dernière, qui a intégré, pendant la pandémie de Covid-19, un groupe pilote composé d’autres pharmaciens, qui ne mesuraient pas tous ce que pouvaient représenter la RSE et son volet environnemental. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait simplement de vendre des produits bio, mais Stéphanie Janvier, elle, avait déjà conscience que la portée de la démarche concernait d’autres aspects.

Produits, achats, livraisons : tout est repensé

Le premier porte sur les produits référencés, qu’il s’agisse de leur composition ou de l’acte d’achat : « Les commerciaux nous poussent à acheter toujours plus, sous prétexte d’obtenir davantage de remises. Mais si les produits sont trop vite périmés, alors ça n’a plus d’intérêt », remarque la titulaire qui dénonce « un manque de culture sur ce sujet », même si « les marques font des efforts ». Ensuite vient la rationalisation des achats qui est essentielle pour limiter le nombre de livraisons et de cartons inutilisés.

Une vision à long terme

Dans la pharmacie bretonne, la démarche RSE n’influence pas seulement la pratique, elle a aussi conditionné les travaux qui y ont été réalisés. « J’ai une vision de la pharmacie à long terme, que ça soit sur le métier mais aussi sur l’agencement », explique Stéphanie Janvier. Entre mai 2024 et mai 2025, une extension du bâtiment a ainsi été opérée, et avec elle, une réflexion intégrale sur l’empreinte carbone.

Outre les panneaux solaires – dont l’électricité produite en surplus est revendue au réseau –, la titulaire a misé sur l’isolation et l’investissement dans des Leds moins énergivores, le recours à des artisans locaux ainsi que sur la récupération ou la réutilisation de mobiliers d’occasion. Des choix pleinement assumés par celle qui apprécie aussi chiner, comme en témoignent les quelques meubles de seconde main présents dans son bureau.

Le volet social compte aussi

Gestion fine des déchets depuis la livraison (en bacs réutilisables) jusqu’aux déchets propres à l’activité, semaine de quatre jours et covoiturage entre membres de l’équipe… l’utilisation des locaux est également imaginée en gardant la démarche RSE en ligne de mire. Sans oublier le volet social, illustré par l’espace dans lequel « il y a tout pour vivre confortablement » lors des gardes ou pour accueillir les enfants des collaboratrices.

Assurer les nouvelles missions, et plus encore

En ce qui concerne la patientèle, la volonté est bien sûr de l’accueillir dans les meilleures conditions. Les projets d’agrandissement reflètent cette volonté d’optimiser l’espace pour assurer l’ensemble des missions officinales. « Pour que la santé soit décarbonée, il faut que les gens consultent le plus près possible de chez eux », analyse Stéphanie Janvier. Grâce aux nouvelles cabines, toutes les missions peuvent être menées, seuls les bilans de prévention sont encore en cours de lancement.

Pallier les déserts médicaux

L’officine va même au-delà des missions classiquement mises en œuvre ailleurs en France. Elle participe en effet à l’expérimentation Osys depuis deux ans, ce qui lui permet d’effectuer quelques missions supplémentaires avec, pour objectif, d’estimer si les pharmacies peuvent s’en emparer ou non. Les tests rapides d’orientation diagnostique cystite et angine ont ainsi été mis à l’essai avant d’être validés et confiés à l’ensemble de la profession.

De leur côté, la gestion des petites plaies, des brûlures de premier degré, la conjonctivite et les morsures de tique sont encore en phase d’expérimentation, dans le but, entre autres, de pallier les déserts médicaux. « Ça marche très bien ; on en fait tous les jours. »

Tout cela a permis à la pharmacie de Trémuson d’être « certifiée qualité », comme l’indiquent plusieurs autocollants répartis dans l’espace de vente. Pour autant, Stéphanie Janvier regrette que « [nous soyons] très peu à être certifiés qualité. J’invite tous mes confrères à se lancer, car c’est pour moi la règle numéro un dans notre métier, que ça soit dans la gestion du back-office, du personnel, du stockage, etc. » Elle observe en effet, chez bon nombre d’entre eux, une certaine réticence à engager des investissements financiers, « alors qu’en réalité, les retombées économiques sont très positives ».

L’équipe

  • 3 titulaires associées, 7 préparatrices et 1 apprentie
  • DATE DE L’ACHAT : Septembre 2010
  • DATE DU TRANSFERT : Septembre 2012
  • DURÉE DES DERNIERS TRAVAUX : 1 an (de mai 2024 à mai 2025)
  • SURFACE : 360 m² dont 169 m² d’espace de vente
  • CA ANNUEL : 3 000 000 € HT
  • FRÉQUENTATION : 250 à 300 clients par jour
  • RÉPARTITION DU CHIFFRE D’AFFAIRES : 75 % de TVA à 2,1 % ; 10 % de TVA à 5,5 % ; 5 % de TVA à 10 % ; 10 % de TVA à 20 %
  • PANIER MOYEN : Sur ordonnance : 50 € ; Hors ordonnance : 17 €
  • MISSIONS : Vaccination (administration et prescription), tests rapides d’orientation diagnostique (angine, cystite, tests antigéniques Covid-19, grippe), dépistage de glycémie et prise de la tension artérielle, protocole Osys, location, vente et prêt de matériel médical, entretiens (femme enceinte, opioïdes, bilans partagés de médication, entretiens oncologiques, AOD/AVK, asthme), téléconsultation
  • GROUPEMENTS : Co&Pharm et Réseau santé
  • RÉSEAUX SOCIAUX : Facebook, Instagram.