Franchises au comptoir, ALD : la France sacrifie-t-elle ses malades sur l’autel du budget ?

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Franchises au comptoir, ALD : la France sacrifie-t-elle ses malades sur l’autel du budget ?

Publié le 28 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
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5 milliards d’euros d’économies sont nécessaires pour sauver la sécu. Mais à quel prix pour les patients ? Dans une longue interview accordée au journal Le Monde, Catherine Vautrin détaille les mesures déployées dans les mois à venir.

La ministre Catherine Vautrin vient de lever le voile sur les mesures concrètes qui accompagneront la cure d’austérité sanitaire annoncée par François Bayrou. Derrière l’objectif affiché de 5 milliards d’euros d’économies se cache une refonte profonde du système de soins français qui touchera directement le portefeuille et les habitudes de millions de patients.

Le ticket modérateur explose : 100 euros de reste à charge par an

La mesure phare consiste à doubler le plafond des franchises médicales, ces fameux euros non remboursés qui s’accumulent silencieusement. De 50 euros actuellement, le plafond bondit à 100 euros annuels, avec un maximum de 8 euros prélevés chaque mois « au comptoir » des pharmacies. Cette ponction directe transforme chaque passage en officine en rappel tangible du coût croissant de la santé.

Pour un patient chronique sous traitement multiple, cette mesure représente concrètement le doublement de son reste à charge annuel incompressible. Une pilule amère qui s’ajoute aux déremboursements successifs des dernières années.

Les affections longue durée dans la tourmente

Plus symbolique encore, la réforme des ALD s’attaque à l’un des piliers de la solidarité sanitaire française. Le gouvernement entend faciliter les « sorties » du régime – comprendre les radiations – dès qu’un médecin considère un patient « pleinement guéri » d’un cancer ou d’un AVC.

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Mais c’est sur le remboursement à 100 % que porte le coup le plus dur : cures thermales et médicaments à « faible service médical rendu » pourraient perdre leur prise en charge intégrale. Une remise en cause frontale du principe selon lequel une maladie grave ouvre droit à la gratuité des soins liés.

Arrêts maladie : la suspicion institutionnalisée

La chasse aux « abus » d’arrêts maladie prend une tournure administrative stricte. Désormais, tout premier arrêt sera plafonné à 15 jours en médecine de ville, obligeant à des « réévaluations régulières ». Une mesure qui transforme le médecin traitant en gestionnaire de quotas et introduit une logique comptable dans la relation thérapeutique.

Plus révolutionnaire, le transfert de l’indemnisation aux employeurs jusqu’au septième jour (contre trois actuellement) fait peser sur les entreprises une charge supplémentaire tout en créant un délai de carence étendu pour les salariés malades. Une double peine qui risque de décourager les arrêts légitimes.

Le « nomadisme médical » criminalisé

Sous ce terme orwellien se cache la volonté de limiter les secondes opinions médicales. Si le principe d’un deuxième avis reste admis, les consultations suivantes verraient leur remboursement restreint. Une mesure qui pourrait particulièrement pénaliser les patients atteints de pathologies complexes nécessitant des expertises multiples.

L’obligation de remplir systématiquement le dossier médical partagé accompagne cette surveillance accrue des parcours patients, transformant chaque consultation en acte traçable et contrôlable.

L’Ehpad, laboratoire de l’obligation vaccinale

La vaccination antigrippale obligatoire pour les résidents d’établissements constitue un test grandeur nature de l’acceptabilité sociale des obligations sanitaires. Avec 85 % de couverture actuelle, le gouvernement vise les 10 points supplémentaires par la contrainte plutôt que par la persuasion.

Une philosophie de rupture

Ces mesures dessinent-elles en creux une nouvelle philosophie sanitaire française ? Exit la gratuité des soins comme principe cardinal, place à la responsabilisation financière des patients. Fini le libre choix thérapeutique illimité, bonjour le parcours contrôlé et rationalisé.

Le pari du gouvernement : que ces économies permettront de préserver l’essentiel du système tout en restaurant ses équilibres financiers. Le risque : qu’elles creusent les inégalités d’accès aux soins et érodent la confiance dans un modèle social jusque-là consensuel.

Ces réformes entreront en vigueur dès 2026, transformant concrètement la relation des Français à leur système de santé. Reste à savoir si cette cure d’amaigrissement budgétaire ne compromettra pas la vitalité du patient qu’elle prétend soigner.

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