« Ce ne sont pas les pharmaciens les profiteurs » : Aurélien Rousseau monte au créneau contre la baisse des remises

© Hans Lucas via AFP

« Ce ne sont pas les pharmaciens les profiteurs » : Aurélien Rousseau monte au créneau contre la baisse des remises

Réservé aux abonnés
Publié le 29 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori

L’ancien ministre de la Santé, désormais député Place publique, critique la logique du gouvernement Bayrou visant à abaisser les plafonds de remises sur les génériques et les biosimilaires. Il met en garde contre un affaiblissement du réseau officinal et appelle à cibler les secteurs réellement rentiers.

« On veut faire des économies ? Très bien. Mais qu’on commence par les secteurs à 15 % de rentabilité. Ce n’est pas la pharmacie. » Invité de la radio RMC le 29 juillet 2025, Aurélien Rousseau, ex-ministre de la Santé et aujourd’hui député, n’a pas mâché ses mots. L’ancien locataire de l’avenue de Ségur s’alarme des arbitrages budgétaires portés par la minsitre de tutelle actuelle, Catherine Vautrin : hausse des franchises médicales, reste à charge direct en pharmacie… et, surtout, baisse drastique des remises commerciales accordées aux officines.

« C’est le tissu officinal qu’on met en danger »

Dans un contexte de déficit de 16 milliards d’euros pour la branche maladie, la ministre a confirmé vouloir plafonner les remises génériques à 30 % et les biosimilaires à 15 %. Une mesure justifiée, selon le gouvernement, par une volonté de rééquilibrage. Mais pour Aurélien Rousseau, le calcul est à courte vue :

« On envoie un signal politique terrible en affaiblissant des acteurs de premier recours, de proximité, alors qu’ils tiennent encore le maillage territorial. »

Il rappelle que les pharmaciens ne font pas partie des professions les plus lucratives, contrairement à la biologie, la radiologie ou la dialyse, que l’Assurance maladie estime à plus de 15 % de rentabilité. « Vos auditeurs patrons de PME en rêveraient », glisse-t-il, pince-sans-rire.

« Préservons ce qui est notre maison »

Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 promet d’être sous haute tension, Aurélien Rousseau appelle à ne pas désigner de faux coupables. Il exhorte le gouvernement à « préserver ce qui fonctionne encore » : le réseau officinal. Une conviction qu’il dit partager avec les partenaires sociaux, mais qui semble absente des arbitrages budgétaires actuels.

Publicité

« Il y a des profiteurs, c’est une réalité. Mais les pharmaciens, ce sont les piliers du système. »

En affaiblissant leur modèle économique, « on compromet leur survie dans de nombreux territoires ». Pour lui, il y a urgence à inverser la logique.

Une réforme structurelle, pas une punition comptable

La critique de Rousseau ne se limite pas à la baisse des remises. Il dénonce une approche budgétaire « éclatée », faite de mesures éparses sans stratégie globale : franchises doublées, remboursements restreints, et plafonnement des dépenses à 2 % de progression annuelle, soit en dessous de la croissance du PIB. Un objectif qu’il juge « irréaliste dans un pays vieillissant et médicalisé ».

« Si on veut responsabiliser, il faut commencer par soi-même, et poser clairement sur la table ce qui relève du ballon d’essai et ce qui relève de la réforme. »

Il appelle à une véritable concertation sur les dépenses de santé, fondée sur des indicateurs de rentabilité, d’efficacité thérapeutique et de santé publique.

« Ce n’est pas au comptoir que doit se faire la justice sociale »

Sur le fond, Rousseau soutient certaines intentions de Catherine Vautrin : déréférencer les médicaments sans efficacité prouvée, accroître la prévention, mieux encadrer les arrêts longs. Mais il s’oppose frontalement à une application brutale de mesures punitives : « On ne responsabilise pas les Français en les frappant d’abord dans leur accès aux soins. »

Il fustige aussi le transfert de charges implicite sur les pharmaciens, sommés d’encaisser au comptoir les 1 € de franchise par boîte : « Ce n’est pas leur rôle, ce n’est pas leur combat. »

Une ligne de fracture politique

Dans une sortie remarquée, l’ex-ministre glisse enfin que le plan Bayrou qu’il dit attendre toujours en détail s’empile de lignes rouges. Loin d’une logique de refondation, il y voit une gestion comptable court-termiste, qui fragilise les métiers utiles et épargne les rentes. Il conclut : « À ce rythme, c’est la pharmacie qu’on dérembourse. »

Sur le même sujet…
UDGPO : « Le tout honoraire serait un suicide pour la profession »
Les baisses de TFR et de prix annulées dix jours après leur entrée en vigueur
Génériques : « À présent aux industriels de jouer le jeu »