Arrêt de la PDA, manifestations, grève des gardes… les pharmaciens dégainent l’artillerie lourde

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Arrêt de la PDA, manifestations, grève des gardes… les pharmaciens dégainent l’artillerie lourde

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Publié le 4 septembre 2025
Par Christelle Pangrazzi
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L’intersyndicale appelle à une mobilisation massive contre l’arrêté entérinant la baisse des remises sur les génériques et prépare la suspension des préparations des doses administrées (PDA) en Ehpad.

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO) ont acté, avec l’ensemble des syndicats et groupements, un front commun face au gouvernement. Au cœur du bras de fer,  l’arrêté abaissant le plafond des remises sur les génériques de 40 % à 30 %, déjà appliqué depuis le 1er septembre. Une mobilisation nationale est annoncée pour le 18 septembre, date à laquelle le Comité économique des produits de santé (CEPS) doit officialiser une nouvelle baisse de prix.

« Pas de cadeaux sur les 40 % »

Après leur rencontre à midi avec Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles de France et Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, les deux présidents syndicaux n’ont laissé planer aucune ambiguïté. « Il est hors de question de toucher aux 40 % », a martelé Pierre-Olivier Variot, rappelant que le mandat des conseils d’administration est clair : suspension ou abrogation de l’arrêté, et ouverture immédiate d’une négociation globale sur l’économie officinale. La ministre a tenté de proposer une réduction à 33 ou 34 %. Le refus a été catégorique. « Ce n’est pas audible l’arrêté doit être suspendu », ont renchéri en chœur les deux présidents.

Une « triple peine » pour les officines

Les syndicats dénoncent une accumulation de mesures qu’ils jugent létales pour le réseau. La baisse du plafond de remise, effective depuis le 1er septembre, n’a été accompagnée d’aucune compensation sur les biosimilaires. S’ajoute la perspective d’une baisse supplémentaire des prix au 1er novembre, estimée à 50 millions d’euros en fin d’année, soit l’équivalent de 300 millions sur une année pleine. « Le mécanisme compensatoire promis n’existe pas. Au mieux, on détruit l’emploi, au pire, on ferme des pharmacies », a insisté Philippe Besset.

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Le 18 septembre, date charnière

La réunion du Comité économique des produits de santé (CEPS) prévue ce jour-là doit fixer le calendrier des baisses. La profession entend s’en saisir pour hausser le ton. « C’est ce jour-là que nous ferons entendre notre voix », note l’intersyndicale. Compte tenu des grèves de transport attendues, la manifestation parisienne sera reléguée au second plan : chaque région est invitée à organiser localement des rassemblements, qu’il s’agisse de cortèges devant les préfectures, de sit-in devant les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), d’actions symboliques devant les mairies ou les permanences parlementaires. « Il faudra faire du bruit partout en France », résume Philippe Besset.

La grève de la PDA comme levier

Autre front ouvert, celui de la préparation des doses administrées (PDA) en Ehpad. « Nous dénoncerons les conventions passées entre officines et établissements. La PDA gratuite n’est plus soutenable », ont averti les syndicats. Des modèles de lettres seront mis à disposition des pharmaciens pour résilier leurs contrats, avec copie aux agences régionales de santé (ARS). « Nous continuerons à dispenser les médicaments aux patients, mais la PDA, qui repose depuis quinze ans sur une insécurité juridique et financière, ne pourra plus être assurée gratuitement », ont souligné les deux présidents.

La grève des gardes reconduite

En parallèle, l’intersyndicale maintient le mot d’ordre de grève des gardes, assorti d’une consigne claire : pas de tiers payant pendant les gardes. Les pharmaciens sont appelés à renouveler leur déclaration auprès des ARS afin de sécuriser juridiquement la démarche. En cas de réquisition, l’obligation de garde s’impose, quel que soit le vecteur de notification employé par l’autorité – courrier, mail, appel téléphonique ou remise en main propre. Mais dans ce cadre, les syndicats rappellent que la garde se déroule sans tiers payant, le patient réglant directement la dispensation avant remboursement ultérieur par l’assurance maladie. « On ne met pas en danger la santé publique, mais on rend visible l’impasse économique créée par l’arrêté », résume l’intersyndicale, qui voit dans cette stratégie un outil supplémentaire de pression sur le gouvernement.

Soutiens politiques et stratégie judiciaire

Les syndicats affirment avoir reçu le soutien d’élus « de tous bords », y compris d’anciens présidents de la République. Si Matignon persiste à refuser la suspension de l’arrêté, deux voies parallèles seront activées : un recours au Conseil d’État, déjà engagé, et la présentation d’un amendement parlementaire pour rétablir le plafond des remises.

« Une bagarre qui se gagnera avec vous »

La profession est appelée à maintenir la pression en multipliant les relais de la pétition, qui a déjà récolté plusieurs dizaines de milliers de signatures, en sollicitant élus locaux et parlementaires et en sensibilisant les patients. « Ce combat, nous ne le gagnerons pas seuls. Le 18 septembre, c’est la démonstration de notre unité », ont conclu Philippe Besset et Pierre-Olivier Variot.

PDA : ce qui est demandé, ce qui reste obligatoire

La préparation des doses administrées en Ehpad n’est ni rémunérée ni adossée à de « bonnes pratiques » opposables. « Depuis quinze ans, la PDA repose sur une insécurité juridique et financière. La PDA gratuite n’est plus soutenable », résument Pierre-Olivier Variot et Philippe Besset. L’intersyndicale demande aux titulaires de dénoncer les conventions liant l’officine et l’établissement, en respectant les clauses de résiliation prévues au contrat, et d’en informer l’ARS par copie, afin de poser officiellement le double enjeu : cadrage réglementaire et financement dédié. Cette dénonciation ouvre une phase de négociation avec la direction de l’Ehpad ; elle ne constitue ni un abandon des patients ni une rupture d’approvisionnement.

Point cardinal rappelé par les deux présidents : l’obligation légale de dispensation demeure. La fin de la PDA au sens du déconditionnement/reconditionnement et de la mise en piluliers ne vaut pas cessation de fourniture des médicaments. Les syndicats indiqueront des modèles de lettres pour sécuriser la démarche (notification à l’Ehpad, copie à l’ARS, rappel de l’absence de cadre et de financement). Objectif affiché : obtenir rapidement un cahier des charges national, des responsabilités clarifiées et une rémunération identifiée, en cohérence avec la réalité économique d’officine.

Dans le même mouvement, l’intersyndicale maintient la vigilance sur les gardes : en cas de réquisition, le pharmacien qui en a connaissance est tenu d’assurer la garde, y compris si, par ailleurs, l’officine a engagé la suspension de la PDA en Ehpad. Le 18 septembre doit jouer un rôle de révélateur : la profession entend conjuguer mobilisation territoriale et clarification réglementaire sur la PDA, afin d’éviter qu’un acte non encadré et non financé ne continue de reposer sur les seules marges de l’officine. « Nous continuerons à délivrer les traitements ; nous cessons de faire gratuitement ce que l’État refuse de cadrer », insiste l’intersyndicale.

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