Officines moyennes : l’effet domino pourrait les faire tomber

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Officines moyennes : l’effet domino pourrait les faire tomber

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Publié le 17 septembre 2025
Par Sana Guessous et Christelle Pangrazzi
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Dès 2026, avec un plafonnement des remises génériques à 25 %, puis 20 % en 2027, le cœur du réseau officinal – les pharmacies moyennes réalisant autour de 2 M€ de chiffre d’affaires – sera pris dans un effet domino : baisse d’investissement, réduction d’effectifs, recul des missions de santé publique.

Si les premières secousses de la réforme frappent les petites pharmacies rurales et urbaines, l’onde de choc ne s’arrêtera pas là. Elle se propagera vers les officines de taille moyenne, qui constituent l’armature du réseau français. Ces structures, avec un CA médian avoisinant les 2 M€, reposent sur un modèle économique dominé par les médicaments remboursables. La baisse programmée des plafonds – 25 % en 2026, 20 % en 2027 – les expose directement.

Pour une grande partie du réseau, les conséquences les plus néfastes se feront ressentir à ce moment-là. Ce décalage crée une illusion temporaire de stabilité, mais prépare un choc plus systémique.

La fragilité du modèle économique médian

Pourquoi les pharmacies moyennes sont-elles si vulnérables ? Leur mix produits est massivement centré sur le remboursable et les génériques. Contrairement aux grandes officines, elles disposent de peu de relais parapharmacie ou d’OTC à forte marge.

Leur capacité d’investissement repose précisément sur la marge générique. Réduite, elle entraîne un effet domino : baisse des dépenses en matériel, en digitalisation, en aménagement.

Leur masse salariale est proportionnellement élevée : souvent 6 à 10 ETP pour 2 M€ de CA. Moins de marge signifie inévitablement des réductions d’effectifs, donc une baisse des services rendus aux patients.

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« Moins d’effectifs, c’est moins de missions de santé publique et donc une perte de marges externes en dehors du médicament. L’équilibre économique est compromis », analyse Guillaume Racle (USPO).

L’effet ciseaux : charges fixes contre recettes comprimées

Les officines moyennes sont prises dans un effet ciseaux classique :

– charges fixes incompressibles (loyer, salaires, remboursement de prêts contractés à des taux souvent supérieurs à 3 % après 2020).

– recettes comprimées par la baisse de la marge générique et les baisses de prix annoncées sur le médicament (100 M€ par an en année pleine).

Beaucoup ont été rachetées après la crise Covid, à des prix élevés et avec des business plans tendus. Le modèle reposait sur une croissance soutenue de l’activité. « Sans croissance, ou en tout cas si elle n’atteint pas celle prévue dans le business plan, ce dernier risque de s’écrouler », avertit Guillaume Racle.

Le danger est donc double : déstabilisation opérationnelle (moins de services, moins de missions) et déstabilisation financière (incapacité à honorer les remboursements, pression des banques).

Un risque sur l’attractivité du métier

Les conséquences dépassent la comptabilité. Les pharmacies moyennes, souvent situées dans des zones périurbaines ou semi-rurales, jouent un rôle de pivot territorial. En réduisant leur capacité à investir, à recruter et à développer des missions nouvelles, la réforme fragilise leur attractivité.

Pour les jeunes diplômés, l’image d’un métier en contraction et économiquement risqué réduit l’envie de s’installer.

Pour les salariés, la perspective de réductions d’effectifs nourrit un sentiment d’insécurité.

Pour les repreneurs, la banque devient plus prudente : les projections de cash-flow s’affaiblissent, les conditions de financement se durcissent.

Autrement dit, l’effet domino ne se limite pas à une baisse mécanique des marges : il attaque la capacité d’investissement humain du réseau.

Mission de santé publique en recul

Un paradoxe majeur se dessine. Les réformes récentes (vaccination, dépistage, prévention, accompagnement des patients chroniques) visaient à transformer l’officine en hub de santé de proximité. Mais ces missions nécessitent des moyens humains et financiers. Si les pharmacies moyennes doivent réduire leurs effectifs pour absorber le choc, ce sont précisément ces missions qui en pâtiront.

« On demande plus de services de santé publique aux officines, mais on tarit la ressource économique qui les finance », résume un économiste du secteur.