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Quel est l’intérêt de l’État de baisser le plafond des remises génériques ?
Derrière la volonté de l’État de plafonner les remises commerciales sur les médicaments génériques, se dessine une stratégie budgétaire assumée. Objectif officiel : peser sur les prix industriels et alléger la facture publique. Mais ce choix technique pourrait bien avoir des conséquences structurelles sur le réseau officinal. Décryptage.
Plafonner les remises, alléger la dépense publique, réorienter les flux de marge… autant de leviers actionnés au nom de la régulation. Mais à quel prix pour les acteurs de terrain ? Et avec quelles conséquences sur le modèle économique de l’officine ?
Plafonner les remises commerciales sur les génériques : derrière cette décision budgétaire, l’État cherche à reprendre la main sur les prix des médicaments. Mais ce choix, censé alléger la facture publique, pourrait fragiliser l’économie des pharmacies et accélérer la recomposition du réseau officinal.
Une mesure budgétaire… à effets systémiques
C’est un dossier explosif que le gouvernement a décidé d’avancer en pleine période estivale. En abaissant à 30 % le plafond des remises sur les médicaments génériques, l’État active un levier budgétaire classique, inscrit dans la LFSS 2025. Officiellement, l’objectif est de dégager 100 millions d’euros d’économies en rapprochant le prix d’achat des pharmacies du prix fabricant, pour ensuite peser sur les tarifs industriels. Mais ce qui se présente comme une opération de maîtrise des dépenses publiques pourrait bien avoir des conséquences structurelles sur l’économie des officines. Car derrière cette réforme se jouent des arbitrages financiers entre Bercy, Matignon et le ministère de la Santé, mais aussi et surtout l’avenir du modèle officinal français.
Pourquoi l’État veut-il encadrer les remises commerciales ?
En abaissant les remises, l’État entend limiter les marges arrière des pharmaciens et provoquer un ajustement à la baisse des prix industriels. « Le mécanisme, c’est de baisser les remises pour que l’État puisse ensuite obtenir une baisse du prix industriel des génériques, même si ces prix sont déjà très bas », analyse Lucie-Hélène Pagnat, directrice générale de l’USPO. Cette logique figure noir sur blanc dans la loi de financement de la Sécurité sociale. « On ne peut pas aller contre la loi, je peux me battre pour la modifier, mais c’est le cadre fixé par le Parlement », constate Philippe Besset, président de la FSPF.
Pourquoi les syndicats dénoncent-ils un dérapage des objectifs ?
Le passage de 40 % à 30 % sur les génériques dépasse de loin l’objectif législatif. « Ce n’est pas 100 millions d’euros qu’ils veulent faire, mais 250 millions, avec une baisse des remises à 30 % », déplore Philippe Besset. Bercy, soutenu par Matignon, a imposé un arbitrage budgétaire plus dur que prévu, désavouant le ministère de la Santé. Pour les syndicats, cette dérive fait peser un risque majeur sur l’équilibre économique des officines.
Pourquoi une bataille de chiffres sur les décimales ?
Le seuil de remise cristallise les tensions. « Pour atteindre 100 millions, il suffirait de passer de 40 % à 36,2 %, pas besoin de descendre à 33,8 % comme le veut la Sécurité sociale. Entre 33,8 % et 36,2 %, la différence peut sembler faible, mais elle est déterminante pour la survie des officines », note Philippe Besset. D’autant que le niveau réel des remises varie d’un réseau à l’autre, rendant tout calcul de seuil particulièrement sensible.
Bercy cherche-t-il à transférer la pression sur les pharmaciens ?
« Le gouvernement veut faire supporter aux pharmaciens la baisse des prix industriels en réduisant leurs propres marges arrière », dénonce Lucie-Hélène Pagnat. Cette approche, qui revient à transférer la contrainte budgétaire sur le réseau officinal, inquiète d’autant plus qu’elle pourrait ouvrir la voie à des ajustements similaires sur d’autres segments, comme les biosimilaires ou les dispositifs médicaux.
Vers une recomposition du réseau officinal ?
« Si on baisse drastiquement les revenus des pharmaciens, cela signifie qu’on veut diminuer le nombre de pharmacies de proximité. C’est un choix de société auquel je m’oppose », avertit Philippe Besset. Pour les syndicats, cette logique pourrait accélérer la concentration du réseau, au risque d’affaiblir l’accès aux soins de premier recours.
Quelle stratégie des syndicats face à cette pression ?
« Mon mandat, c’est de défendre le plafond de 40 % pour les génériques et d’obtenir le maximum pour les biosimilaires. Mais si j’obtiens une réforme qui soit gagnante pour le réseau, je la soumettrai à l’Assemblée générale », annonce Philippe Besset. Une stratégie double : défendre les positions historiques sans renoncer au dialogue si un accord pérenne pour le réseau est envisageable.
Le plafonnement des remises, symptôme d’un basculement du modèle officinal ?
« Cette réforme dépasse largement la question des remises », prévient Lucie-Hélène Pagnat. Car ce qui se joue, c’est bien la place de l’officine dans le système de santé, entre régulation des dépenses, recomposition industrielle et maintien du maillage territorial.
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