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Voici pourquoi l’Etat ne pourra pas briser la grève des gardes liées aux remises génériques
En plein mouvement national contre la réforme des remises sur les génériques, le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu une partie des réquisitions imposées aux pharmaciens par le préfet du Bas-Rhin. Le juge a estimé que l’arrêté préfectoral portait une atteinte « grave et manifestement illégale » au droit de grève, sans justification proportionnée.
Le 4 juillet 2025, le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l’arrêté préfectoral du 27 juin qui imposait aux pharmaciens bas-rhinois de maintenir l’intégralité des gardes pendant le mouvement de grève du 30 juin au 6 juillet. Saisi en référé liberté par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine du Grand Est (USPO Grand Est), le juge a estimé que le préfet avait porté une atteinte « grave et manifestement illégale » au droit de grève, en réquisitionnant tous les titulaires inscrits aux gardes sans chercher à limiter la portée de la mesure.
Delphine Lienhardt, présidente de l’USPO Alsace, rappelle le contexte : « L’ARS a réquisitionné toutes les pharmacies du tableau de garde, sans distinction, avant même que la grève ne soit officiellement posée. »
L’Union régionale USPO Grand Est a immédiatement saisi le juge administratif, qui a tranché : la réquisition automatique de l’ensemble des titulaires est contraire au droit.
Résultat : l’ordonnance suspend les réquisitions pour les journées du samedi 5 et du dimanche 6 juillet. Pour les jours précédents, le juge n’a pas statué, faute d’effet utile possible à la date de l’audience.
Une atteinte disproportionnée au droit de grève
Dans sa décision, le juge rappelle que si le préfet peut réquisitionner des professionnels de santé en cas de nécessité, encore faut-il que cette mesure soit strictement proportionnée aux besoins de santé publique. Or, dans ce cas, le préfet du Bas-Rhin a reproduit à l’identique le tableau de garde habituel, sans chercher à instaurer un fonctionnement allégé ni à réduire les horaires ou le nombre d’officines mobilisées. L’ordonnance souligne que le préfet n’a pas démontré avoir évalué d’autres options permettant de concilier continuité des soins et exercice du droit de grève.
Le tribunal juge donc que le représentant de l’État a commis une erreur de droit en ne justifiant pas de l’impossibilité de garantir un service de garde limité aux seuls besoins essentiels. En conséquence, la réquisition générale est annulée pour les deux derniers jours du mouvement.
« C’est une belle avancée, et quelque chose d’assez unique pour les pharmaciens », se réjouit Delphine Lienhardt. « Jusqu’ici, on n’avait jamais eu recours à ce type de procédure. Ce référé marque un tournant. »
Une action syndicale recevable
Le préfet et l’agence régionale de santé (ARS) Grand Est contestaient en parallèle la recevabilité de la requête, estimant que le président de l’USPO Grand Est ne disposait pas d’un mandat valide pour agir. Là encore, le juge les déboute : le syndicat a produit un procès-verbal de conseil d’administration en visioconférence, daté du 2 juillet, avec un vote favorable à l’unanimité des participants. Cette procédure respecte les statuts syndicaux et donne toute légitimité à l’action en justice.
Un signal fort pour la profession
Cette décision intervient dans un bras de fer ouvert entre la profession pharmaceutique et l’État, sur fond de réforme brutale du modèle économique des génériques. Si l’arrêté préfectoral ne remettait pas en cause le principe des gardes, l’ordonnance strasbourgeoise constitue un avertissement clair : la continuité des soins ne saurait servir de prétexte à une réquisition automatique et disproportionnée des professionnels en grève.
« Les pharmaciens ne remettent pas en cause le principe de la réquisition, mais elle doit être ciblée, proportionnée, et respecter le droit de grève », souligne Delphine Lienhardt. « Cette décision de justice oblige l’ARS et la préfecture à réfléchir plus finement au maillage officinal. »
Le tribunal administratif condamne en outre l’État à verser 1 000 euros à l’USPO Grand Est au titre des frais de procédure. Un symbole que les syndicats entendent faire valoir dans d’autres départements mobilisés, alors que la réforme des remises reste juridiquement instable et politiquement inflammable. « Cette grève se poursuit avec conviction. Nous allons au combat pour sauver notre profession », conclut Delphine Lienhardt. « Le droit est aussi une arme. Nous comptons bien continuer à nous en servir. »
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