Santé mentale : un tiers des étudiants en pharmacie a des pensées suicidaires

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Santé mentale : un tiers des étudiants en pharmacie a des pensées suicidaires

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Publié le 17 juin 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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La moitié des étudiants en pharmacie ont fait une crise d'angoisse pendant l'année, un tiers a eu des pensées suicidaires, 14 % sont en dépression… L'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) présente des chiffres alarmants. Mais loin de s'arrêter à ce constat, elle propose 33 pistes d'actions à mettre en place d'urgence.

Les étudiants en pharmacie ont décidé d’agir. « Parler de santé mentale ne suffit plus ! Pour preuve les chiffres issus de notre enquête qui mettent en lumière un état de santé mentale préoccupant chez les étudiants en pharmacie », explique Valentin Masseron, porte-parole de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Pas moins de 1 648 étudiants ont répondu aux questions diffusées en février et mars dernier par l’association. Leurs auditions, ainsi que celles de nombreux acteurs de la pharmacie, représentants d’association et élus, ont permis à l’Anepf d’établir une photographie de l’état de santé mentale des futurs pharmaciens. Les résultats, dévoilés le 17 juin, font froid dans le dos.

Mal-être général

85,1 % des étudiants en pharmacie estiment que leur cursus a eu un impact négatif sur leur santé mentale. Tensions liées aux examens, rythme de l’enseignement, incertitude sur l’avenir professionnel… Autant de soucis qui participent à un mal-être général. « Un étudiant sur trois a même déjà envisagé d’arrêter ses études, à cause de ce mal-être », alerte Valentin Masseron, « 50,2 % d’entre eux ont fait une crise d’angoisse pendant l’année, 14 % présentent une symptomatologie dépressive certaine et 10 % des étudiants se sont déjà mutilés… » Le constat fait peur, et ne s’arrête pas là. 31,3 % des répondants ont déjà eu des pensées suicidaires, et 36 étudiants sont déjà passés à l’acte.

La situation pourrait être nouvelle, « mais en réalité cela remonte à bien avant le Covid-19. La santé mentale se dégrade depuis une vingtaine d’années. Le gouvernement a beau en parler, en faire un Grande cause nationale, mais cela ne suffit plus. Il est temps de prendre le sujet à bras-le-corps. C’est tout le sens de nos propositions », poursuit le responsable. Améliorer l’accès aux ressources d’aide, rendre la prise en charge plus accessible, visible et immédiate et créer un environnement académique plus sain où la santé mentale est une priorité. Voilà les trois grands axes qui façonnent les 33 propositions présentées par l’association.

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Modules de formation

Dans un cursus exigeant, qui nécessite un investissement physique et mental fort, l’Anepf demande entre autres :

– une formation continue des équipes pédagogiques et administratives aux risques psychosociaux et à leur repérage ;

– la généralisation d’une présence d’un psychologue sur chaque campus avec une permanence hebdomadaire physique et la possibilité de téléconsultation.

« Les étudiants sont confrontés rapidement à la nudité, à la mort, à la souffrance. Ils ne sont pas armés pour faire face à cela et ne savent pas vers qui se tourner lorsqu’ils sont déstabilisés », explique Clémence Tarrillon, vice-président en charge des affaires sociales. L’Anepf souhaite  :

– la création d’un dispositif de suivi permettant à tout étudiant se sentant en détresse de s’inscrire sur une liste de suivi ;

– l’attribution de minimum 4 jours d’absence par an, sans justification, pour répondre aux problématiques de santé mentale ;

– l’ouverture de formations par l’université sur les thématiques « Comment bien vivre ses études » et « Comment orienter un pair en difficulté vers les bonnes ressources ».

S’ajoute une nécessaire formation des étudiants eux-mêmes pour faire face au mal-être des patients. L’Anepf réclame :

– la création d’un module obligatoire « Santé mentale et rôle du pharmacien » afin de former à la détection précoce des troubles mentaux des patients, à l’écoute active et à l’orientation vers les professionnels compétents ;

– l’introduction de cas pratiques de prise en charge de patients en souffrance psychique dans les stages officinaux et hospitaliers.

« La filière de la pharmacie peut être un pilier dans la démocratisation de la santé mentale. Avec une bonne formation et une sensibilisation efficace, les étudiants en pharmacie peuvent réellement contribuer à sensibiliser la population à cette question. Mais ils doivent se sentir soutenus par leurs pairs. Nous appelons à une mobilisation collective », conclut Valentin Masseron. Prochain rendez-vous le 28 août lors du colloque national sur la Santé des soignants, sous le haut patronage du président Macron.