Sanofi : Praluent, mais pas à tout prix

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Sanofi : Praluent, mais pas à tout prix

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Publié le 1 juillet 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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Les patients français pourraient bientôt se retrouver privés de deux traitements contre l’hypercholestérolémie sévère. Entre désengagement industriel, pénuries d’approvisionnement et guerre des prix, la crise des anti-PCSK9 atteint un tournant préoccupant.

Les patients à haut risque cardiovasculaire et souffrant d’hypercholestérolémie sévère sont inquiets. Les deux seuls traitements anti-PCSK9 disponibles en France, Praluent (Sanofi) et Repatha (Amgen), sont aujourd’hui au cœur d’une crise inédite qui menace leur accessibilité.

Vers un déremboursement de Praluent ?

Depuis plus d’un an, Praluent est en tension d’approvisionnement en raison « des capacités de production limitées et d’une demande mondiale forte ». En France, les prescriptions ont en effet doublé entre 2023 et 2024, à la suite de l’élargissement de ses indications par la Haute Autorité de santé (HAS). Mais pour Sanofi« les conditions de prix fixées par l’État n’ont pas suivi cette dynamique. » Pendant cinq ans, le laboratoire dit avoir « assumé la prise en charge de la demande croissante, mais aujourd’hui il n’est plus économiquement viable d’y répondre ».

Pour autant, Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France assos santé, tient à relativiser le discours du laboratoire : « Les anti-PCSK9 avaient été présentés comme des innovations majeures mais finalement le service médical rendu par Praluent a été classé niveau V par la Haute Autorité de santé, c’est-à-dire une amélioration inexistante ou une absence de progrès thérapeutique. » De quoi pousser les autorités de santé à baisser le prix du médicament. « Même aux États-Unis, le prix a été divisé par deux », souligne le responsable.

Dans l’impasse, le laboratoire a décidé de jouer une dernière carte en demandant le déremboursement de Praluent en France. Une menace censée peser sur le Comité économique des produits de santé (CEPS) afin d’obtenir une revalorisation du prix du médicament. Le pari est toutefois risqué puisqu’il obligerait les patients à prendre en charge l’intégralité du traitement évalué à près de 400 € par mois. « C’est une décision difficile mais nécessaire », souligne Sanofi, qui dit toutefois rester mobilisé pour « un dialogue constructif » avec les autorités…

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Repatha à son tour sous tension

Conséquence directe des tensions d’approvisionnement en Praluent, les médecins se sont reportés massivement sur Repatha, alternative du laboratoire Amgen. Depuis mai dernier, le laboratoire fait lui aussi face à une tension d’approvisionnement, en France compte tenu de cette nouvelle demande. « Cette hausse soudaine combinée à la désorganisation de la chaîne logistique mondiale nous a contraints à contingenter les livraisons auprès des grossistes. La mesure, prise en coordination avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), vise à éviter les ruptures brutales en pharmacie. » Interrogé sur le retrait partiel de Sanofi, Amgen « se refuse à tout commentaire sur les prix ou les choix économiques de son concurrent », rappelant que les négociations tarifaires sont confidentielles et distinctes des questions d’approvisionnement.

Une concurrence orale en approche

Alors que la crise est à son paroxysme, de nouveaux acteurs pourraient rebattre les cartes dès 2026, à l’image du laboratoire américain Merck qui vient de dévoiler des résultats très prometteurs pour un anti-PCSK9 sous forme orale. Cette molécule, aujourd’hui en phase avancée de développement montrerait une efficacité comparable à celle des traitements injectables (Praluent et Repatha) et pourrait transformer le marché. L’arrivée d’un traitement oral, plus simple d’usage et potentiellement moins coûteux, mettrait bien évidemment une pression supplémentaire sur les laboratoires historiques implantés sur le marché français. De quoi expliquer en partie la stratégie actuelle de Sanofi qui espère obtenir de meilleures conditions financières avant que son produit ne perde de sa valeur face à une concurrence de taille.

Des milliers de patients inquiets

En attendant, les patients font les frais de ce bras de fer économique entre les laboratoires et le CEPS. « Il est particulièrement traumatisant de devoir changer de traitement. Les laboratoires jouent sur cette crainte afin de faire pression. Il est toutefois possible de trouver des traitements de substitution en cas d’hypercholestérolémie familiale, à l’image de l’aphérèse », pointe Jean-Pierre Thierry. Mais cette technique, réalisée dans des unités hospitalières spécialisées, consiste à éliminer une partie du LDL-cholestérol du sang, via une épuration extracorporelle. De quoi inquiéter des patients qui profitent actuellement de traitements moins invasifs.