Rosp : quand l’Assurance maladie facture aux pharmaciens sa propre opacité

© Getty Images

Rosp : quand l’Assurance maladie facture aux pharmaciens sa propre opacité

Réservé aux abonnés
Publié le 15 mai 2025
Par Sana Guessous
Mettre en favori
Malus injustifié sur la substitution générique, indus quasiment impossibles à vérifier… Les rémunérations sur objectifs de santé publique versées par l’Assurance maladie alimentent l'exaspération. Les syndicats officinaux ne cessent de dénoncer une mécanique budgétaire inéquitable, déconnectée de la réalité du terrain, et appellent à un réexamen en profondeur des critères d’attribution.

Le ton monte dans les rangs des syndicats dde titulaires devant les rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) versées par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam). « Ces rémunérations manquent de clarté et pénalisent injustement les pharmaciens », dénonce Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. En cause notamment : les malus appliqués dans le cadre de la non-substitution générique, lorsque les pharmaciens cochent le motif « urgence ».

Or, selon l’USPO, ce motif est souvent utilisé faute d’alternative. « Lorsque le médicament de référence est en rupture et qu’il n’existe pas de case “rupture de stock”, les pharmaciens n’ont pas d’autre option. Ils sont doublement sanctionnés : d’un côté, ils gèrent la pénurie au pied levé, de l’autre, ils sont pénalisés financièrement. Cela ne se justifie en rien », affirme Pierre-Olivier Variot, qui demande la neutralisation immédiate du code “urgence” dans les calculs de Rosp.

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), demande pour sa part que « les non-substitutions pour cause de rupture soient exclues du calcul des Rosp génériques ». Un engagement aurait été pris en ce sens par la Cnam. « Elle s’est engagée à revenir avec des propositions correctives. Nous attendons des solutions concrètes et rétroactives. »

Rosp numérique : l’application carte Vitale sème la confusion

Autre point d’achoppement : la Rosp numérique. De nombreux pharmaciens ont été exclus du versement lié au déploiement de l’application carte Vitale. Motif ? Ils ne l’auraient pas utilisée en 2024. « C’est absurde : l’appli n’a été mise en service qu’en mars 2025. Il est donc factuellement impossible que nous l’ayons utilisée en 2024. La Cnam doit corriger cette erreur et rétablir la rémunération prévue. Même s’il ne s’agit que de 50 euros, c’est une question de principe. Un engagement conventionnel doit être tenu, quel que soit son montant », souligne Pierre-Olivier Variot.

Publicité

Et de rappeler que les pharmaciens, eux, n’ont pas le loisir de refuser un indu sur la base de son faible montant. « On nous réclame parfois quelques euros, et nous devons les restituer. La réciprocité doit s’appliquer. »

Des rattrapages « impossibles à tracer »

Au-delà des montants litigieux, les syndicats dénoncent un problème plus systémique : l’opacité des versements. « Certains pharmaciens reçoivent 300 euros sans aucune indication sur ce à quoi ils correspondent. C’est invérifiable », regrette Pierre-Olivier Variot. Ce flou alimente le sentiment d’une mécanique financière injuste.

« La transparence doit être bilatérale. Les officinaux doivent pouvoir consulter un relevé clair, ligne par ligne, des sommes perçues au titre des différentes Rosp. Ce n’est pas seulement une exigence de bonne gestion, c’est aussi une condition de confiance dans le système », poursuit-il. L’USPO appelle ses adhérents à formuler des demandes officielles de justification auprès de leurs caisses primaires d’Assurance maladie locales.

Vers une remise à plat du modèle ?

Face à des pharmaciens déjà mis à rude épreuve par les ruptures et les surcharges, le système des Rosp, tel qu’il est conçu, risque de perdre sa fonction initiale de pilotage qualitatif. « Quand l’objectif devient un piège, il ne remplit plus son rôle. Il faut une révision complète des indicateurs, intégrant les aléas du réel », conclut Pierre-Olivier Variot.