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Ordonnances numériques : la pharmacie passe à la vitesse QR !
D’ici la fin de l’année, toutes les prescriptions médicales devront passer par le numérique. Le papier cédera la place au QR Code. Les pharmacies sont supposées être toutes équipées, mais qu’en est-il concrètement de cette transformation annoncée ? Entre promesses et réalités de terrain, état des lieux d’une transformation en marche.
Impossible d’y échapper. L’ordonnance numérique sera devenue la norme d’ici à la fin de l’année. C’est du moins ce que promet l’Assurance maladie. Fini les piles d’ordonnances papier à scanner et à transmettre manuellement. Grâce à l’e-prescription, les pharmaciens peuvent désormais accéder aux ordonnances en flashant un simple QR Code. De quoi simplifier considérablement leur quotidien, avec des données consultables en temps réel, directement dans le logiciel métier. Pourtant, depuis le lancement de l’ordonnance numérique en 2022, le chemin parcouru peut être qualifié de chaotique. Même si 55,8 millions d’e-prescriptions ont été générées, avec l’implication de près de 36 900 médecins – majoritairement généralistes – seulement 1,16 million de ces ordonnances numériques ont été effectivement traitées comme telles par les pharmaciens. La raison ? Un décalage entre l’équipement des officines et l’usage réel de l’ordonnance numérique.
En moyenne 100 ordonnances par pharmacie
Début mars, l’Assurance maladie, qui profitait du salon PharmagoraPlus pour faire un point sur la situation, décomptait près de 12 700 pharmacies ayant traité au moins une ordonnance numérique. Un début plutôt timide avec moins de 100 ordonnances en moyenne par officine. Même si l’outil est là, il ne semble pas encore intégré dans le quotidien des pharmaciens. Pire, de nombreuses officines sont équipées de la possibilité de lecture des QR Codes mais n’en ont pas été informées par leur fournisseur de logiciel de gestion officinal (LGO). Pour l’heure, neuf logiciels ont validé leur présérie les autorisant à déployer l’ordonnance dématérialisée dans toutes leurs officines clientes (id., Leo, Pharmaland, PharmaVitale, Winpharma, Visiopharm, Pharmony, Smart Rx et Crystal). Or, sur le terrain, plusieurs fausses notes sont déplorées : « Les éditeurs ont tous eu le même cahier des charges, cependant ils n’en ont pas fait la même lecture. Des freins et des blocages persistent lors de l’utilisation de certains logiciels. Par exemple, il arrive que le LGO refuse la validation d’une ordonnance électronique quand on ne délivre pas un médicament stupéfiant ou assimilé qui s’y trouve mentionné, alors que le patient n’en a pas besoin ce mois-ci. De fait, nous sommes contraints de traiter l’ordonnance comme auparavant », explique Sébastien Lagoutte, spécialiste des questions digitales au sein de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le traitement complet d’une e-prescription, du scan à l’enregistrement, dans le dossier médical partagé (DMP) ne fonctionne pas non plus de façon toujours très fluide. Il arrive également que des bugs liés au QR Code (illisible, trop petit ou encore mal calibré) bloquent l’affichage ou la validation de l’ordonnance. Résultat : les pharmaciens reviennent à un traitement manuel de l’ordonnance en attendant que leur fournisseur de logiciel règle ces derniers problèmes.
Intervention pharmaceutique
Pour autant, le nouveau format numérique de l’ordonnance présente des avantages indéniables. Falsifications impossibles, traçabilité intégrée au DMP, transmission instantanée… et gain de temps : il n’est plus nécessaire d’effectuer une transmission via le dispositif Scannérisation des ordonnances (Scor) puisque les données de prescription et de délivrance sont disponibles dans la base « e-prescription » de l’Assurance maladie. Autre atout d’importance : le pharmacien peut ajuster la prescription du médecin – dans les conditions prévues par la réglementation – et renseigner dans son logiciel métier le motif qui l’a amené à ce choix. « L’enjeu clé est de mieux reconnaître et valoriser le rôle du pharmacien dans le parcours de soins. L’ordonnance numérique permet cette traçabilité et peut, à terme, justifier une rémunération pour ces interventions », confirmait Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, lors d’une intervention à PharmagoraPlus. Correction d’une erreur de prescription, adaptation d’un traitement, suivi du patient : des actes qui pourraient donc être valorisés financièrement grâce à la traçabilité offerte par l’ordonnance numérique.
Une problématique hospitalière
Mais dans l’écosystème de la santé, toutes les professions n’ont pas encore sauté le pas de l’ordonnance dématérialisée. L’hôpital et la téléconsultation sont à la traîne. « Pourtant, ce sont les deux pourvoyeurs d’ordonnances les plus susceptibles d’être falsifiées ou utilisées plusieurs fois, relève Yorick Berger, porte-parole de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le calendrier de déploiement mis en place par l’Assurance maladie est incompréhensible, d’autant plus que les produits prescrits par l’hôpital sont souvent très chers. Nous estimons qu’il y a un réel risque d’indus. Il aurait fallu commencer par là. » Et Sébastien Lagoutte de confirmer : « Nous perdons toujours énormément de temps à cause des ordonnances hospitalières. Il faut téléphoner, renvoyer des e-mails sécurisés. On se débrouille comme l’on peut. L’avancée ne sera considérable que lorsque l’ensemble des acteurs seront effectivement équipés », confirme le représentant de l’USPO. Cependant, le chemin à parcourir est encore long, les « hôpitaux freinant des quatre fers toutes les évolutions », regrette Valérian Ponsinet, président de la commission convention et système d’information de la FSPF. L’Assurance maladie le reconnaît, et confirme que « pour le déploiement des autres professions en ville et pour l’hôpital, des travaux sont en cours afin d’adapter le calendrier initial ».
Risque d’indus
En attendant, les pharmaciens se concentrent sur un autre combat, celui de la version 3 du cahier des charges remis à leur fournisseur de logiciel. Depuis plusieurs mois, les syndicats alertent l’Assurance maladie : « La transmission de l’exécution de l’ordonnance numérique n’est validée sur ses serveurs qu’à réception de la facturation. Cela signifie qu’un délai de plusieurs jours peut être nécessaire pour que l’ordonnance numérique soit indiquée comme étant déjà dispensée. Entre-temps, le QR Code peut donc être utilisé plusieurs fois par le patient. Par ailleurs, pour un médicament qui n’est pas remboursé, il n’y aura pas d’exécution de l’ordonnance et donc pas de traçabilité de la dispensation », détaille Sébastien Lagoutte. Voilà donc les LGO repartis dans le développement d’une troisième version de leur brique « e-prescription ». « L’Assurance maladie n’en fait qu’à sa tête. Nous l’avons prévenue très tôt du problème, mais elle a décidé malgré tout de déployer des versions bancales. On peut imaginer que des indus cibleront les derniers pharmaciens à télétransmettre une ordonnance passée dans plusieurs officines. Nous défendrons bien sûr nos confrères car c’est l’Assurance maladie qui a commis une erreur ! », avertit Valérian Ponsinet. La prochaine mouture fera donc l’objet d’un suivi attentif. Le tout numérique, quant à lui, n’est décidément pas pour tout de suite.
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