Missions et services : un enjeu collectif

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Missions et services : un enjeu collectif

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Publié le 10 août 2025
Par Charlotte Nattier
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L’engagement dans les missions officinales ne repose pas sur le seul titulaire. Et fédérer adjoints et préparateurs ne se décrète pas. C’est un projet d’équipe qui exige une vision partagée, un pilotage structuré et un management reposant sur la confiance.

Les missions et services à l’officine ne peuvent être perçus comme de simples tâches supplémentaires à l’activité quotidienne. Imposer des dispositifs sans les expliquer ni associer l’équipe aux décisions peut générer de la frustration, voire du rejet. Ces évolutions doivent s’inscrire dans une stratégie claire, compréhensible et portée collectivement. C’est à cette condition qu’ils pourront être vécus comme une opportunité de développement professionnel pour chacun et marquer une différenciation pour l’officine. Son modèle économique évolue en profondeur : la baisse des marges sur les médicaments est partiellement compensée par le développement de nouvelles missions de santé, confiées à l’officine dans une logique de santé publique et de maîtrise des coûts. « De nos jours, délivrer des ordonnances ne suffit plus à assurer la viabilité économique d’une pharmacie. Il est donc essentiel de faire comprendre ce changement de paradigme à l’ensemble de l’équipe. Montrer que ces évolutions ne sont pas seulement souhaitables, mais nécessaires, permet de donner du sens à l’action », estime Fabien Brault-Scaillet, pharmacien titulaire à Montargis (Loiret) et fondateur d’Yggi, une société spécialisée dans le coaching des pharmacies.

Redéfinir les rôles, du préparateur à l’adjoint

Ces évolutions exigent une redéfinition des rôles et des responsabilités de chacun. Si le titulaire reste le pilote du projet de l’officine, l’ensemble des professionnels qui composent l’équipe est concerné. Les préparateurs, en particulier, sont pleinement associés à la mise en œuvre des missions. « Le préparateur peut participer activement à toutes les étapes, de l’accueil du patient à la préparation logistique, en passant par la sensibilisation, le suivi, voire certains actes techniques », rappelle David Brousseau, secrétaire fédéral de la branche officine de Force ouvrière. Pour leur part, les adjoints sont en capacité de devenir chefs de projet sur certaines missions de coordination ou de formation interne, à condition que leur rôle soit clarifié, reconnu et valorisé. Cette organisation qui leur offre de nouvelles responsabilités est déjà à l’œuvre dans plusieurs pharmacies. À Roubaix (Nord), les cotitulaires Mohamed Achamsse et Guillaume Vercruysse, récompensés, lors du salon PharmagoraPlus 2025, par un trophée de la pharmacie dans la catégorie « Nouvelles missions », ont mis en place une dynamique d’équipe particulièrement structurée. « Chacun doit être en capacité de pouvoir échanger au comptoir sur les missions que nous proposons et de sensibiliser les patients à leur réalisation », explique Mohamed Achamsse. La première étape est d’opérer des choix stratégiques, pour élaborer une feuille de route claire et la porter à la connaissance de tous. Puis il s’agit de repenser le fonctionnement de l’officine en créant les conditions matérielles qui permettent d’intégrer les missions dans le parcours du patient. De même, l’équipe doit pouvoir proposer, orienter et recruter les patients concernés. Certaines réticences émergent parfois, notamment lorsqu’il s’agit de vacciner. Il convient alors de respecter les limites de chacun. Par ailleurs, pour qu’une mission s’inscrive dans la pérennité et atteigne une rentabilité, elle doit gagner en visibilité et en récurrence. D’où l’importance de l’ancrer dans le quotidien de l’équipe. Dans l’officine de Roubaix, chaque journée commence par un court briefing de 5 à 10 minutes. Objectifs, rappels et points d’attention sont évoqués à cette occasion. « C’est un moment qui doit permettre de garder le cap et d’entretenir l’enthousiasme », résume le titulaire. Ce rituel de communication quotidienne vise à fluidifier l’échange d’informations, à repérer les freins éventuels et à faire émerger des idées adaptées à la réalité de terrain. Il ne s’agit pas d’imposer un management descendant, mais de cultiver une dynamique collective où chaque professionnel a sa place. Une démarche encouragée par le représentant syndical David Brousseau.

Former, valoriser, responsabiliser

Une équipe bien formée est plus compétente, mais aussi plus confiante. Dans certaines officines, un collaborateur peut devenir référent d’une mission, formateur en interne ou interlocuteur privilégié pour ses collègues. « Celui qui rédige le protocole d’une mission en devient naturellement le référent », indique Mohamed Achamsse. Un planning de formation express, avec des modules d’une vingtaine de minutes, semble plus compatible avec le rythme de travail de l’officine. « L’objectif est d’identifier les points forts de chacun et d’adapter les missions aux différents profils », souligne Fabien Brault-Scaillet. Ce processus individualisé favorise l’implication et renforce la valorisation des compétences internes. L’engagement naît aussi d’une reconnaissance implicite des capacités de chaque collaborateur. Les missions ne doivent pas être vécues comme une charge supplémentaire imposée par les titulaires. « Elles sont intégrées aux horaires d’ouverture de l’officine. Nous ciblons les heures creuses pour proposer ces services », précise le pharmacien roubaisien. La récompense financière a sa place, mais elle ne suffit pas à entretenir la motivation. Un remerciement du titulaire, un mot valorisant devant un patient, une écoute attentive sont tout aussi puissants. « Je recommande d’organiser un point régulier, tous les deux à six mois, pour dresser un bilan des missions confiées ainsi que de l’engagement global au sein de l’officine, propose Fabien Brault-Scaillet. Il est important de rappeler que la motivation ne repose pas uniquement sur des incitations financières mais également sur la contribution des officines à la santé publique. » David Brousseau estime que cette reconnaissance doit aussi s’inscrire dans les textes : « Certes, elle passe par la satisfaction et la fidélité des patients, la considération du titulaire, mais aussi par une évolution des conventions collectives qui valorisent davantage le rôle des préparateurs et des adjoints. » Pour embarquer son équipe sur le long terme, il est nécessaire d’informer, d’impliquer, de former et, surtout, de faire grandir chacun dans le cadre d’un projet officinal porteur de sens.

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