La Cour des comptes revoit l’installation des officines

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La Cour des comptes revoit l’installation des officines

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Publié le 26 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Avec un chiffre d’affaires en hausse, mais une rentabilité en repli pour de nombreuses officines, la Cour des comptes appelle à réformer en profondeur le modèle officinal. Elle propose de nouveaux critères d’installation.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié le 26 mai 2025, la Cour des comptes dresse un constat sans appel : le réseau officinal français perd de sa densité, et la régulation actuelle peine à répondre aux enjeux d’accessibilité. En 2024, la France comptait 20 502 officines, détenues par 25 301 pharmaciens titulaires, soit une baisse de plus de 10 % depuis 2006. Le phénomène s’accélère : 216 fermetures ont été enregistrées en 2024, contre 211 en moyenne depuis 2015, et seulement 95 entre 2007 et 2014. Résultat : le nombre d’habitants par pharmacie a augmenté de 26 %, et la France a reculé du 3e au 15e rang européen en matière de densité officinale.

Zones rurales : la panne d’attractivité

La dégradation est particulièrement marquée en milieu rural. Le temps d’accès moyen à une pharmacie a augmenté de 7 % entre 2020 et 2023. Le nombre de communes situées à plus de 15 minutes d’une officine a progressé de 18 %. La moitié des pharmacies en habitat dispersé affichent un chiffre d’affaires inférieur à 1 M€, contre moins d’un quart en zones urbaines. Dans ces territoires, les officines peinent à recruter, à investir et à trouver des repreneurs, notamment en raison de l’absence fréquente de médecins. Le nombre de salariés y est plus faible : 4,3 en moyenne contre 6,3 dans les zones urbaines. L’isolement professionnel, l’absence de perspectives économiques et la difficulté d’accueil des stagiaires y renforcent le désintérêt des jeunes diplômés.

Des outils d’aménagement jugés peu opérationnels

Face à ce constat, la Cour critique l’inefficacité des dispositifs existants. Le zonage des « territoires fragiles », défini par décret en juillet 2024, repose sur des critères laissés à l’appréciation des ARS, combinant population, garde, âge du titulaire, sans méthodologie unifiée. L’aide annuelle prévue (20 000 €) reste marginale et ne cible pas toujours les officines réellement en difficulté. L’expérimentation des antennes officinales, prévue depuis 2020, n’a abouti qu’à une seule ouverture, à Cozzano (Corse), et reste bloquée par des contraintes de ressources humaines et d’organisation. Quant aux aides fiscales et sociales cumulées (exonérations ZRR, soutien régional), elles échappent à tout pilotage stratégique. La Cour suggère de substituer à cette logique territoriale un repérage précis des « officines essentielles », à l’instar de la méthode testée en Auvergne-Rhône-Alpes.

Une démographie en creux

La démographie professionnelle ne permet pas de répondre aux besoins. Le nombre de pharmaciens titulaires recule (- 6,2 % depuis 2018), et seuls 9 % ont moins de 35 ans. La filière universitaire reste sous tension, avec encore 198 places vacantes à la rentrée 2024. Le stage de sixième année est peu réalisé dans les zones éloignées des centres universitaires. L’attractivité des contrats d’engagement de service public, ouverts aux étudiants en pharmacie depuis 2024, reste à confirmer. En parallèle, les pharmaciens adjoints sont en progression (+ 4,9 % depuis 2018), mais leur statut n’est plus en adéquation avec la réalité de l’exercice, notamment sur les seuils obligatoires d’embauche et le rôle qu’ils pourraient jouer dans la gouvernance des sociétés officinales.

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Face à ces fragilités, la Cour des comptes propose une refonte du modèle officinal. Le critère d’installation basé sur la population communale est jugé obsolète : il ne permet ni de mesurer efficacement l’accessibilité, ni d’optimiser le maillage. La Cour suggère d’adopter un indicateur basé sur le temps d’accès, plus précis, et adaptable aux réalités locales. Elle plaide également pour une cartographie nationale des officines « essentielles », en fonction de critères comme l’isolement géographique, la présence médicale ou l’âge du titulaire.

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