Des garde-fous pour sauver l’indépendance des officines

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Des garde-fous pour sauver l’indépendance des officines

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Publié le 26 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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La Cour des comptes dresse le bilan économique de l’officine et alerte sur les risques de financiarisation. Elle propose plusieurs axes de réflexion.

Le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié le 26 mai 2025 par la Cour des comptes dresse le bilan économique de la pharmacie. Le chiffre d’affaires total des officines a atteint 45 milliards d’euros en 2023, soit 2,20 M€ en moyenne par pharmacie. Les médicaments remboursés en constituent 74,5 %, et l’assurance maladie prend en charge 85 % des prestations. Mais cette croissance masque un repli de la rentabilité : l’EBE moyen est passé sous les 8 %, contre plus de 10 % durant la crise sanitaire, et 10 % des officines présentent un résultat nul ou déficitaire. La hausse des médicaments onéreux, à marge plafonnée, en est en partie responsable. Elle représente 13 % des volumes, mais un tiers de la hausse du chiffre d’affaires depuis 2021.

Rémunération à l’acte

La rémunération officinale, bien qu’en croissance (+ 5 % par an), reste fondée aux trois quarts sur la quantité de médicaments vendus. Les honoraires à l’acte ne représentent que 4 % des revenus. Une structure incompatible, selon la Cour, avec les objectifs de déprescription, de substitution ou de prévention. Elle appelle à sortir d’un modèle fondé sur la vente de boîtes pour aller vers une rémunération fondée sur les actes et les services.

Indépendance menacée

La question du financement de l’installation a également été abordée. Le prix d’achat moyen d’une officine de plus de 1,2 M€ de chiffre d’affaires atteint 80 % de ce montant. Les jeunes pharmaciens, souvent sans apport, recourent à des dispositifs extérieurs. Si certains, comme le fonds InterPharmaciens, apportent des garanties d’indépendance, d’autres – obligations convertibles souscrites par des fonds d’investissement – sont plus préoccupants.

Ces obligations, assorties de taux d’intérêt élevés (jusqu’à 10 %), de primes de non-conversion et parfois de clauses imposant une stratégie commerciale ciblée, peuvent peser lourdement sur les choix professionnels du titulaire. La montée des Selas, qui offrent une grande souplesse contractuelle, accentue ce risque. La Cour déplore l’absence de dispositif de contrôle effectif, malgré les signaux d’alerte émis par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ou le Sénat depuis plusieurs années. Elle appelle à la mise en place rapide de garde-fous, de mécanismes de transparence et d’un contrôle actif sur les conditions de financement des SEL. Il en va, selon elle, non seulement de l’indépendance professionnelle des pharmaciens, mais aussi de l’intégrité du maillage officinal et de la qualité de la dispensation.

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