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Déprescription : un modèle à définir pour l’économie officinale
La stratégie légitime de déprescription pilotée par l’Assurance maladie bouleverse les équilibres du système de soins. Derrière les objectifs budgétaires et sanitaires, une réalité s’impose : celle d’un modèle économique officinal sommé de se réinventer sans garantie de viabilité.
La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) a fixé un cap. Dans un contexte de dépenses en hausse constante (+ 3,4 % par an depuis 2021), elle veut réaliser 425 millions d’euros d’économies dès 2025 en ciblant prioritairement les antibiotiques, les antalgiques et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Aussi, déploie-t-elle sur ces médicaments une politique de déprescription à grande échelle, qui mobilise aussi bien les médecins que les pharmaciens. S’il peut se justifier au nom du bon usage et de l’impact environnemental des traitements, ce tournant place les officines face à un paradoxe : comment s’inscrire dans cette dynamique sans refonte du cadre économique qui structure leur activité ?
Des objectifs concrets pour les médecins
Du côté des prescripteurs, c’est plus clair. La convention médicale signée en juin 2024 a introduit des objectifs de - 10 % pour les antibiotiques, - 10 % pour les antalgiques de palier 2, - 20 % pour les IPP. De plus, la consultation longue de déprescription, prévue à partir de janvier 2026 et rémunérée 60 €, sera réservée aux patients de plus de 80 ans prenant dix médicaments ou plus. Elle repose sur un bilan de médication préalable en officine prescrit par le médecin traitant. Certes, le rôle du pharmacien s’en trouve renforcé. Mais, dans les faits, la cohérence économique reste largement en suspens, car 45 % des revenus d’une officine dépendent encore directement du nombre d’unités dispensées. La montée en puissance de l’honoraire à l’ordonnance, amorcée en 2015, progresse lentement et demeure insuffisante pour compenser les pertes attendues.
Une garantie de revenu peu lisible
« L’idée de sobriété médicamenteuse est légitime. Mais cette stratégie, pensée en vase clos par l’Assurance maladie, s’applique à une profession déjà fragilisée, sans aucune concertation », rapporte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Julien Chauvin, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), indique que « la Cnam s’est engagée à garantir une rémunération globale stable jusqu’en 2027. Mais encore faut-il que les mécanismes de compensation soient transparents, réactifs et effectivement déclenchés ». Le principe de « garantie de revenu », intégré à l’avenant économique de la convention pharmaceutique, est, pour l’heure, peu lisible. Il ne dit rien des modalités de déclenchement et d’équité entre officines. Le consensus syndical est clair : le pharmacien doit être rémunéré pour ce qu’il fait, pas uniquement pour ce qu’il délivre. « Le travail qu’exigent les ordonnances n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a dix ans. Il faut rémunérer cette expertise », plaide Julien Chauvin.
Le bilan de médication est toujours en question
Le déploiement du bilan partagé de médicament (BPM) a marqué une croissance en 2024, avec près de 4 000 officines impliquées pour un chiffre d’affaires total de 2,6 millions d’euros en 2024. Mais ce succès relatif masque de profondes limites. « Le BPM a été conçu de manière trop académique. Les grilles sont longues, peu adaptées au rythme réel de l’officine. Cela nuit à la fluidité de l’échange avec le patient, et complique l’appropriation par les confrères », constate Guillaume Racle, élu au bureau national de l’USPO. De surcroît, relève-t-il, « beaucoup de médecins n’ont ni le temps ni l’envie d’entrer dans ce type de coordination ».
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