60 millions de marrons

Mal à l’aise. Mal à l’aise devant ce sentiment d’incompétence qui m’a envahi à la lecture du hors-série « Se soigner soi-même » de 60 Millions de consommateurs. Honte à moi, en plus de 20 ans de comptoir, je n’ai jamais pensé à conseiller du bouillon de poule contre le mal de gorge. Pas une seconde, je n’ai proposé une solution aussi simple et radicale que des feuilles de choux écrasées au rouleau à pâtisserie avant d’appliquer 3 épaisseurs de la mixture sous un foulard. Comme cela aurait été gratifiant pour moi d’entendre que mon conseil fétiche à base de pâte de pomme de terre bouillie étalée sur la gorge avec une cuillère était souverain dans les douleurs pharyngées. J’ai préféré laisser repartir des dizaines de patients avec la panoplie classique (solutions thérapeutiques et conseils d’usage, pas culinaires c’est un fait). Et le pire, c’est que j’assume. Cela me rassure de soigner avec ces horribles médicaments dont je milite pour le bon usage. Et je signe même mon forfait en le notant dans le dossier pharmaceutique. Dangereux je suis, et pas forcément réglo au moment de faire payer. Ça, j’ai pu le lire dans un autre marronnier* de saison : l’enquête annuelle de Familles rurales qui, pour la sixième année consécutive, répète la même chose : « Les prix ne sont toujours pas homogènes et d’importants écarts demeurent d’une pharmacie à l’autre. »

Qui va bien pouvoir profiter de cette rafale d’informations contestables ? Pas les pharmaciens, je le crains. Les patients encore moins.

* Dans le journalisme, on appelle marronnier un article qui revient sur le même sujet à intervalles réguliers. Souvent pour combler une période creuse.