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Laurie Marrauld (Shift Project) : « La France pourrait développer un leadership sur la transition écologique du système de santé »

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Laurie Marrauld (Shift Project) : « La France pourrait développer un leadership sur la transition écologique du système de santé »

Publié le 31 août 2025
Par Annabelle Alix
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Pour Laurie Marrauld, la prise de conscience, la formation, l’expérimentation et l’adoption de mesures systémiques sont les clés de la transition écologique du système de santé. Et la France est sur la bonne voie.

Vous êtes issue des nouvelles technologies. Comment votre activité a-t-elle cheminé vers la transition écologie du système de santé ?

Mon sujet de prédilection initial était de comprendre comment les nouvelles technologies de l’information et de la communication transforment les organisations.

Ce qui les rend plus efficientes et quels sont leurs impacts réels, à tous les niveaux. À ce titre, et de fil en aiguille, j’ai approché les questions de l’e-santé, de la télémédecine et de leur impact sur l’environnement.

Quelles ont été vos premières missions au sein du Shift Project ?

Nous avons entamé, en 2020, un an après mon arrivée, un plan de transformation de l’économie française financé par une campagne de crowdfunding. Entre 2020 et 2022, j’ai rejoint et cofondé des entités visant la transition écologique des secteurs de la santé, du médicosocial et de la fonction publique.

La première chose à faire était de se fédérer, pour échanger et réfléchir ensemble. La seconde a été de former les dirigeants.

En quoi la formation des dirigeants est-elle un préalable nécessaire à la transition écologique du secteur de la santé ?

Lorsqu’un responsable environnement est désigné parmi le personnel, il existe un risque qu’il se retrouve isolé, à porter seul cette mission, sans que l’ensemble de la structure ne s’implique réellement, ce qui limite fortement l’efficacité de la démarche.

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Pour assurer la transition, il faut former des professionnels qui ont un minimum de pouvoir de décision, comme le directeur des achats d’un hôpital, par exemple.

Et cet acheteur, sans être ingénieur en bâtiment ou médecin, doit pouvoir appréhender les enjeux auxquels les autres professionnels sont confrontés pour pouvoir impulser, puis accompagner le changement auprès d’eux, tout en veillant à la cohérence globale du projet.

Pour ce faire, une formation est nécessaire. Cet engagement pourrait même devenir un critère de qualité des soins.

Les critères liés à la réduction des gaz à effet de serre, à la transition écologique ou aux soins écoresponsables, déjà évalués lors de la certification qualité obligatoire des établissements de santé tous les quatre ans, sont-ils réellement suffisants pour répondre aux enjeux actuels ?

Par rapport aux objectifs nationaux de décarbonation, ces critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sont loin du compte. Il y a peu d’objectifs chiffrés, de calendrier imposé, etc. Il est nécessaire d’aller plus dans le détail.

Quelles formations avez-vous mises sur pied pour engager les dirigeants ?

À l’EHESP, nous avons intégré deux jours consacrés au pilotage environnemental, à la formation initiale des élèves directeurs, et nous avons mis sur pied un programme de formation continue, sur six jours, nommé ChanCES (changement climatique, transition et santé). Ce dernier s’adresse aux directeurs, aux cadres, au personnel et aux chargés de mission santé ou environnement travaillant dans des collectivités publiques, des bureaux d’études ou en établissement.

Nous nous apprêtons aussi à former, notamment sur demande du ministère de la Santé et en collaboration avec l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médicosociaux, des managers hospitaliers, des directeurs de soins et des formateurs.

En une centaine d’heures, ces professionnels apprendront à élaborer un plan de transition écologique, en lien avec les acteurs locaux de leur territoire.

Lors de la COP26, en 2021, 52 pays se sont engagés à prendre des mesures concrètes pour « instaurer des systèmes de santé résilients face aux changements climatiques et à faible émission de carbone ». La France n’a pas fait partie des signataires. Notre pays est-il en retard ?

Ces mesures étaient très axées « pays en voie de développement ». Après la crise du Covid-19, la France a davantage pris la mesure de sa nécessaire implication. En 2022, le Sénat a publié un rapport, « Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXIe siècle », puis le gouvernement a édité une feuille de route de planification écologique du système de santé en 2023.

Cette année-là, la France a finalement signé les engagements de la COP26. Les changements ministériels successifs qui ont suivi ont mis ces projets en suspens, mais je suis convaincue que la France pourrait avoir un certain leadership sur la question.

Plusieurs pays ont pris des mesures à fort impact – sur l’utilisation des gaz anesthésiants [très polluants, ndlr], sur la consommation énergétique des bâtiments, etc.  –, mais aujourd’hui, ils stagnent, car pour qu’elles puissent être menées à terme, le changement doit être structurel.

En France, nous avons pris un peu d’avance, en engageant une réflexion systémique sur la décarbonation des médicaments et des dispositifs médicaux qui engendrent 40 à 50 % des 45 à 49 millions de tonnes de CO2 émises par notre système de soins chaque année.

Les 50 à 60 % restants sont imputables à l’offre de soins, à laquelle participent les pharmacies d’officine. Quel regard portez-vous sur la dispensation à l’unité expérimentée par deux pharmaciens, hors du cadre légal, et qui ont écopé d’une interdiction d’exercer de six mois, dont quatre avec sursis ?

Réguler un périmètre comme celui de la pharmacie ne se fera pas du jour au lendemain. Mais ce type d’initiatives peut aider à la transition, du moment qu’elle priorise la sécurité des patients. Ce qui est intéressant, c’est d’essayer quelque chose. Les Américains passent leur temps à cela : être dans une recherche de solutions, expérimenter, s’y mettre à plusieurs. 

Bio express

2019
- Cheffe de projet santé au Shift Project 

2021
- Cofondation du Collectif d’action face à l’urgence en santé et environnement (Cause)

2020
- Membre de l’association Une fonction publique pour la transition écologique

2022
- Conseillère scientifique au Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie et titulaire de la chaire Respect (« RÉsilience en santé, prévention, environnement, climat et transition ») à l’École des hautes études en santé publique (EHESP)