Médicaments à ASMR faible : la Cnam pousse pour des baisses de prix massives

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Médicaments à ASMR faible : la Cnam pousse pour des baisses de prix massives

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Publié le 25 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Face à la croissance rapide des dépenses, l’Assurance maladie veut conditionner le remboursement des médicaments à ASMR IV et V à des baisses tarifaires substantielles. Objectif : réaligner le prix sur le service médical rendu.

La hiérarchie des prix doit refléter la hiérarchie du progrès thérapeutique. C’est l’un des principes directeurs défendus dans le projet du rapport « Charges et Produits 2026″ de la Cnam, publié le 24 juin. Dans un contexte de tension budgétaire croissante, l’Assurance maladie cible en particulier les médicaments à amélioration du service médical rendu (ASMR) jugée mineure (niveau IV) ou inexistante (niveau V), dont le coût moyen par patient a fortement augmenté ces dernières années, sans bénéfice démontré à la hauteur de l’effort financier.

Des dépenses en forte hausse malgré un bénéfice clinique faible

Entre 2017 et 2024, le coût de traitement par patient des médicaments à ASMR IV est passé de 466 € à 725 €, soit une hausse de 55,5 %. La dépense moyenne pour les ASMR V, plus modérée, est repassée à son niveau de 2017 (161 €), après avoir connu une période de stabilité autour de 150 €. Ces chiffres traduisent, selon la Cnam, une dynamique inflationniste préoccupante pour des produits à bénéfice clinique limité.

En comparaison, les médicaments bénéficiant d’une ASMR I à III – donc associés à une amélioration majeure, importante ou modérée – représentent un coût par patient de 1 207 € en 2024. Hors vaccins, ce coût grimpe même à 3 801 €, soit une hausse de 67 % par rapport à 2017. Cependant, ces produits couvrent souvent des niches thérapeutiques à forte valeur ajoutée, ce qui justifie en partie leur prix élevé.

Des remises en trompe-l’œil

Cette flambée des dépenses pour les ASMR IV intervient paradoxalement en parallèle d’une augmentation importante des remises accordées par les laboratoires. Pour la Cnam, ces rabais ne suffisent plus à contenir la dérive et justifient une révision des politiques de prix.

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La proposition est claire : appliquer des baisses tarifaires d’au moins 20 % sur les ASMR IV d’ici 2030 et rétablir pour les ASMR V un niveau de dépense comparable à celui de 2019. La condition : que les prix nets soient désormais alignés sur les prix faciaux et inférieurs au prix du comparateur le moins cher, en particulier pour les produits encore protégés par un brevet.

Cancer : un modèle économique à bout de souffle

L’Assurance maladie actualise aussi son étude de 2017 sur les médicaments en oncologie. Résultat : le coût moyen par année de vie gagnée a explosé, atteignant 332 511 € en 2022-2023, contre 144 520 € en 2016-2017. Cette inflation n’est pas corrélée au niveau de preuve clinique : 50 % des anticancéreux remboursés ne démontrent ni bénéfice en termes de survie globale ou de survie sans progression.

« Cette dérive tarifaire interroge la soutenabilité du modèle de remboursement de l’innovation », alerte la Cnam, qui demande une révision drastique de la politique de prix des anticancéreux. Elle suggère de conditionner le remboursement à la réalisation préalable d’un test compagnon, pour ne cibler que les patients réellement répondeurs.

Des arbitrages budgétaires de plus en plus politiques

En 2024, les dépenses pour les médicaments à ASMR I à III ont atteint 10,7 milliards d’euros (+ 33,8 % en un an), contre 5,4 milliards pour les ASMR IV (+ 22,7 % en trois ans) et 6,1 milliards pour les ASMR V (+ 15,1 %). La progression la plus rapide est donc celle des médicaments à ASMR faible, dont le volume de prescription s’est accru sans que leur utilité médicale ne le justifie pleinement.

En vue d’un effort global d’économies de 3,9 milliards d’euros, ces produits à ASMR faible sont devenus la première variable d’ajustement de la Cnam. Son message est sans ambiguïté : le remboursement ne doit plus être automatique, mais proportionné à la démonstration d’un bénéfice tangible pour le patient.

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