Remises génériques : les pharmacies au bord du gouffre ?

© Christopher Salgadinho

Remises génériques : les pharmacies au bord du gouffre ?

Publié le 25 juin 2025 | modifié le 4 juillet 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt

Les Assises du maillage pharmaceutique ont été l’occasion d’avancer des solutions concrètes aux problèmes actuels des pharmacies et de réfléchir à leur mise en œuvre. Le premier débat visait à répondre à une question d’ampleur : faut-il inventer un modèle économique sur mesure pour sauver le maillage ? La baisse des remises sur les médicaments génériques a largement occupé les discussions.

Autour de la table, tous le savent : l’heure est grave. Qu’il s’agisse de Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Emmanuel Frère-Lecoutre, directeur de l’offre de soin à la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), Hervé Jouves, président d’Hygie31, Benoît Le Gavrian, président du directoire de Giphar et Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), tous venus pour évoquer un nouveau contrat économique qui pourrait assurer la viabilité du modèle officinal. « La proposition du gouvernement de baisser les remises sur les médicaments génériques de 40 % à 20 % était pour le moins inattendue. Elle a été perçue comme une annonce brutale qui vient fragiliser l’équilibre économique du réseau officinal, déjà mis à mal par la désertification médicale, le manque d’attractivité de la profession et la pression économique croissante. Quel avenir envisager dans ces conditions ? », questionne Laurent Lefort, directeur des rédactions du Moniteur des pharmacies. Pour Philippe Besset, « cette baisse s’apparente à une attaque programmée contre l’économie des officines. L’impact est estimé à près de 500 millions d’euros pour le réseau officinal. Cette mesure ne sera pas supportable d’autant plus qu’aucune compensation concrète n’est proposée par l’Assurance maladie, malgré l’urgence. » Un constat partagé par Pierre-Olivier Variot qui prévient : « Au bout de la chaîne, ce sont les patients qui vont devoir supporter cette décision et les conséquences nombreuses qu’elle va engendrer. »

Ehpad et nouvelles missions sacrifiés ?

Cette coupe sèche entraînera en effet une dégradation des services en officine : « Les remises sont l’un des poumons économiques de l’officine. Inévitablement, il y aura des fermetures des pharmacies les plus petites, les plus fragiles, les plus isolées. Pour les autres, la question de poursuivre ou non l’implication dans les nouvelles missions va se poser puisqu’elles devront adapter leurs coûts pour faire face à cette baisse de revenus », souligne Benoît Le Gavrian. « C’est une décision qui va tuer de nombreuses initiatives », confirme Hervé Jouves. Dans la salle, Christophe Le Gall, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) demande la parole : « Effectivement les nouvelles missions vont être impactées, mais avant toute chose je pense que les premières victimes de cette décision seront les Ehpad. La préparation des doses à administrer ne sera en effet plus tenable. Nous allons vers de graves problèmes », alerte-t-il.

Alors que faire face à cette situation ? Emmanuel Frère-Lecoutre insiste sur le fait que « l’Assurance maladie est très attentive à l’équilibre de l’économie officinale ». Il se veut même rassurant : « La baisse des remises n’est pour l’heure qu’une proposition. Il faut se laisser le temps de la concertation. » Mais l’ensemble des représentants présents savent que « c’est maintenant qu’il faut réagir. Ce n’est pas quand on va faire face à de multiples fermetures que nous allons commencer à réfléchir à des solutions ! », proteste Pierre-Olivier Variot.

Réforme de fond

Plusieurs propositions ont été envisagées lors de cette table ronde, avec pour commencer la hausse de 80 centimes de l’honoraire de dispensation « qui reviendrait à compenser la perte de 500 millions d’euros pour le réseau », explique Philippe Besset. Autre proposition : décorréler la rémunération des pharmaciens des volumes de ventes, en mettant l’accent sur un honoraire qui valoriserait l’acte pharmaceutique. « C’est toutefois une réforme d’ampleur qui prendra trop de temps. Nous ne pouvons pas attendre les prochaines discussions conventionnelles », souligne Pierre-Olivier Variot.

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La question des biosimilaires a elle aussi été abordée. Pourront-ils compenser la baisse des revenus sur les médicaments génériques ? « Leur montée en puissance est lente avec un taux de substitution de 34 % en ville, contre 98 % à l’hôpital. Il est impératif de comprendre pourquoi il y a une telle différence. S’ajoute la nécessité de mettre en place le tiers payant contre biosimilaires, cela aidera considérablement à augmenter le marché, même s’il est évident que leur retentissement sur notre économie sera bien moindre que celui des génériques », ajoute Philippe Besset.

En somme, la réflexion est ouverte. Un accord économique réaliste est nécessaire, qui devra passer par une adaptation progressive, un soutien financier suffisant et la reconnaissance du rôle des pharmaciens en tant qu’acteurs de service public. Mais sans volonté politique forte pour préserver le maillage officinal, le pilier de soin de proximité qu’est la pharmacie risque de s’effondrer. La mobilisation prévue le 1er juillet n’est qu’un début. En ville, comme à la campagne, les pharmacies semblent prêtes à se battre.