Violences contre les soignants : le Sénat muscle la riposte pénale

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Violences contre les soignants : le Sénat muscle la riposte pénale

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Publié le 5 mai 2025 | modifié le 13 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Officines, hôpitaux, Ehpad, laboratoires : le texte validé en commission alourdit les sanctions pénales et renforce la capacité des employeurs et des ordres à porter plainte.

La commission des lois du Sénat a approuvé, mercredi 1er mai, l’essentiel de la proposition de loi « visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé ». En procédure accélérée, le texte sera examiné en séance publique à partir du 6 mai. Il entend durcir la répression des violences envers les soignants mais aussi à l’égard de toute personne exerçant dans une structure de soins, médico-sociale ou sociale.

Adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 14 mars 2024, cette proposition de loi, portée par l’ancien député Philippe Pradal (Horizons, Alpes-Maritimes), s’inscrit dans le plan de lutte contre les violences faites aux soignants annoncé par le gouvernement en septembre 2023.

Des peines aggravées en cas de violence

L’article 1 du texte, validé par les sénateurs, introduit dans le code pénal des peines aggravées lorsque les violences visent un professionnel de santé ou un membre du personnel d’une structure de soins, y compris lorsque celui-ci n’est pas directement salarié de l’établissement mais y exerce son activité. Le champ est donc étendu aux prestataires, libéraux et intérimaires.

Le texte inclut également des circonstances aggravantes en cas de vol de matériel médical ou paramédical, ou de vol commis dans un établissement de santé.

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En revanche, la commission a rejeté l’extension du délit d’outrage à tous les professionnels de santé, jugeant la mesure inadaptée. Elle lui a préféré une nouvelle infraction spécifique d’injure, fondée sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Toute injure envers un professionnel de santé ou un membre du personnel exerçant en établissement de santé, centre de santé, officine, maison de santé, laboratoire de biologie médicale ou structure médico-sociale sera punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le délai de prescription est fixé à un an.

Officiellement habilités à porter plainte

Autre apport majeur : l’article 3, réécrit par la commission, permet à l’employeur de déposer plainte dès lors qu’il dispose du consentement écrit de la victime. Il pourra également se constituer partie civile. Une exception est toutefois introduite : cette possibilité est exclue lorsque les violences sont commises entre collègues.

Pour les professionnels libéraux, les ordres professionnels sont désormais expressément habilités à porter plainte en leur nom. Sont concernés les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes et pédicures-podologues. La rapporteure, Anne-Sophie Patru (Union centriste, Ille-et-Vilaine), précise que « les conseils départementaux des ordres des infirmiers et des kinésithérapeutes voient leurs compétences alignées sur celles des autres professions réglementées », leur permettant notamment de se constituer partie civile en cas d’atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Nettoyage des doublons législatifs

Plusieurs articles additionnels ont été supprimés par souci de cohérence avec le droit existant. Ainsi, la possibilité pour un professionnel de santé de déclarer comme domicile l’adresse de son ordre professionnel lors d’un dépôt de plainte a été écartée : les articles 10-2 et 89 du code de procédure pénale permettent déjà cette option, y compris pour les agents en mission de service public.

De même, la commission a jugé redondante l’obligation de présenter un bilan annuel des actes de violence en établissement : cette mission est, selon elle, déjà remplie via le rapport social unique présenté aux instances internes. Elle appelle toutefois les structures à une déclaration plus systématique des violences sur la plateforme de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS).

Enfin, la demande d’un rapport parlementaire sur les besoins spécifiques de protection des professionnels intervenant dans les services d’urgence a également été écartée. « La situation est suffisamment documentée », estime la rapporteure, qui plaide pour des mesures opérationnelles plutôt que pour un énième diagnostic.

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