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Un espace santé chez Leclerc ? C’est non !
Alors que le gouvernement abaisse les remises sur les génériques, une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) soutient l’ouverture d’un espace santé dans une parapharmacie Leclerc du Val-d’Oise. Un projet que la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dénoncent comme le symptôme d’une dérive marchande de la santé.
L’affaire a été révélée le 29 juillet. Dans la parapharmacie Leclerc de Moisselle dans le Val-d’Oise, une expérimentation d’accompagnement santé de type « Mon espace santé » est en cours, avec l’aval d’une CPAM locale. Il s’agit, selon le plan de la CPAM, de présenter aux assurés l’intérêt de Mon espace sante.
« Une CPAM qui valide un accompagnement santé dans une grande surface, c’est ça la nouvelle ligne stratégique ? » interroge Philippe Besset, le président de la FSPF. La réponse est tranchée : « C’est non. »
La Fédération réclame l’arrêt immédiat de l’expérimentation. « J’ai immédiatement alerté le directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam). Soit cette opération est annulée, soit nous appelons à une manifestation sur place, samedi 2 août à 14 heures », prévient Philippe Besset. Pour lui, cette initiative constitue une rupture : « Si une CPAM peut aujourd’hui légitimer un espace santé dans une parapharmacie, c’est que les digues ont sauté. »
Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, partage cette ligne. Il évoque une provocation délibérée et annonce une riposte symbolique. « C’est une aberration. Installer un point santé dans un Leclerc, avec la bénédiction d’une CPAM, c’est valider un modèle low cost de la santé. Nous irons déposer nos déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) devant la CPAM. » Le président de l’USPO insiste sur la gravité de ce signal : « Ce n’est pas seulement une expérimentation locale, c’est une provocation. »
Leclerc, révélateur d’un basculement
Ce projet suscite d’autant plus de tensions qu’il intervient à la veille de la publication au Journal officiel de l’arrêté abaissant les remises commerciales sur les médicaments. À compter du 1er août, le plafond des remises sur les génériques passe de 40 à 30 %, celui sur les biosimilaires est fixé à 15 %. Un taux unique de 20 % est prévu pour 2027.
Pour la FSPF, ce cumul de mesures relève d’une stratégie cohérente de déstabilisation de l’économie officinale. « Ce n’est pas un incident local, c’est une vision du monde », affirme Philippe Besset. « Une vision où la santé devient une prestation comme une autre, vendue dans une allée centrale. »
Une remise en cause du modèle conventionnel
Philippe Besset lie explicitement cette expérimentation à la suspension des négociations conventionnelles, au doublement de la franchise et à la baisse des marges. « Ce n’est pas un hasard si tout cela se produit en même temps. Tout converge vers une attaque en règle contre le modèle officinal. » Il évoque une rupture de confiance entre l’État et les syndicats : « C’est une trahison du cadre conventionnel signé avec la Cnam. L’État redirige les marges vers l’industrie. »
« La santé n’est pas une marchandise »
Pour la FSPF comme pour l’USPO, cette affaire pourrait cristalliser la colère de la profession. En complément des actions engagées (grève des gardes, grève du tiers payant lors des réquisitions, journée nationale de mobilisation le 18 septembre), un rassemblement devant la parapharmacie du Val-d’Oise pourrait marquer un tournant.
« On ne laissera pas passer ça », prévient Philippe Besset. « Il faut envoyer un message politique très clair : la santé n’est pas à vendre, et le service officinal n’est pas délocalisable entre deux rayons de cosmétiques. »
Le risque d’un précédent national
Les syndicats redoutent désormais une généralisation. « Si on laisse faire dans le Val-d’Oise, demain ce sera partout », alerte Philippe Besset. Il pointe un affaiblissement du monopole officinal, avec la complicité silencieuse de l’Assurance maladie.
« Ce n’est plus seulement une affaire de remises. C’est la régulation pharmaceutique elle-même qui est attaquée. Si l’Assurance maladie cautionne ce type de dispositif en grande distribution, alors ce sont les fondements même de notre système de santé qui vacillent. »
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