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Tour de France des pharmacies en difficulté
Le nombre d’officines en procédure collective a augmenté mais moins que ce que l’on pouvait craindre, compte tenu du nouveau recul de l’activité et de l’absence d’effets amortisseurs de la chute en 2014. Les génériques ont certainement encore une fois sauvé des officines. Pour combien de temps ? Là est la question.
Les difficultés économiques des officines se sont objectivement accrues l’an dernier. C’est ce qui ressort du dernier baromètre publié par la société de financement des professions libérales Interfimo sur le taux de sinistralité dans la profession, au travers du suivi du nombre des entrées d’officines en procédure collective. Pour le premier semestre 2014, ce nombre s’affiche clairement à la hausse par rapport à la même période de 2013. A fin juin, elle relève 16 procédures de sauvegarde (contre 10 un an plus tôt), les redressements judiciaires sont stables à 37 et les liquidations judiciaires font un bond important de 30 %, en passant de 26 à 34. Au total, le nombre de nouvelles procédures collectives grimpe de 19 % (87contre 73 sur la période considérée).
« De plus en plus de pharmacies passent directement en liquidation judiciaire sans passer par les phases intermédiaires des procédures collectives. En revanche, les pharmaciens et leurs conseils deviennent de plus en plus opérationnels sur la procédure de sauvegarde, d’où son augmentation », analyse Luc Fialletout. Le directeur général adjoint d’Interfimo tend à relativiser les difficultés de la profession en comparaison d’autres secteurs économiques qui enregistrent des taux de sinistres beaucoup plus élevés.
Cependant, on peut être frappé par la célérité de certaines disparitions. Par exemple, pour la Pharmacie du Pâty à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), le traitement a été expéditif. Elle a été mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Chartres le 10 avril 2014 puis placée en liquidation judiciaire le 5 juin dernier.
Cette aggravation des difficultés ne surprend pas Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Les mesures conventionnelles compensatoires qui avaient été négociées en 2012 ont pris fin au 30 juin 2013 et, depuis cette date jusqu’à la mise en place de la nouvelle rémunération, il n’y a plus d’effets amortisseurs des baisses de prix », explique-t-il. Philippe Besset espère maintenant un bilan un peu moins désastreux sur le second semestre 2014. « Le nouveau plafond des remises sur les génériques à 40 % depuis septembre a eu l’effet, au moins pour les petites officines, d’une bouffée d’oxygène pour la trésorerie, mais, pour l’instant, ce n’est qu’une impression ! ».
Luc Fialletout ne s’alarme pas outre mesure car il ne dénombre pas dans ses clients une recrudescence des contentieux sur les financements de pharmacies : « Il peut y avoir un effet retard dans la remontée de dossiers de pharmacies en difficulté car la banque n’est sollicitée qu’en dernier recours, une fois que les possibilités de crédits de restructuration du bas de bilan sont épuisées. » Henri-François Roland, responsable de développement commercial pour la direction régionale Nord de la BNP, ne relève pas, à son niveau, un nombre plus important en 2014 de dépôts de bilan ou de demandes de rééchelonnement des prêts d’acquisition des fonds. En revanche, l’attentisme des banques va être accru en 2015 face à la grande inconnue de l’impact de la nouvelle rémunération sur l’économie de l’officine.
Mais un coup d’accélérateur des difficultés pourrait s’observer car les répartiteurs, eux-mêmes en position délicate, ne pourront pas éternellement soutenir les officines en souffrance. « Les facilités de paiement habituellement consenties par ces partenaires sont plus difficiles à obtenir », constate Lionel Canesi, expert-comptable du cabinet C2C Pharma (réseau CGP). Les incidents de règlement de leurs clients devenant plus fréquents, ils serrent logiquement la vis. « Nous enregistrons une poussée des impayés de l’ordre de 4 à 7 % et cette tendance s’est confirmée sur le second semestre 2014 », indique Joffrey Blondel, directeur gestion officinale d’Astéra. Sur les dossiers les plus critiques, une aide ponctuelle du grossiste ne résoudra rien. « Elle ne fait que différer la mise en œuvre des bonnes solutions, nos services financiers étudient avec l’expert-comptable du pharmacien les possibilités de refinancement de l’emprunt à long terme auprès des banques », précise-t-il.
Les conseillers financiers de la CERP Rouen ont identifié cinq grandes causes de difficultés financières des officines : le départ d’un prescripteur et son non-remplacement, des frais de personnel non ajustés par rapport à la baisse du CA, l’arrivée d’un nouveau titulaire plus dynamique lors de la reprise d’une officine concurrente, des prélèvements personnels non conformes au budget prévisionnel établi, un plan de financement de départ déséquilibré. « Les difficultés peuvent également coïncider avec la révision du bail et une revalorisation importante du loyer de la pharmacie », ajoute Joffrey Blondel. Si les officines rurales en difficulté rencontrent de gros écueils de désertification médicale, l’hyperconcentration urbaine ajoutée à la conjoncture étouffe les petites pharmacies.
Dans les zones à risque comme les centres-villes qui ont vu leur cœur d’activité se déplacer en périphérie urbaine, les regroupements et rachats de clientèle – qui s’apparentent à des solutions du moindre mal – prolifèrent, évitant ainsi à certaines fermetures d’être répertoriées au registre des liquidations judiciaires. « Dans le Val-d’Oise, dans l’agglomération de Cergy-Pontoise, à Vauréal, une pharmacie en a avalé deux autres et, à Méry-sur-Oise, deux se sont également regroupées, indique Alain Breckler, membre du bureau du conseil central A de l’Ordre, installé à Herblay. C’est une procédure de sauvegarde comme une autre ! »
En région Centre, Marcelline Grillon, présidente du conseil régional de l’Ordre, qui a connu une situation stable au niveau des procédures judiciaires en cours, rapporte aussi quelques rachats de clientèle entraînant des restitutions de licences. « Les difficultés sont moindres que ce que l’on pouvait s’imaginer. »
Les Marseillais ont encore fait mentir les cassandres
Dans la cité phocéenne, la situation semble aussi se stabiliser. Dans sa clientèle marseillaise, Lionel Canesi ne déplore aucun nouveau dépôt de bilan. « Il n’y a pas d’aggravation des difficultés car les dispositions de réétalement des crédits pour maintenir à flot les pharmacies surendettées ont déjà été prises. Par ailleurs, les prix de cession ont bien chuté et sont en adéquation avec l’EBE, ce qui permet aux nouveaux installés de retrouver des marges de manœuvre financière par rapport à leur endettement », observe-t-il. Sur les 8pharmacies placées en procédure de sauvegarde, une seule a mal tourné et s’est vendue aux enchères à la barre du tribunal. « Les autres sont sorties de la procédure de sauvegarde au bout d’un an et demi à deux ans et sont maintenant en phase d’apurement de leurs dettes sur dix ans. » Selon Lionel Canesi, la santé économique des officines n’a pas empiré en 2014 car leur rentabilité s’est maintenue grâce aux remises génériques. Pour 2015, « il est difficile d’avoir une lecture des effets de la nouvelle rémunération. Par ailleurs, faut-il craindre une baisse des remises sur le générique qui, jusqu’ici, a permis au réseau officinal de se maintenir ? Je ne sais pas si ceux qui prévoyaient le pire auront raison, mais si on détruit le moral des pharmaciens, ça arrivera sûrement ! ».
Généralement, les pharmacies les plus en danger sont celles qui ont un endettement très fort et qui n’ont pas de croissance de chiffre d’affaires. C’est le cas des nombreuses pharmacies de gros centres-villes dont la population décroît et qui perdent « doucement » de la rentabilité. Mais les pharmacies des grandes métropoles, situées dans des quartiers en rénovation, sont en proie à d’autres risques, indépendants des plans de rigueur des gouvernements successifs. Ainsi, à Marseille, les travaux de voirie et la construction du tramway, responsables d’une baisse drastique de la fréquentation de la clientèle, ont précipité brutalement deux pharmacies du centre-ville dans le rouge. « La première, une pharmacie de 4 M€ de chiffre d’affaires, a perdu 800 000 euros en deux mois, raconte Lionel Canesi. Son titulaire a injecté à partir de ses deniers personnels 150 000 € dans la trésorerie, qu’il a ensuite récupérés grâce à l’indemnité pour préjudice commercial qu’il a touchée de la mairie. Pour le titulaire de la seconde pharmacie, moins fortuné, un plan de sauvegarde a dû être mis en œuvre et il a pu en sortir rapidement au bout de deux mois. » Cet expert-comptable est néanmoins très surpris par l’attitude de repli des banques face aux difficultés sporadiques de certaines officines. « Les autorisations de découvert bancaire ne sont valables qu’un an, il est paradoxal de constater que les banques vous accordent une ligne de découvert quand l’entreprise va bien et n’en a pas vraiment besoin, et vous refusent ce crédit à court terme quand elle commence à entrer dans les difficultés. »
A Paris on assiste à certaines attitudes déviantes et suicidaires
Avec Provence-Alpes-Côte d’Azur, la capitale a la triste réputation de concentrer un nombre important de procédures collectives. Si, sur le plan national, elles ont augmenté sur les six premiers mois de l’année 2014, Andrée Ivaldi, présidente du syndicat des pharmaciens de Paris (FSPF), n’a pas le sentiment que la situation parisienne a empiré sur ce plan. Pourtant, les difficultés de ses confrères à faire face à leurs dettes courantes sont bien réelles. « Un bon tiers des titulaires sont en proie dans l’année à un découvert auprès de leurs grossistes », livre-t-elle.
Mais Paris a l’avantage d’avoir une population de résidents stationnaire et parallèlement une contraction plus importante qu’ailleurs du réseau officinal. « Au 1er janvier 2014, on dénombrait 988 officines pour environ 2,249 millions d’habitants, il ne doit plus en rester au 1er janvier 2015 que 940 environ, soit un ratio presque redevenu à la normale de près de 2 400 habitants par pharmacie », estime Andrée Ivaldi. Si cette remontée des quotas se poursuit au même rythme, la situation devrait avec le temps devenir moins étouffante pour la capitale.
Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas forcément dans les arrondissements les plus déshérités que les pharmacies sont le plus fragilisées. « Les quartiers sociaux restent porteurs sur le chiffre d’affaires réalisé sur la vente de médicaments. A contrario, une pharmacie du VIIIe arrondissement d’un peu plus de 1 million d’euros a été mise en liquidation judiciaire au début de l’année 2015, signale Andrée Ivaldi. Elle a succombé sous le poids des charges et de salaires trop importants. Avec le déplafonnement du loyer, ça ne passait plus financièrement ».
Les pharmaciens en situation délicate se montrent peu bavards et parviennent à masquer leurs difficultés en cédant leur affaire à un repreneur. Par ailleurs, la fermeture n’est pas systématiquement la conséquence de résultats qui partent en vrille. « Les pharmacies parisiennes bien placées sur des artères très passantes revendent leur pas-de-porte à des commerces de luxe, ainsi rue Cambon dans le Ier arrondissement, un pharmacien a vendu son emplacement à la marque Chanel », ajoute Andrée Ivaldi.
Martial Fraysse, président du conseil de l’Ordre régional d’Ile-de-France, annonce une vingtaine de redressements judiciaires sur l’année 2014, avec une répartition homogène dans ses différents départements, excepté Paris en raison de la concurrence effrénée. Mais c’est surtout le nombre de fermetures (37 à fin septembre, une cinquantaine à fin décembre) qui dénote d’une aggravation de l’état de santé des officines franciliennes. « Il y a en proportion plus de fermetures sans possibilité de revendre le fonds ou la clientèle. » Selon Martial Fraysse, on est maintenant sur le plan national à plus d’une pharmacie qui ferme tous les trois jours, principalement à cause du surendettement. Mais le plus préoccupant pour cet ordinal, ce sont les situations désespérées dans lesquelles se retrouvent certains titulaires et qui les poussent à certaines conduites déviantes et suicidaires. « Certains sont prêts à faire n’importe quoi pour améliorer leurs comptes, j’ai eu cinq affaires d’escroquerie concernant des pharmaciens en difficulté qui ont surfacturé à l’assurance maladie, et pour l’un d’eux, l’administrateur judiciaire ne s’était pas aperçu que sa marge avait doublé en quelques mois ! » En 2013, il déplorait quatre suicides de pharmaciens en Ile-de-France, il y en aurait au moins deux en 2014. « En Ile-de-France, la proportion de suicides y est de 1 ‰ contre 0,16 ‰ par habitant. »
En Bretagne le regroupement est parfois la meilleure porte de sortie
Les tempêtes agitent souvent la Bretagne, et les pharmacies ne sont pas épargnées. Pour 2014, Jacques Uguen, président de l’Ordre régional des pharmaciens, estime à près d’une quinzaine le nombre de pharmacies en redressement judiciaire sur les 1 127 que compte la Bretagne. Un ratio qui ne bouge pas malgré les coupes budgétaires incessantes sur les prix des médicaments, malgré le trop grand nombre de pharmacies dans les grandes villes du littoral comme à l’intérieur des terres, et la désertification médicale qui précipite la désertification pharmaceutique.
« Dans la commune de Pléhédel (1 300 habitants), le dernier médecin parti en retraite n’a pas été remplacé », s’inquiète Jean-Pierre Gallais, coprésident du syndicat des pharmaciens des Côtes-d’Armor. Mais il n’y a pas qu’à la campagne que les médecins quittent leur poste. « Plusieurs ont quitté Saint-Brieuc sans être remplacés », signale Jacques Uguen. Deux officines du centre-ville et une autre aux abords de la ville sont en redressement judiciaire. A l’inverse, la Pharmacie de l’Etoile est tirée d’affaire. Début 2014, elle avait fermé sur décision du tribunal de commerce qui a prononcé sa liquidation. Puis a rouvert en attendant le résultat d’un recours en référé, suspendant la décision jusqu’au 21 janvier. « Elle a été finalement cédée à bas prix à un nouvel exploitant, le tribunal de commerce n’ayant pas retenu la proposition de rachat de sa clientèle par les pharmacies de Saint-Brieuc », précise Jean-Pierre Gallais. Quitte à maintenir cette officine – et les autres – dans une situation difficile. Pour ne pas connaître le même sort, deux pharmacies à Dinan ont fusionné.
Dans les villes qui n’attirent pas le tourisme, qui se dépeuplent et dont les habitants ont un pouvoir d’achat relativement faible, les pharmacies sont à l’agonie. « Une officine de Morlaix a déposé le bilan en début d’année. Sur Brest, une pharmacie est en liquidation et une autre en redressement », souffle Jacques Uguen. La population de cette ville portuaire flirtait dans la période faste avec les 160 000 habitants, elle en compte maintenant moins de 140 000. « La population s’est exilée vers la première couronne de la ville, légitimant ainsi des transferts. Les pharmacies du centre-ville de Brest, étant relativement anciennes et n’ayant plus d’emprunts à rembourser, ne se retrouvent pas en situation de défaut de paiement, mais les officines en question sont devenues invendables, ce qui conduit certains titulaires qui ne se résignent pas à fermer à différer leur départ à la retraite. » Selon lui, une douzaine de pharmacies sont aujourd’hui dans l’impasse. Le regroupement apparaît comme la meilleure porte de sortie mais elle n’est pas systématiquement ouverte à tous. « L’agence régionale de santé a refusé une licence de regroupement de trois pharmacies à Erquy », indique Jacques Uguen.
En Lorraine, l’enseigne n’est pas toujours un rempart contre les difficultés
A l’Est, si l’Alsace est relativement bien épargnée par les faillites, le bilan est beaucoup plus sombre en Lorraine qui est moins touristique et qui se dépeuple, y compris en Moselle qui bénéficie pourtant d’un quorum plus protecteur que les trois autres départements lorrains. « Nous avons eu 5 nouvelles procédures en 2014, 14 sont toujours en cours dont certaines sont ouvertes depuis 2009, dont 6 en Moselle, 4 dans les Vosges et autant en Meurthe-et-Moselle », égraine Monique Durand, présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine. 14 procédures en cours, soit autant qu’en Bretagne, mais rapportées à la totalité des officines de la Région (740), le ratio est beaucoup plus mauvais. « Je passe beaucoup plus de temps au tribunal de commerce de Nancy », avoue-t-elle, même si, pour certaines affaires, le couperet de la liquidation judiciaire tombe avec une extrême rapidité comme c’est le cas pour un pharmacien installé à Dombasle-sur-Meurthe seulement depuis un an : son fonds a été racheté par les trois autres pharmacies de la commune et sa licence restituée à l’agence régionale de santé. « Quelles que soient les fautes ou erreurs qui peuvent être imputées aux titulaires en faillite, ce sont des situations dramatiques humainement », rapporte Monique Durand, qui avoue être régulièrement attristée quand une pharmacie est dans la tourmente judiciaire, même si elle est affiliée à une enseigne qui se targue de performances économiques supérieures au marché. « J’ai plusieurs pharmacies groupées sous procédure collective. »
Lille : le centre-ville est pris entre plusieurs feux
Dans le centre de Lille, la situation est très tendue du fait de l’hyperconcentration des pharmacies. On dénombre en effet treize officines dans un rayon de moins de deux kilomètres. Dans la rue Solférino, l’une des plus passantes de la ville et haut lieu de la vie nocturne lilloise, parmi les cinq croix vertes qui se succèdent en quelques centaines de mètres, la Grande Pharmacie des Halles est ouverte 24 heures sur 24. « Le CHU de Lille lui adresse des clients, elle déstabilise l’organisation du service de garde et les sept autres officines environnantes », raconte Jérôme Cattiaux, président du syndicat des pharmaciens du Nord. De plus, en centre-ville, les étudiants, qui ont remplacé les sédentaires, ne sont pas les premiers consommateurs de médicaments et le panier de soins des officines s’en ressent. La situation est encore plus critique au moment des vacances car les quartiers se vident.
Dans le Vieux-Lille, rue Esquermoise où est implantée une importante Pharmacie Lafayette, le contexte d’exercice est tout aussi morose pour les autres officines à proximité. « Les pharmacies lilloises souffrent également du rayonnement commercial du site de vente en ligne de la Pharmacie du Bizet à Villeneuve-d’Ascq », ajoute Jérôme Cattiaux, qui s’inquiète surtout pour l’avenir des petites officines situées en plein cœur des grandes métropoles. « Il faut espérer que le nouveau plafond des remises génériques et la nouvelle rémunération leur apporteront un souffle nouveau. » Mais, pour lui, la meilleure solution pour qu’elles sauvent leur tête est de se regrouper intelligemment, sans attendre d’être étranglées pour passer à l’acte.
A Bordeaux les banques lâchent les petites
A Bordeaux, la construction du tramway fait des victimes dans les rangs des officinaux. Les petites pharmacies – les plus vulnérables – sont les premières touchées par le manque de soutien des banques, probablement en raison de leur taille. Ainsi, pour pouvoir rembourser la banque qui lui a supprimé une facilité de caisse, le titulaire d’une officine de 600 000 € a dû se résoudre à vendre son fonds. Un autre pharmacien, fragilisé cette fois par un transfert, ne doit son salut qu’à lui-même. En effet, c’est un prêt contracté à titre personnel et non au nom de son entreprise qui a permis de rembourser une partie de son découvert bancaire, après que la banque a décidé de le réduire de moitié, estimant que son client – en perdant du chiffre d’affaires – est devenu un risque trop élevé.
La procédure de sauvegarde protège les entreprises en difficulté en suspendant le paiement de dettes dès son ouverture. Elle concerne les pharmacies qui ne sont pas en cessation de paiement. Le but est de permettre une réorganisation et assurer la pérennité, l’emploi et le paiement des créanciers. Par l’intermédiaire du tribunal de commerce, la dette peut être étalée sur une durée de 2 à 9 ans.
Le redressement judiciaire concerne des officines en cessation de paiement. Il est maintenu tant qu’un redressement de l’activité est envisageable.
A défaut s’ouvre la liquidation judiciaire, sur décision du tribunal qui constate alors qu’il est impossible de redresser les comptes. Il désigne alors un mandataire de justice à la fonction de liquidateur judiciaire. La vente de la pharmacie est inéluctable pour payer les créanciers.
Les Antilles dans le rouge
Les officines de Martinique sont au bord de l’implosion. « Sur les 150 que compte l’île, une quarantaine sont sous le coup d’une procédure judiciaire et, rien qu’en décembre, il y a eu trois ventes à la barre du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France », déplore Charles Elgéa, président du syndicat des pharmaciens de ce département d’outre-mer (DOM). La situation n’est plus tenable en raison de contraintes propres à l’insularité. « Ici, les officines supportent des charges deux fois plus lourdes qu’en métropole, leur chiffre d’affaire baisse en moyenne de 2,9 %, le coût de la vie est 30 % plus élevé, les taux de crédit aussi, les découverts bancaires ne sont plus autorisés, le chômage sur l’île, de 30 %, est endémique, les pharmacies se revendent à perte… », détaille Charles Elgéa. Et de citer le cas d’un jeune diplômé qui a acheté deux ans plus tôt une pharmacie en liquidation judiciaire et qui se retrouve à son tour devant ce même tribunal. L’épidémie de pharmacies en redressement judiciaire n’est pas près d’être enrayée si des traitements de choc ne sont pas rapidement instaurés.
La première urgence, avec la mise en place des honoraires de dispensation, c’est de fixer les nouveaux coefficients de majoration applicables aux prix de vente des médicaments dans les DOM.
« Sans modèle de rattrapage, nous nous retrouvons sur certains produits avec des marges négatives, c’est-à-dire avec des prix de vente inférieurs aux prix d’achat. La négociation conventionnelle doit résoudre ce problème. Mais l’avenir des officines passe ici par une profonde restructuration du réseau. Des officines, il en faudrait 100 ! », estime Charles Elgéa, qui espère aussi que les regroupements permettront de mettre un terme à un certain nombre de dérives plus que limites de certains titulaires acculés (conservation des ordonnances pour les faire renouveler tous les mois, démarchage d’infirmières, contrats illicites, etc.).
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