Remises génériques : dans la rue, les pharmaciens dénoncent la réforme de trop

Remises génériques : dans la rue, les pharmaciens dénoncent la réforme de trop

Publié le 1 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Ce mardi 1er juillet, plus de 2 000 professionnels de santé ont manifesté à Paris contre le plafonnement des remises sur les génériques. Une mobilisation inédite, portée par un sentiment de rupture avec l’État et des pharmaciens en colère face à une réforme jugée destructrice pour leur survie économique.

Au sein du cortège, les pharmaciens sont venus de toute la France. Leur message est clair. Sur la banderole de tête : « Pharmaciens trahis ». En amont du départ, rue de l’Université, de nombreux élus et députés dont François Ruffin (LFI) et Charles de Courson (Liot), sont brièvement venus saluer les syndicats. Aucun discours, mais une reconnaissance implicite : la contestation est désormais visible, et elle s’installe.

« Cette mobilisation est un cri d’alarme professionnel. Et un acte de résistance économique », déclare un titulaire francilien. Sur sa blouse, un mot brodé en vert : trahis.

Le plafonnement des remises : fracture ouverte

L’élément déclencheur : l’annonce du plafonnement des remises commerciales sur les génériques à 20 %, contre 40 % jusqu’ici. En mai, un arrêté avait prolongé provisoirement la dérogation à 40 % jusqu’au 1er juillet. Depuis, aucune perspective claire. Pour les officinaux, cette bascule est une ligne rouge.

« Chez moi, c’est un poste de pharmacien que je vais devoir supprimer si rien ne change. On ne parle pas de confort, on parle de survie », dénonce un pharmacien de Seine-et-Marne.

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« Moi, je suis encore debout. Mais ce n’est pas pour moi que je manifeste. C’est pour ceux qu’on va rayer de la carte. Et avec eux, des pans entiers du territoire. »

Depuis dix ans, plus de 2 000 pharmacies ont fermé en France. En l’état, les projections syndicales tablent sur 1 000 fermetures dès la première année d’application de la réforme. Un effondrement inédit, aux conséquences territoriales massives.

« Pas de missions sans marge » : une équation économique ignorée

À 13 heures, le cortège s’ébranle en direction du ministère. « Pharmaciens trahis », « La Sécu m’a tuer » : les slogans témoignent d’une exaspération qui dépasse les clivages. Devant les grilles de la rue Duquesne, la colère est froide.

« On nous parle de virage clinique depuis des années. Nous avons répondu présents. Nous avons vacciné, dépisté, accompagné les patients. Et voilà ce que nous recevons : un plafonnement autoritaire, sans concertation, sans étude d’impact. C’est un mépris institutionnel », s’indigne une titulaire.

Ministère aux abonnés absents

À 14 heures, les représentants syndicaux, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine sont reçus au ministère par Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’accès aux soins et par sa directrice de cabinet. Il a été annoncé la signature, la veille, d’un arrêté provisoire repoussant le plafonnement à la fin de l’été. Pour autant aucune date officielle et aucun autre engagement n’ont été formulés. 

« Ce n’est pas une annonce. C’est du temps gagné », assène un pharmacien dans la foule.

En coulisses, les blocages se cristallisent entre Bercy et la rue de Ségur. Philippe Besset, président de la FSPF, formule la question qui taraude toute une profession : « Est-ce qu’ils veulent encore des pharmacies en France ? »

« Ce n’est pas une réforme, c’est un transfert »

René-Pierre Clément, vice-président de l’USPO, dénonce une logique de renoncement déguisée en réforme : « Cette mesure, c’est une gifle institutionnelle. On nous dit que les caisses sont vides. Mais ce plafonnement ne bénéficiera ni aux patients, ni à la collectivité. Ce sont les industriels qui en sortiront renforcés. »

Lorsque les syndicats alertent sur le risque d’effondrement du réseau officinal, la réponse tombe : « Les hôpitaux aussi vont souffrir. »
Un parallèle insupportable pour les manifestants. « Donc la doctrine, c’est : tout le monde coule, donc tout va bien ? », réagit une kiné.

Une fracture assumée, un été de confrontation

Depuis la crise sanitaire, les pharmacies font face à une accumulation de tensions : ruptures de médicaments, charges fixes en hausse, marges sur les remboursables laminées. Le plafonnement des remises génériques ajoute un choc de plus à une structure déjà fragilisée.

« Ce 1er juillet n’a rien d’un baroud d’honneur », insiste Philippe Besset. « Il n’y aura pas de pause estivale. Cette réforme, nous la ferons tomber. Et s’il faut que ça dure tout l’été, ça durera tout l’été. »

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