Plus que jamais nécessaire

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Publié le 11 décembre 2010
Par Francois Pouzaud
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Année après année, les pharmaciens relèvent massivement le défi du contrat générique. Le but s’avère toujours aussi difficile à atteindre, du fait du rebasage de l’objectif sur le Répertoire arrêté fin juin 2009. Ce qui fait reculer de plusieurs points les performances enregistrées. Quant aux « NS », ils font de plus en plus souvent leur apparition sur les ordonnances.

Si les pharmaciens parviennent à l’objectif de substitution de 80 % (taux basé sur le Répertoire du 30 juin 2009) à la fin de l’année, on pourra leur rendre un hommage appuyé ! Avec l’épidémie de mentions « non substituable » sur les ordonnances, cela relèverait tout simplement de l’exploit. C’est de loin ce qui freine le plus la substitution du pharmacien aujourd’hui. Du moins selon le syndicat USPO, dont les résultats de l’enquête menée en août dernier attestent du retour en force de l’opposition des médecins : 85 % des pharmaciens ayant répondu au questionnaire de ce syndicat constatent une augmentation de cette mention sur les prescriptions des médecins. D’où l’urgence pour la Sécurité sociale de suivre le phénomène et de pouvoir agir à la source sur le « NS ».

En comparaison, les autres obstacles à une montée en charge rapide de la substitution sur les nouvelles molécules entrées au Répertoire des génériques apparaissent secondaires. Il s’agit, juste après, de l’arrivée tardive sur le marché des offres génériques en certaines molécules déchues de leur brevet (macrogol, borate de sodium/acide borique…), des modifications de dosages entre le princeps et ses génériques (périndopril) pour s’extraire de leur concurrenceou enfin du lobbying médical. Tous ces obstacles, mis les uns à la suite des autres forment un parcours du combattant surprenant. Comme quoi, même après plus d’une décennie de substitution, rien n’est jamais acquis.

Selon toute vraisemblance, l’objectif devrait pouvoir être atteint, car à fin septembre, la profession n’était qu’à 2 petits points (78 %) pour remplir le contrat. C’est bien, car le générique reste plus que jamais un élément déterminant dans le succès de la politique engagée avec l’Assurance maladie. Le passage au TFR de certaines molécules compliquées à substituer (fentanyl en tête) n’a cependant pas pu être évité. 50 nouveaux TFR sont programmés au 1er janvier 2011 et 12 autres en avril. Une sanction logique conformément aux accords passés avec le Comité économique des produits de santé, et qui concerne tous les groupes au sein desquels le taux de pénétration des génériques ne franchit pas le seuil fatidique des 60 % au bout de 18 mois. Avec un répertoire qui compte plus de 200 molécules, être au top de la substitution sur tous les groupes relève de la gageure. De fait, Claude Japhet, président de l’UNPF, pense que 80 % de substitution est un plafond infranchissable : « Les manœuvres industrielles, la frilosité de l’administration, la volonté médicale de limiter les possibilités de substitution empêchent d’aller au-delà. A l’avenir, pour qu’elles soient gagnantes, les pratiques de substitution seront de plus en plus ciblées… »

+ 14,7 % sur les 9 premiers mois de 2010

Sur les 12 derniers mois, le CA générique a dépassé les 2,5 Md€ (source : Le Gemme d’après des données Gers à fin septembre 2010). Avec un chiffre d’affaires de 2 561 M €, le marché générique a progressé de 14,7 % sur un an. Il représente maintenant 13,5 % du marché pharmaceutique remboursable. « Cette évolution intègre une baisse de prix importante, représentant 100 M€, qui a impacté le marché des génériques début 2010 », signale le Gemme.

En unités, le marché générique se rapproche des 25 % du marché pharmaceutique remboursable. Avec 623 millions d’unités dispensées, près de 1 boîte sur 4 est maintenant délivrée en générique. Cela représente une progression de 5,7 % sur 12 mois.

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Ce développement du marché générique combiné à une érosion des prix des spécialités génériques explique, pour une part, l’évolution très mesurée de la croissance du chiffre d’affaires des médicaments remboursables en ville sur 2010.

Du fait des dernières arrivées brevetaires, le répertoire générique exploité représentait, à fin septembre 2010, 34 % en volume et 22,62 % en valeur du marché pharmaceutique remboursable.

En 2009, le développement du marché des génériques a rapporté 1 M€ d’économies à l’Assurance maladie.

Malgré ces résultats encourageants et un certain redressement à la rentrée, le taux de substitution se situe selon le Gemme « seulement » à 70 %, soit un taux inférieur de 3 points par rapport à celui de septembre 2009. Interrogée sur le différentiel de 8 points avec le taux de 78 % à la même date annoncé par les syndicats de pharmaciens, l’association des génériqueurs répond que le périmètre de calcul du taux de substitution n’est pas le même entre la CNAM et elle. Dans son calcul, le Gemme prend l’ensemble du marché générique remboursable. Pour la CNAM, le taux de substitution est calculé sur le marché des génériques hors TFR et parfois seulement sur les molécules cibles… Ceci explique très certainement l’écart évoqué.

NS : réglons le problème conventionnellement !

Certaines molécules sont particulièrement symptomatiques de la baisse de régime observée, mais de manière plus inquiétante, il s’agit d’une tendance générale. Ainsi, si une molécule entrée au répertoire début 2007 se trouvait substituée à plus de 70 % après 2 ans de commercialisation, il apparaît que les molécules génériques commercialisées début 2009 ne sont pas substituées à plus de 60 % après le même délai de commercialisation.

Pour le Gemme, l’usage du « Non substituable » entre très certainement pour une part non négligeable dans cette évolution. « Il est désormais important de mettre en place un dispositif qui permettrait de suivre et, le cas échéant, d’encadrer l’usage de cette mention », plaide l’association, rappelant qu’une reprise de l’essor de la substitution serait positive à la fois pour l’Assurance maladie, l’industrie du générique et l’économie de l’officine.

« Il faut retrouver une cohérence dans le dispositif générique, les pharmaciens ne peuvent pas rester en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête », exhorte Philippe Gaertner, président de la FSPF. Un avis partagé par Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO qui appelle de ses vœux la signature d’un nouvel accord conventionnel renforcé et tripartite entre l’Assurance maladie, les médecins et les pharmaciens, « afin d’être dans une complémentarité et non pas dans une concurrence d’action ».

Il convient également de stopper l’érosion du répertoire. Cette érosion traduit la propension des médecins à prescrire des spécialités pharmaceutiques en dehors du champ de la substitution. Les Capi (contrat d’amélioration des pratiques invidivuelles) devraient permettre de limiter cette tendance pour quelques classes pharmaceutiques : les IPP, les antibiotiques, les antihypertenseurs, les antidépresseurs, les statines et les IEC/sartans.

Les analyses de la CNAM mettent en évidence des différences de comportement importantes entre médecins signataires et médecins non-signataires. Sur les 15 000 médecins ayant adhéré au Capi, seulement 5 000 sont arrivés à la date d’effet de leur contrat. Les premiers résultats sont encourageants mais il reste encore des marges de progression.

Le coup de pouce des Capi

Les Capi, synonymes pour le pharmacien d’ordonnances allégées en valeur comme en volume, n’ont pas que des mauvais côtés. D’une manière générale, les médecins signataires du Capi ont augmenté ou stabilisé leurs prescriptions dans le répertoire des médicaments génériques, d’après des données de la CNAM. Ainsi, les prescriptions de médicaments anti-ulcéreux de la famille des IPP et d’anti-hypertenseurs pouvant être délivrés sous forme de génériques ont augmenté respectivement de 18,9 points et 11,9 points en 2009. Cette progression a été facilitée par l’arrivée dans le répertoire d’importantes molécules comme le pantoprazole.

Mais les Capi ne sont pas non plus la panacée. La prescription des médecins « capistes » dans le répertoire pour les antibiotiques et les statines s’est stabilisée (- 1 point et – 0,2 point), mais elle a légèrement baissé pour les antidépresseurs (- 2,4 points avec le lancement d’un nouveau médicament en 2009).

Sur ce volet, des marges de progrès importantes existent pour améliorer les résultats obtenus par les médecins signataires sur les deux prochaines années. Le report des prescriptions vers des médicaments récents et plus coûteux reste toutefois un phénomène très ancré. Néanmoins, l’effet positif des Capi sur la prescription de médicaments génériques n’est pas contestable : les médecins signataires enregistrent des résultats plus favorables que les non-signataires, notamment sur les statines (baisse de 3 points pour les non-signataires versus – 0,2 point pour les signataires).

Ces premiers éléments de conclusion sont réconfortants et montrent tout l’intérêt de développer le Capi. La mission de substitution du pharmacien s’en trouvera renforcée. « Cette mesure apparaît comme structurante, devant renforcer la politique générique dans un marché qui n’est pas encore à maturité », estime le Gemme.

A fin juillet 2010, le marché des spécialités remboursables pesait 2 628 millions d’unités. Légèrement plus qu’en 2009 où il s’était écoulé 2 610 millions d’unités à fin août. Dans le détail, le marché se décompose en 246 millions d’unités de princeps contre 283 en 2009. Un chiffre en baisse au profit des génériques (620 contre 602 millions d’unités).

En 2010, les pharmaciens ont une nouvelle fois fait de nombreux efforts pour faire face à la rationalisation des dépenses de santé, notamment en portant avec succès le développement des médicaments génériques. Ceux-ci se maintiennent depuis novembre 2009 à 16 % du CA TTC du médicament remboursable, réalisant un CA annuel de 4,19 Md€ à fin juillet 2010. Les parts du Répertoire et des princeps inscrits dans ce dernier évoluent davantage, le premier se hisse à 26 % et les princeps généricables atteignent les 10 % du CA en vigneté (2,4 Md €). L’élargissement du Répertoire continue à se faire avec des médicaments chers, tandis que les prix industriels des médicaments génériques ne cessent de baisser.

A fin juillet 2010, 24 % des unités totales vendues sur le marché du remboursable (620 millions d’unités sur un an) sont des médicaments génériques. Le marché revient comme en 2008, approximativement sur le ratio de 1 boîte sur 4. L’effet Plavix a été salutaire. La dynamique de la substitution a bien résisté aux intempéries, puisque, à fin septembre, les pharmaciens étaient à 2 points de l’objectif 2010. De nouveaux princeps abondent le répertoire qui se hisse maintenant au-dessus des 35 % de parts de marché au sein du marché total du remboursable. A l’intérieur du Répertoire, la part de princeps croit en unités et, sur juillet, les ventes mensuelles ont dépassé les 10 % de parts sur le marché remboursable (11 % en année glissante à fin août), ce qui représente 246 millions d’unités.