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Le générique sort grandi de la crise
Face à la crise du Covid-19, les génériqueurs se sont mobilisés pour sécuriser les approvisionnements. Cette situation délicate et inédite a surtout été l’occasion de réfléchir à “un monde d’après”.
Pendant toute la crise sanitaire, les laboratoires de médicaments génériques ont assuré la continuité des soins des patients, selon les directives gouvernementales et en coordination avec les autorités sanitaires. « Pour approvisionner avec régularité les officines et les hôpitaux, nous avons mobilisé toutes nos ressources et actionné l’ensemble des leviers disponibles », affirme Jean-Louis Anspach, président de Teva Santé France. De son côté, EG Labo a fait tourner ses usines à plein régime « 7 j/7, 24 h/24, pendant près de deux mois », assure Philippe Ranty, le président.
Eviter les perturbations de la supply chain sur les médicaments essentiels, tel est l’objectif prioritaire que Mylan s’est fixé. Pour ce faire, « notre plateforme de fabrication mondiale et notre chaîne d’approvisionnement continuent de fonctionner sans interruption significative », affirme un porte-parole. Quant à Sandoz, « la capacité de production de nos usines a doublé, voire triplé sur les médicaments critiques », précise Christophe Delenta, le président.
Ce dernier a pris une autre mesure d’urgence : « Nous avons confié d’autres tâches, qui ne relèvent pas de la libération des lots, à des collaborateurs formés, pour soulager le service des affaires réglementaires et de l’assurance qualité face au surcroît d’activité lié aux contrôles avant mise sur le marché », ajoute-t-il.
Pas de rupture dans la chaîne d’approvisionnement
Quelques jours avant le confinement, le pic des ventes enregistré sur les molécules liées au Covid-19 (paracétamol, azithromycine, autres antibiotiques…) a engendré de fortes tensions sur les chaînes d’approvisionnements des génériqueurs, les obligeant, par mesure de prudence, à contingenter les grossistes. « Tout comme le prix d’achat de certaines matières premières », indique Vincent Pont, président d’Arrow.
A l’hôpital, la demande a été multipliée par 10 sur des spécialités utilisées pour traiter les patients atteints du Covid-19, notamment dans les unités de soins intensifs, si bien que « les antibiotiques injectables, les curares, le midazolam, ont été sous tension », précise Vincent Pont. En ville comme à l’hôpital, cette situation tendue a contraint les génériqueurs à se montrer extrêmement vigilants sur leurs niveaux de stock, à surveiller en permanence leurs filières d’approvisionnement, à prendre des mesures de prévention et de correction pour sécuriser l’approvisionnement du marché, telles que le réajustement des calendriers de production (mise en place d’équipes supplémentaires…) ou la mobilisation des stocks à l’export… Un niveau d’exigence élevé qui a permis au final à la filière de tenir le coup !
Globalement, la crise sanitaire n’a pas été un facteur aggravant de rupture de stock. « Nous n’avons pas eu de dégradation majeure de notre taux de rupture », constate Rémy Petitot, responsable des affaires publiques chez Biogaran.
La production européenne : une composante vitale
Cette pandémie a mis en lumière l’importance stratégique, souvent vitale, de privilégier la production locale. Or, les sites de production des génériques sont majoritairement implantés en France et en Europe. « Avec 29 sites sur 40 en Europe, nous avons fait preuve de réactivité pour mobiliser nos stocks de sécurité et les orienter équitablement vers les pays où les besoins en médicaments étaient les plus importants », explique Christophe Delenta. Rémy Petitot affirme que « 90 % de nos produits finis sont fabriqués en Europe, dont plus de 50 % en France ». Des proportions quasiment identiques chez EG Labo : 95 % en Europe, dont 50 % en France… De son côté, Teva Santé a mobilisé ses ressources françaises et internationales (fabrication de substances actives et de produits finis, stocks européens, importations en provenance d’autres marchés…), pour favoriser la distribution de médicaments indispensables vers le marché français. Si bien « qu’en jouant un rôle de tampon immédiat face à une demande accrue de certains médicaments et en évitant des ruptures prolongées, le générique a acquis des lettres de noblesse supplémentaires pendant cette crise sanitaire », estime Philippe Ranty. Stéphane Joly, président du Gemme (l’association des génériqueurs), explique, lui, que le générique, au-delà de son rôle économique, reste l’un des premiers contributeurs à la santé des Français : « Le marché multisources des médicaments génériques, porté par une multiplicité de laboratoires, permet de proposer des alternatives, de diversifier l’offre et in fine de concourir à la prévention de ruptures éventuelles pour les patients. »
Quels espoirs de relocalisation ?
La dépendance française de l’étranger pour certaines fournitures essentielles et sur la fabrication de principes actifs (comme le paracétamol) a jeté une lumière crue sur la désindustrialisation française. La question de la relocalisation pour raison d’indépendance sanitaire est revenue au premier plan. Sur celle des principes actifs, Philippe Ranty, n’y croit pas trop pour des raisons de politique environnementale. Si on peut rêver de relocalisation pour le produit fini, « ce n’est pas à l’industrie d’en absorber le coût », prévient-il.
En tout état de cause, « la question de la localisation de la production nécessite de co-construire des solutions adaptées avec les pouvoirs publics », estime un responsable, qui souhaite que ses trois sites de production en France continuent d’être un atout national. Plusieurs voies alternatives à une revalorisation des prix pourraient être ouvertes, car ce dernier chemin est semé de trop d’embûches : assouplissements des contraintes réglementaires, allègement de la fiscalité, crédits d’impôts… permettraient d’alléger la pression économique sur le pôle des produits matures, dont la rentabilité s’est effondrée. « Le Gemme et Biogaran plaident pour un aménagement de la clause de sauvegarde, mesure qui vise à contenir les dépenses. Or, les génériques et les biosimilaires contribuent déjà, par essence, à l’effort d’économie. Nous souhaiterions aussi que le CEPS [Comité économique des produits de santé] revalorise le prix de certains génériques, sur des critères liés à l’indépendance sanitaire ou à la sécurité des approvisionnements, ce que favoriserait la relocalisation », explique Rémy Petitot. Et pour les génériqueurs, il y a urgence à ce que les pouvoirs publics se saisissent du sujet. Sinon, les baisses de prix, les pressions économiques et les contraintes réglementaires conduiront, à terme, à une restriction de l’offre. Donc, à davantage de ruptures !
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