L’avenir des retraites pourrait être remis en cause par la financiarisation

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L’avenir des retraites pourrait être remis en cause par la financiarisation

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Publié le 25 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Face à la montée des logiques financières dans le secteur officinal, la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) s’inquiète d’un double effet pervers : l’érosion démographique des titulaires et la généralisation de faibles cotisations en classe 3, qui fragiliseraient l’ensemble du système de retraite des pharmaciens libéraux.

Le signal d’alarme est lancé. Dans le sillage du rapport publié par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) le 23 juillet sur les risques de financiarisation de la pharmacie d’officine, la CAVP met en garde contre les impacts structurels sur les retraites des libéraux.

« Le phénomène pourrait entraîner une réduction du nombre d’officines avec, à la clé, la fermeture des plus petites structures et une baisse durable du nombre de titulaires », alerte Philippe Berthelot, président de la CAVP. Or, le régime complémentaire par répartition repose sur un principe simple : plus la base de cotisants est large, plus l’équilibre du système est sécurisé.

En 2024, le nombre de pharmaciens titulaires inscrits à la section A a déjà reculé de 1,3 % selon l’Ordre national des pharmaciens. Si cette tendance se poursuit, la CAVP pourrait être contrainte d’ajuster ses paramètres pour garantir la solvabilité à long terme de son régime par répartition.

Des cotisations minimales qui compromettent les pensions futures

Mais la fragilisation ne s’arrête pas là. La financiarisation, en imposant des objectifs de rentabilité élevés aux officines, pourrait conduire les jeunes pharmaciens à percevoir des revenus trop faibles pour cotiser au bon niveau.

« Nous constatons déjà un phénomène préoccupant : la majorité des jeunes installés en Société d’exercice libéral (SEL) déclarent des revenus faibles, souvent en classe 3, c’est-à-dire la cotisation minimale », constate Philippe Berthelot. Résultat : des droits à retraite réduits, et à terme, une génération de pharmaciens dont les pensions seront notoirement insuffisantes.

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InterPharmaciens : un levier pour préserver l’indépendance et les droits futurs

Pour contrer cette dynamique, la CAVP a mis en place dès 2019 le fonds éthique InterPharmaciens, destiné à accompagner l’installation des jeunes pharmaciens en toute indépendance. Le mécanisme repose sur un financement subordonné, assimilable à un apport, qui vient compléter le plan de financement bancaire classique.

Quatre fonds ont déjà été lancés, chacun doté de 20 millions d’euros, mobilisés depuis le régime de capitalisation obligatoire des pharmaciens. « C’est un outil de solidarité professionnelle à long terme. Nous investissons aujourd’hui pour garantir l’indépendance et les retraites de demain », insiste le président de la CAVP.

Pour s’adapter au marché, le dispositif a récemment évolué :

– prêt in fine à 3,75 % sur 15 ans, sans garanties ;

– parrainage possible du primo-accédant ;

– distribution de dividendes autorisée, dans la limite du prêt et sous réserve d’accord du comité stratégique.

– une réforme systémique en suspens

En toile de fond, c’est la question de la soutenabilité du modèle officinal libéral qui est posée. Tandis que la financiarisation avance, que les volumes remboursés diminuent et que les coûts explosent, les dispositifs de solidarité intergénérationnelle – à commencer par les régimes de retraite – se retrouvent en ligne de mire.

Pour la CAVP comme pour les syndicats, il y a urgence à préserver un tissu de pharmaciens indépendants, à même de cotiser correctement et durablement. Une condition sine qua non pour maintenir un régime de retraite professionnel viable.

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