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Indus en pharmacie : entre acharnement et incompréhension, la colère monte
Les mots sont forts. Certainement à la hauteur d’un malaise grandissant. Philippe Besset, président de la Fédération des synfdicats pharmaceutiques de France (FSPF), alerte sur la brutalité des notifications d’indus adressées aux pharmaciens. « Parfois, cela s’apparente à un accident de la vie », témoigne-t-il. Le syndicat a recensé 1100 pharmaciens concernés par des indus, selon les chiffres de l’Assurance maladie. Le montant réclamé peut dépasser plusieurs centaines de milliers d’euros, souvent pour des erreurs ou irrégularités administratives liées à la délivrance de médicaments onéreux. « C’est juste dingue. Même la forme de la notification est inacceptable », insiste Philippe Besset.
Des dérives « absurdes » et « décourageantes »
Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines dresse le même constat d’une situation hors de contrôle. « Aujourd’hui, ces indus deviennent incompréhensibles et freinent les pharmaciens dans leur volonté de prendre en charge un patient, les rendant hésitants surtout pour des médicaments chers », déplore-t-il. La priorité de l’Assurance maladie semble être le recouvrement de sommes importantes, plutôt que l’évaluation du fond des dossiers.
La nature des griefs laisse parfois sans voix. « À La Réunion, des indus ont été émis car les tampons n’étaient pas droits. Dans le Nord, parce qu’un médecin avait écrit 2024 au lieu de 2025 sur l’une de ses toutes premières prescriptions de l’année », relève le président de l’USPO. À Nancy (Meurthe-et-Moselle), un pharmacien a été sanctionné pour avoir délivré un médicament prescrit avec la mention « Se procurer à la pharmacie de l’hôpital », en référence à une habitude ancienne, bien que la dispensation ait été parfaitement justifiée en ville. « Quand on a le bon médicament, prescrit au bon patient, par le bon médecin, il ne devrait pas y avoir d’indus », tranche-t-il.
Des causes structurelles bien identifiées
Pour les deux syndicats, l’explosion des indus coïncide avec l’arrivée des traitements les plus coûteux en ville. Ces molécules à prescription et délivrance plus complexes génèrent une exposition accrue aux irrégularités formelles, en particulier en cas de défaut, d’approximations ou d’erreur dans les documents médicaux. « Les médecins priorisent la prise en charge du patient, pas l’administratif, ce qui est compréhensible. Les pharmaciens font de même. Mais ce faisant, on se met à risque », analyse Philippe Besset.
Le problème s’aggrave du fait de procédures de contrôle qualifiées de « pointillistes », et d’un manque criant d’outils modernes. « Il ne faut pas nous donner un outil dinosaure comme Asafo pour lutter contre la fraude », ironise Pierre-Olivier Variot, qui souligne que le délai moyen de traitement des signalements est de trois semaines. « En trois semaines, un fraudeur a le temps de faire le tour des pharmacies. »
Une réponse syndicale structurée mais débordée
Pour faire face à cette vague d’indus, l’USPO comme la FSPF ont mis en place une organisation départementale : les présidents départementaux accompagnent les confrères auprès des caisses primaires d’Assurance maladie, en assistant aux réunions contradictoires avec les inspecteurs de l’Assurance maladie. À cela s’ajoutent une équipe de juristes et, dans certains départements, des avocats mandatés par les syndicats pour défendre les dossiers devant les commissions paritaires ou de pénalités.
Mais la tâche est lourde. Les contrôles portent souvent sur plusieurs années d’activité, nécessitant parfois de recontacter les patients pour produire des justifications. Un travail au cas par cas, dossier par dossier, long et épuisant.
Vers une réforme méthodologique et numérique
Conscients de l’ampleur du problème, les deux syndicats poussent à l’ouverture de discussions structurelles avec l’Assurance maladie. La FSPF et l’USPO participeront le 6 juin à une réunion de méthode sur les processus de contrôle. Il s’agira de documenter les situations « aberrantes » et en transmettre certaines à Matignon et à l’Élysée, en l’absence de réponse de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam).
Au-delà des discussions, la prescription électronique est vue comme la seule voie de sécurisation viable. « C’est l’alpha et l’oméga d’une délivrance sécurisée », résume Philippe Besset. Mais encore faut-il que l’hôpital et la téléconsultation, deux gros pourvoyeurs d’ordonnances falsifiées, soient pleinement intégrés dans le système. « Pour l’instant, ils en sont encore exclus », regrette Pierre-Olivier Variot.
Une réforme attendue… dans l’urgence
La multiplication des indus et la sévérité des procédures menacent directement l’équilibre économique et psychologique de l’exercice officinal. Les syndicats exigent une remise à plat complète des modalités de contrôle, une sécurisation des prescriptions, et un encadrement plus humain des litiges.
En attendant, les pharmaciens restent sous pression, parfois contraints de suspendre la délivrance de certains traitements onéreux par crainte d’un rappel massif de l’Assurance maladie. « Ce système, aujourd’hui, décourage la prise en charge », conclut Pierre-Olivier Variot.
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