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Génériques : après les remises, le jeu de massacre des prix
Le Comité économique des produits de santé (CEPS) propose une nouvelle vague de baisses de prix et de tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) sur 53 groupes génériques. Objectif affiché : rapprocher les prix remboursés des prix réellement pratiqués sur le marché et réduire l’écart avec les princeps. Pour les pharmaciens, déjà abasourdis par le plafonnement des remises, ce serait une saignée supplémentaire : plus de 46 millions d’euros de marge en moins dès le 1er octobre.
Le comité de suivi des génériques (CSG) aura lieu le 18 septembre 2025. Il sera l’occasion pour le CEPS d’exposer un projet de baisses de prix et de TFR. Le CEPS justifie sa décision par la « concurrence en prix élevée » qui prévaut dans de nombreux groupes génériques, avec « des remises consenties importantes ». Le comité entend désormais aligner les prix officiels sur les prix réellement pratiqués et réduire l’écart entre génériques et princeps.
Les baisses entreront en vigueur le 1er octobre 2025, de manière unilatérale. « La décision est prise de manière unilatérale. Nous ne sommes réduits qu’à une chambre d’enregistrement », dénonce Guillaume Racle, élu national à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Là, on va à la catastrophe. Rien que sur deux mois, c’est 50 millions d’euros en moins. Dans les deux cas, ce sera un massacre », alerte Yorick Berger, élu à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Un choc économique massif
Les estimations en année pleine sont sans appel :
- 241,5 millions d’euros d’économies pour l’Assurance maladie obligatoire (AMO), dont 200,5 millions d’euros sur les seuls génériques ;
- 225,8 millions d’euros de baisse de chiffre d’affaires hors taxes (CAHT) pour les laboratoires ;
- 46,1 millions d’euros de perte de marge pour les officines ;
- 10,5 millions d’euros de perte pour les grossistes-répartiteurs
« Les molécules ciblées étaient déjà remisées à 40 % et ie CEPS s’attaque aux plus grosses. C’est un énorme coup porté à l’officine », alerte Guillaume Racle.
Les blockbusters premiers touchés
Certaines baisses sont spectaculaires :
– Rivaroxaban : – 36,9 % ;
– Simvastatine : – 27,7 % ;
– Rilmenidine : – 27,0 % ;
– Oméprazole : – 21,6 % ;
– Atorvastatine : – 19,8 % ;
– Amlodipine : – 19,4 % ;
– Escitalopram : – 17,5 % ;
– Rosuvastatine : – 16,8 %.
– Paracétamol, tramadol : – 11,3 %
« Sur le rivaroxaban, ils baissent le prix de 37 %. Et sur des molécules à forte rotation comme la simvastatine ou l’oméprazole, c’est 20 à 25 % de moins. C’est énorme », souligne Guillaume Racle.
Les princeps rattrapés
Le CEPS frappe également plusieurs spécialités de référence :
– Truvada : – 50 % ;
– Prezista et Sprycel : – 46,9 % ;
– Ezetrol : – 18 % ;
– Zovirax : – 10 %.
Ces ajustements représentent 15,3 millions d’euros d’économies supplémentaires pour l’AMO, et une perte de 5,5 millions d’euros de marge officinale.
La double peine pour les officines
Ces baisses de prix interviennent dans un contexte déjà explosif. Depuis le 1er août, les pharmaciens subissent le plafonnement des remises commerciales : 30 % maximum pour les génériques. Une remise de 15 % sur les biosimilaires a en parallèle été mise en place. Jusqu’ici, ces remises négociées avec les laboratoires constituaient un levier essentiel de rentabilité. Leur réduction sèche entraîne une perte moyenne de 17 800 euros par officine et par an, selon l’USPO.
Le CEPS ajoute maintenant une couche supplémentaire avec l’écrasement des tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR). C’est un effet ciseau redoutable avec d’un côté des prix de vente écrasés, alignés sur les prix de marché déjà bas, de l’autre des marges de négociation neutralisées par le plafonnement réglementaire des remises.
Cette perte brute de marge et les effets du plafonnement vont donc s’additionner.
Les TFR existent depuis vingt ans et ont régulièrement été abaissés. Mais jamais une mesure de cette ampleur n’était tombée en même temps qu’une réforme structurelle des remises. En moins de trois mois, les pharmaciens encaissent deux coups de massue successifs, sur deux leviers économiques majeurs.
Des conséquences directes sur le maillage
L’impact est massif car les molécules concernées sont des blockbusters de l’officine : statines, inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), antihypertenseurs, antidépresseurs. Autrement dit, les traitements du quotidien, ceux qui génèrent du passage et du chiffre d’affaires dans toutes les pharmacies, y compris les plus petites.
Pour une officine rurale, la perte de 15 à 20 000 euros par an peut représenter l’équivalent d’un mi-temps salarié, ou la différence entre un exercice à l’équilibre et un déficit.
Une contradiction politique flagrante
Ce choix budgétaire illustre le paradoxe du moment. D’un côté, l’État et la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) affichent leur volonté de confier de nouvelles missions de santé publique aux pharmaciens (dépistages, vaccination, suivi des maladies chroniques) ; de l’autre, ils assèchent leurs marges sur les médicaments de base, affaiblissant leur capacité d’investissement et leur trésorerie.
« On parle de 200,5 millions d’euros en année pleine. C’est colossal et ça tombe brutalement dès le 1er octobre », insiste Guillaume Racle.
« Après l’arrêté sur les remises, c’est la double peine. Il faut abroger cette décision et stopper ces baisses de prix massives, sinon on va droit dans le mur », alerte de nouveau Yorick Berger.
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