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Exercice pharmaceutique et économie officinale : toutes ces questions gênantes pour la Sécu
Au congrès national des pharmaciens qui s’est tenu à Lyon (Rhône) les 11 et 12 octobre 2025, le directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), Thomas Fatôme, s’est retrouvé interpellé par quatre pharmaciens. De nombreux sujets ont été abordés comme la rémunération croisée avec les médecins, la complexité administrative, la désertification officinale, les spécificités de l’Outre-mer, prix des médicaments et modèle économique des missions.
La première interpellation est venue de Nathalie Arnoux, présidente du syndicat des pharmaciens du Val-d’Oise. Elle a dénoncé la disposition de la convention médicale qui prévoit 5 euros pour le médecin traitant lorsqu’un patient est vacciné… en pharmacie. « Comment comprendre que le médecin soit rémunéré pour un acte qu’il ne réalise pas, quand les pharmaciens ne le sont pas à leur juste valeur ? »
Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, a assumé : « Le médecin traitant a une responsabilité populationnelle. » Tout en rappelant que les pharmaciens sont devenus majoritaires dans la vaccination antigrippale, il a défendu la complémentarité : « Un médecin qui oriente son patient vers sa pharmacie, c’est un système plus intelligent. »
Paperasse ubuesque : « un livre blanc des absurdités »
Antonin Bernard, co-président du syndicat des pharmaciens de l’Ain, a décrit une machine administrative qui s’emballe. Trois actes de prescription pharmaceutique (cystite, vaccin, contraception d’urgence) génèrent trois circuits différents : « Une profession qui passe toujours plus de temps à cocher des cases et moins à soigner », a-t-il résumé, présentant un « livre blanc des absurdités ».
Thomas Fatôme a reconnu l’« empilement » et a mis en avant l’ordonnance numérique comme levier de simplification. Mais il a rappelé que la Cnam verse 7 milliards d’euros par an au réseau officinal : « Les pharmaciens ne sont pas des distributeurs automatiques. Ils ont une responsabilité en matière de contrôle, de sécurité et de bon usage. »
Pharmacies fragiles : une « première marche » seulement
Pour Valérian Ponsinet, président de la commission Convention & Système d’information de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le dispositif de soutien aux officines fragiles « traîne » : seules 120 pharmacies y ont accès. « D’autres arrivent au bout, et nous ne pouvons pas les laisser tomber. »
Thomas Fatôme a concédé que la montée en charge était « trop lente » mais a assuré qu’il s’agissait d’« une première marche ». Pour élargir le dispositif, un appui législatif sera nécessaire. Sur la téléconsultation, il s’est montré ouvert : « Une téléconsultation accompagnée en pharmacie est plus pertinente qu’une consultation isolée depuis un canapé. »
Outre-mer : patients lourdement pénalisés
Sabine Leny, présidente du syndicat des pharmaciens de La Réunion et de Mayotte, a témoigné des réalités ultramarines : 90 à 120 jours de délai d’approvisionnement, ruptures spécifiques, application stricte des tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR). Elle a raconté le cas d’un patient obligé de payer 800 € par mois son princeps anticancéreux, faute de générique disponible. « Dans les Dom, on choisit parfois entre se soigner et manger. »
Thomas Fatôme s’est dit « préoccupé » et a promis d’alerter le ministère. Sur la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) génériques, il a rappelé que l’indicateur « stabilité » intégrait déjà les ruptures, mais a admis que des ajustements étaient possibles.
Missions : un succès encore fragile
Les nouvelles missions représentent déjà 50 % de la croissance de la marge réglementée, mais seulement 1,2 % du chiffre d’affaires officinal. « Ce n’est pas un modèle économique durable », a insisté Antonin Bernard.
Thomas Fatôme a salué le succès croissant des Trod et de la vaccination. Il a annoncé pour début 2026 une campagne nationale de dépistage de l’hypertension artérielle confiée aux officinaux : « Vous êtes les mieux placés pour détecter plusieurs millions de patients hypertendus qui s’ignorent. »
CPTS : « pas à fonds perdu »
Interrogé sur les 120 millions d’euros alloués aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), Thomas Fatôme a reconnu une efficacité inégale : « Certaines CPTS sont très utiles, d’autres moins. Nous allons renforcer le suivi et relever le niveau d’exigence. L’argent public n’est pas versé à fonds perdu. »
Prix et ruptures : désaccord persistant
Relancé par Nathalie Arnoux sur le lien entre prix bas et ruptures, Thomas Fatôme est resté ferme : « Je maintiens : il n’y a pas de lien démontré. » Pour lui, les ruptures sont « multifactorielles » et l’absence de transparence sur les prix nets internationaux rend toute comparaison impossible. Mais il a reconnu une faiblesse des garanties actuelles : « Quand l’Assurance maladie achète 40 milliards d’euros de médicaments, elle doit obtenir des engagements solides. Ce n’est pas encore le cas. »
Préserver le maillage
Thomas Fatôme a rappelé la trajectoire pluriannuelle déjà engagée : la part de la marge réglementée est tombée à 20 % de la rémunération officinale. « Nous devons poursuivre la désensibilisation au prix, valoriser les missions et préserver le maillage. Mais cela doit se faire progressivement, pour éviter des gagnants et des perdants. »
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