Économie à la hache : le rapport de la Cour des comptes fait tiquer les pharmaciens

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Économie à la hache : le rapport de la Cour des comptes fait tiquer les pharmaciens

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Publié le 17 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Derrière la volonté affichée de lutter contre la fraude, la Cour des comptes propose une série de mesures jugées brutales par l’USPO. Pierre-Olivier Variot, son président, alerte sur des outils obsolètes, des sanctions arbitraires et des orientations budgétaires qui fragilisent le réseau officinal.

« Le rapport de la Cour des comptes est assez violent », tranche Pierre-Olivier Variot. Publié début avril, le document propose de renforcer la lutte contre la fraude et les remboursements indus. Si l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) soutient cette orientation, elle dénonce des moyens techniques obsolètes mis à la disposition des pharmaciens.

L’outil ASAFO, censé accompagner les pharmaciens dans la détection des fraudes, est jugé « préhistorique ». « Il était peut-être très bien du temps du Minitel, mais aujourd’hui, on attend des logiciels performants », déplore le président de l’USPO. Des solutions existent pourtant : deux logiciels utilisant l’intelligence artificielle sont déjà disponibles. L’un d’eux, développé par un pharmacien d’Île-de-France, a même été proposé gratuitement à la Caisse national de l’assurance maladie. En vain. « C’est incompréhensible. Si on donne des vélos et des sifflets aux gendarmes, ils feront ce qu’ils peuvent, mais ça ne suffira pas. »

Indus injustifiés: l’USPO dénonce des aberrations administratives 

Le rapport insiste également sur le recouvrement des indus. Une ligne rouge pour l’USPO, qui distingue les fraudes caractérisées – « pour lesquelles nous sommes intraitables » – des erreurs de bonne foi, ou de simples malentendus réglementaires. Le syndicat a mis en place un groupe de travail spécifique pour identifier les cas injustifiés et les soumettre aux autorités.

Symbole de ces dérives, le cas d’une pharmacienne nancéienne à qui la Caisse primaire de l’Assurance maladie a réclamé… 400 000 euros. La raison ? Un tampon sur une ordonnance mentionnant la pharmacie hospitalière, alors que le double circuit ville-hôpital permettait désormais la dispensation en ville. « C’est inadmissible. Le médecin n’avait pas modifié son tampon, et on parle de fraude ? »

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Un groupe de travail a été obtenu début juin auprès de l’Assurance maladie sur ce sujet, afin de réviser les règles et leur application.

Médicaments : 5,3 milliards d’euros d’économies attendues

Autre mesure phare du rapport : la baisse des prix sur les médicaments et les produits de santé. Montant annoncé : 5,3 milliards d’euros d’économies. Une perspective jugée irréaliste et dangereuse pour l’équilibre économique des officines. « Cela ne nous aide pas à tenir la trajectoire fixée dans l’avenant 1 à la convention pharmaceutique », prévient Pierre-Olivier Variot.

La Cour des comptes va plus loin et suggère de limiter les revalorisations issues des conventions de soins de ville. Elle écrit noir sur blanc que « les effets financiers de la convention médicale et de l’avenant 1 à la convention pharmaceutique auront un poids important sur le budget 2025 », justifiant une modération des dépenses. Or, la convention médicale représente à elle seule 1,9 milliard d’euros contre 500 millions pour les pharmaciens. « Et c’est encore nous qui allons trinquer », résume le président de l’USPO.

Avenant 2 : l’USPO demande des garanties

Le syndicat a d’ores et déjà obtenu un rendez-vous avec le ministère de la Santé dans les quinze jours pour évoquer l’avenant 2 et revoir les engagements économiques.

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