Agressions de soignants : le Sénat vote la tolérance zéro

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Agressions de soignants : le Sénat vote la tolérance zéro

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Publié le 14 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Alors que les violences visant les professionnels de santé explosent, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi durcissant les sanctions pénales contre leurs auteurs. Le texte, déjà voté à l’Assemblée, vise à « rassurer » les soignants et devrait faire l’objet d’une CMP dans les prochaines semaines.

L’agression de trop. Ce mardi 12 mai, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi portée par Philippe Pradal, député Horizons, renforçant les sanctions pénales contre les auteurs de violences envers les professionnels de santé. Ce texte, soutenu par le gouvernement et déjà validé par l’Assemblée nationale en mars 2024, doit désormais être harmonisé entre les deux chambres lors d’une commission mixte paritaire (CMP).

En toile de fond : la hausse constante des actes violents envers les soignants. Selon le ministère de la Santé, « chaque jour, dans notre pays, 65 professionnels de santé sont agressés ». Un chiffre qualifié de « vertigineux » par le ministre Yannick Neuder, qui invoque « la tolérance zéro » face à ces exactions.

Le phénomène, bien documenté, n’épargne aucun territoire, ni aucun secteur : cabinets de ville, services d’urgences, pharmacies, Ehpad, centres de santé et établissements psychiatriques sont tous concernés. Selon Santé publique France, les violences verbales et physiques envers les soignants ont bondi de 23 % entre 2021 et 2023.

Des peines alourdies, un périmètre élargi

Le texte de loi prévoit une aggravation des peines encourues en cas de violences contre les soignants – mais aussi contre les personnels non médicaux. Dans les cas les plus graves, les sanctions pourront atteindre jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Les sénateurs ont par ailleurs élargi le champ d’application de la loi aux prestataires de santé à domicile (infirmiers libéraux, aides-soignants, kinésithérapeutes, etc.). Une circonstance aggravante spécifique a été introduite pour les agressions sexuelles commises pendant l’exercice des fonctions, qu’elles soient perpétrées par ou contre un professionnel de santé.

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Autre point saillant : les vols de matériel médical ou paramédical feront désormais l’objet de sanctions plus sévères, dans un contexte où les tensions sur certains équipements sensibles – comme les stupéfiants, les seringues ou les dispositifs d’injection – sont croissantes.

Création d’un délit d’outrage et plainte facilitée

Le texte consacre également la création d’un nouveau délit d’outrage, qui sera désormais étendu à l’ensemble des professionnels concourant aux soins – y compris les secrétaires médicaux, les agents de service ou les chauffeurs ambulanciers.

Enfin, un mécanisme facilitant le dépôt de plainte a été adopté : l’employeur pourra se substituer à la victime pour initier une action judiciaire, un point jugé crucial par les syndicats pour contourner l’effet dissuasif que représente parfois la complexité des démarches judiciaires pour les soignants.

Des réserves sur la logique répressive

Si l’adoption a été largement saluée sur les bancs de la majorité présidentielle et de la droite, la gauche a marqué ses distances, estimant que la réponse pénale ne saurait suffire. Les groupes communiste et écologiste se sont abstenus.

« Les principaux éléments déclencheurs de heurts en milieu hospitalier découlent des conditions de la prise en charge du patient, des refus de soins et des temps d’attente excessifs », a souligné le sénateur socialiste Hussein Bourgi, appelant à une politique d’apaisement « qui passe aussi par des moyens humains et matériels suffisants ».

Prochaine étape : la commission mixte paritaire

Le texte doit désormais être examiné par une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune entre Sénat et Assemblée. Sa date n’a pas encore été fixée. Si un accord est trouvé, la loi pourrait être promulguée d’ici l’été. Un calendrier jugé « impératif » par plusieurs sénateurs LR, dans un climat de tension où les personnels de santé réclament une protection juridique et symbolique accrue.

« C’est un signal clair envoyé à celles et ceux qui, dans un excès de violence ou par mépris de l’ordre public, pensent pouvoir s’en prendre impunément aux soignants », a conclu le sénateur Les Républicains Stéphane Le Rudulier. Le signal devra désormais être suivi d’effets.

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