30 % d’officines menacées par la baisse des remises génériques : le coup de grâce budgétaire

© Getty Images/iStockphoto

30 % d’officines menacées par la baisse des remises génériques : le coup de grâce budgétaire

Réservé aux abonnés
Publié le 17 juillet 2025 | modifié le 18 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori

Le gouvernement a tranché. Les remises commerciales sur les génériques seront plafonnées à 30 %, celles sur les biosimilaires à 15 %. Un arbitrage imposé en pleine trêve estivale, sans étude d’impact, qui pourrait mettre en péril 6 000 officines françaises. Pour la FSPF et l’USPO, la coupe est pleine.

Le 15 juillet à 17 heures, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont été convoquées en urgence par le ministère de la Santé. Autour de la table également, la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), Les Entreprises du médicament (Leem) et le Gemme, regroupant les industriels du générique et des biosimilaires.

À l’issue de cette troisième réunion interministérielle, Matignon a imposé ses chiffres :

30 % de plafond sur les remises génériques, contre 40 % jusqu’ici ;

– 15 % de plafond sur les remises biosimilaires, un seuil inédit.

La publication de l’arrêté est prévue avant le 1er août, pour une application dès l’automne 2025.

« Ils font ça pendant les vacances parlementaires, en espérant que ça ne fasse pas trop de bruit. Mais je leur ai promis un septembre noir », avertit Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.

Publicité

Un manque à gagner évalué à 300 millions d’euros

La seule baisse des remises génériques représenterait 275 à 300 millions d’euros de perte sèche pour les officines. Avec le plafonnement des biosimilaires, la facture globale pourrait dépasser les 400 millions d’euros.

Un choc d’autant plus rude que, pour nombre d’officines, les remises commerciales représentent jusqu’à 40 % du résultat d’exploitation. En moyenne, elles génèrent 25 000 euros par pharmacie.

« Je pensais qu’ils iraient à 36 %, parce que c’est ce qui avait été envisagé. Mais là, c’est raide. Ils sabrent la marge sans aucune garantie sur la substitution des biosimilaires », déplore Pierre-Olivier Variot.

« Une attaque frontale contre le réseau officinal »

Au-delà des chiffres, les syndicats dénoncent une décision politique déconnectée de la réalité du terrain. « On demande aux pharmaciens de ville de combler des déficits qu’ils n’ont pas créés. C’est une attaque frontale contre notre économie, alors même que le gouvernement laisse filer les dépenses hospitalières et les prescriptions coûteuses », tacle Philippe Besset, président de la FSPF.

6 000 officines directement menacées

Selon les calculs des syndicats, la réforme pourrait fragiliser 30 % du réseau, soit 6 000 pharmacies, menacées à court ou moyen terme. « Cette décision va encore accentuer les inégalités territoriales. Les officines rurales ou en zones fragiles, qui survivent grâce aux remises, seront les premières touchées », prévient Pierre-Olivier Variot.

« Nous sommes face à une mesure brutale, prise sans aucune projection sérieuse, qui va mettre des milliers d’officines en danger immédiat. Et derrière, ce sont des emplois et l’accès aux soins de proximité qui sont menacés », alerte encore Philippe Besset.

Un calendrier précipité, un front syndical uni

Le ministère de la Santé prévoit de publier l’arrêté avant le 1er août. Les négociations devraient toutefois se poursuivre d’ici la date de mise en application de l’arrêté. 

L’USPO et la FSPF ont annoncé la réunion en urgence, dès ce jeudi 17 juillet, de leurs conseils d’administration, avec à la clé un plan d’action qui pourrait inclure grèves, manifestations ou actions coordonnées dès la rentrée.

Un climat social sous haute tension

Depuis le signalement du dérapage de l’objectif national des dépenses d’Assurance maladie (Ondam) par le Comité d’alerte, le gouvernement a multiplié les mesures d’économies :

– gel des revalorisations des professionnels de santé ;

– coupes budgétaires hospitalières ;

– pressions sur les professions libérales.

Le spectre d’un mouvement interprofessionnel d’ampleur à la rentrée se précise.

« Ils jouent avec le feu. Nous sommes prêts à nous mobiliser aux côtés des autres professions de santé », confirme Philippe Besset.

Une rupture de confiance majeure

La signature de l’avenant  n°1 à la convention nationale pharmaceutique devait sanctuariser les remises génériques. L’arbitrage de Matignon, imposé sans concertation, constitue une rupture de confiance durable entre le gouvernement et la profession.

« Ils programment l’asphyxie du réseau officinal sans mesurer les conséquences territoriales », déplore l’ensemble des syndicats

Une crise économique et politique en gestation

Au-delà des remises, c’est la survie du modèle économique des officines qui se joue. L’État prend le risque d’embraser le secteur de la santé libérale, déjà sous haute tension.

Pour l’USPO et la FSPF, la rentrée pourrait marquer un tournant majeur.

Sur le même sujet…
UDGPO : « Le tout honoraire serait un suicide pour la profession »
Les baisses de TFR et de prix annulées dix jours après leur entrée en vigueur
Génériques : « À présent aux industriels de jouer le jeu »