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Yves Trouillet, président de l’APR
L’APR a toujours été l’avocat de la pharmacie rurale. Les menaces qui pèsent sur le réseau vous inquiètent-elles ?
Sous la double influence des difficultés économiques et du début de la désertification médicale, les certitudes se font moins franches. La création de maisons médicales déstabilisera l’économie de nombreuses pharmacies situées en milieu rural. Dès lors, il faut être logique. On ne peut pas s’accrocher à l’idée de maintenir notre réseau en l’état. Certaines petites pharmacies sont devenues très fragiles car elles ne dépendent que d’un seul prescripteur. Qu’adviendra-t-il des pharmaciens isolés qui assisteront au départ du médecin pour une maison médicale éloignée de plusieurs kilomètres ? Le plus dur est à venir. Les courbes de départ à la retraite et donc de fermetures de cabinets de médecins vont aller en s’accentuant dans les dix à quinze prochaines années. Il faut maintenant imaginer des systèmes pour ne pas exclure des millions de citoyens de l’accès aux soins et valoriser le rôle du pharmacien de premier recours.
Faut-il toucher au maillage des officines rurales ?
Le seul moyen de faire face à l’augmentation de la population dépendante et à la diminution des services est de s’appuyer sur notre réseau. Cela ne se fera pas sans adaptations et aménagements de notre part. C’est à la profession, et à elle seule, de prendre son avenir en main, d’organiser la cohésion du réseau en fonction des territoires de santé. Préparer l’avenir des malades, c’est aussi assurer le nôtre. Le réseau en campagne doit suivre l’évolution ou la diminution des populations et prendre en compte les bassins de vie. Se regrouper sans laisser s’installer à la place une carte à trous est la seule solution pour maintenir un premier niveau d’urgence accessible à tous. Il faut accepter une nouvelle définition de la proximité au sein de ces territoires de santé en remplaçant la notion de distance par celle de temps de déplacement. Parcourir 10 kilomètres se fait aujourd’hui facilement. Ensuite, là où le malade veut aller, il doit trouver des professionnels de santé de qualité. Il faudra à terme regrouper les médecins, les pharmaciens et d’autres professions de santé afin de construire des pôles multidisciplinaires répondant aux besoins des populations, tout en gardant une distance raisonnable pour que chaque malade ait une égalité d’accès aux soins au sein des territoires de santé.
Comment se préparer à ce changement ?
En favorisant l’exercice de groupe, chaque pharmacie doit avoir plusieurs pharmaciens. Rien ne sert de se voiler la face. Demain, il y aura moins de pharmacies sur le territoire. On peut le regretter, mais il faut l’accepter. Les maires se sont battus pour la vitalité de leurs communes, mais cela n’a pas empêché la fermeture des écoles. L’état d’esprit des confrères doit changer. Avec la concentration du réseau et l’exercice de groupe, la logique qui présidera sera : moins de concurrence entre officines, plus de services apportés. Trois pharmacies situées dans un bourg centre dynamique pourront se regrouper. Le problème, c’est qu’entre jeunes et anciens, il n’y a pas forcément la même appétence à vouloir travailler ensemble. Les regroupements risquent d’être confrontés à un choc des générations. Ceux qui ne feront pas cette révolution culturelle se mettront eux-mêmes hors-jeu, car leurs services ne seront plus à la hauteur de la qualité attendue par la population. Aujourd’hui, ils ont d’autant plus de difficultés à prendre la mesure du changement qu’ils n’en ressentent pas le besoin.
Pourquoi l’APR a-t-elle signé le projet de décret sur les SEL et SPFPL ?
Il faut faciliter aussi l’accès à la reprise des officines et les transmissions, via une solution fiscale qui permette aux titulaires exerçant en SEL de céder leurs parts à des jeunes pharmaciens. Des pharmacies s’éteignent dans les campagnes par manque de candidats à la reprise, parce que leur taille ou leur situation géographique n’intéressent plus les jeunes qui aspirent à une carrière satisfaisante et une qualité de vie acceptable. La situation s’impose à nous. N’oublions pas que 5 000 titulaires auront atteint l’âge de la retraite d’ici quatre ans.
Quels sont les apports de la loi HPST pour la pharmacie rurale ?
Les pharmacies rurales isolées représenteront une sorte de poste d’urgence avancé. Elles sont appelées à rendre les services majeurs décrits par la loi HPST. Dans les zones où il n’y a plus de médecins, les pharmaciens devront s’approprier de nouvelles tâches comme le suivi vaccinal des patients. Petit à petit, la mission du pharmacien correspondant va trouver sa vraie dimension. Il est donc nécessaire d’encourager les délégations de tâches pour ces pharmacies, car elles apporteront une rémunération complémentaire à des pharmaciens ruraux qui en ont bien besoin.
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