« Tout dépend de la volonté du pharmacien de s’upgrader »

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Publié le 1 juillet 2022
Par Fabienne Colin
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À la présidence de la section santé de l’Association des Agences-Conseils en Communication (AACC), Thierry Kermorvant observe les officines pour mieux servir ses clients, principalement des laboratoires pharmaceutiques. Autrefois fan de l’émission de télévision “Culture Pub”, ce médecin remarque à quel point les relations entre professionnels de santé et patients évoluent vers plus de collaborations.

PM Quelle est l’image du pharmacien aujourd’hui ?

TK Depuis la crise du Covid-19, l’image du pharmacien d’officine a positivement évolué, tant du point de vue du grand public que des industriels de santé. Il est devenu un acteur majeur dans le parcours de soins, capable d’accompagner l’effort de santé publique nécessaire. Beaucoup de choses se mettent en place autour des entretiens pharmaceutiques, de la vaccination… et ses missions changeront encore.

PM De quelle manière parle-t-on des officines dans les laboratoires ?

TK Nous travaillons beaucoup sur la prise en charge du patient atteint de cancer, du diabétique, du porteur de maladie cardiovasculaire chronique… Les Agences-Conseils en Communication, comme les industriels, intégrons de plus en plus souvent le pharmacien dans le parcours de soins du patient. L’officine devient incontournable, même sur des pathologies sévères. Par exemple, de plus en plus d’anticancéreux oraux sont délivrés en pharmacie, pour lesquels un vrai accompagnement du patient est nécessaire. Voilà le sens de l’histoire. Les médecins et a fortiori les spécialistes, voient d’un très bon oeil l’absence de rupture dans le parcours du patient.

PM Travaillez-vous à l’amélioration du parcours de soins du patient ?

TK La guerre entre médecins et pharmaciens est en train de s’atténuer. Dans mon agence, nous travaillons avec des équipes pédagogiques pour des clients, et on y rassemble des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des kinésithérapeutes… Aujourd’hui, tout le monde a compris qu’il fallait travailler ensemble, en réseau. On le voit d’ailleurs dans le maillage qui se met en place avec des CPTS, des MSP (NdlR Communautés professionnelles territoriales de santé et Maisons de santé pluriprofessionnelles). La logique de travail collectif est enclenchée, on ne reviendra pas en arrière. Nous sommes passés à une autre phase du travail collaboratif dans l’intérêt du patient et de son parcours de soins.

PM Comment voyez-vous le pouvoir d’influence des pharmaciens d’officines évoluer ?

TK De plus en plus souvent, nous mettons au point des modules de formation pour les pharmaciens : en e-learning, ou pas, avec des spécialistes, ou pas. On constate que certaines officines ont envie de s’orienter vers le conseil. Or, si le patient a confiance dans son pharmacien, il sera plus à même d’accepter un accompagnement complémentaire. En oncologie, de nombreux traitements nécessitent des soins de support, des crèmes ou autres. Si le pharmacien est bien formé aux risques et effets indésirables des traitements, il peut contrecarrer ces derniers par son conseil, sur un panier d’achat complémentaire. C’est là où il a tout son rôle d’acteur de santé à jouer. Tout dépend en fait de la volonté du pharmacien de “s’upgrader” et d’y retrouver son compte. C’est normal, il a un commerce à faire tourner ! Sa valeur ajoutée va tenir dans sa montée en compétences sur les pathologies.

PM Que pensez-vous de la communication des officines ?

TK Il y a un peu de tout. Ce qui m’interpelle, c’est la lisibilité, l’attractivité de l’espace, la manière dont est mis en place le parcours client/patient, puis le conseil. Certaines pharmacies ont des approches “shopper”, modernes, mais ce n’est pas la majorité ! D’autres sont encore à “la vieille école”, très “fourre-tout”. Il faut dire aussi que les officines n’ont pas toujours des espaces très adaptés en termes de surface. Sur internet, les industries de santé aimeraient aider les pharmaciens à y être plus lisibles, plus visibles, plus attractifs… Elles peuvent apporter de la formation, du conseil sur des approches de SEO (référencement naturel), sur la manière d’agencer leur site pour qu’il soit plus responsive sur les tablettes et téléphones mobiles, par exemple.

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PM Et concernant les outils pour améliorer les parcours client/ patient ?

TK Les pharmaciens sont friands d’outils d’accompagnement. Reste que la logique de parcours pour les patients chroniques sur les applications n’est pas évidente à mettre en place. J’ai l’impression que les services connectés sont plus faciles à utiliser. C’est le cas, par exemple, de services reliés aux lecteurs de glycémie, à une sorte d’écosystème connecté entre le médecin, le diabétologue, le patient, le pharmacien… Les officinaux sont assez partie prenante dans ce genre d’outils.

BIO EXPRESS

→ 1985/1991

Médecin urgentiste.

→ 1992

Diplômé d’un Master en marketing management à l’Essec.

→ 1993/2008

Salarié, puis associé et dirigeant de l’agence de communication santé Zeta.

→ 2008/2009

Président du magazine“Bien-être et Santé” distribué en officines.

→ Depuis 2011

Dg au sein du groupe d’agences de publicité mondial WPP.

→ Depuis 2018

Président de la délégation santé de l’Association des Agences-Conseils en Communication (AACC).

→ Depuis 2020

Dg de l’agence de publicité VMLY & Rx.