Régulation de l’installation : les médecins montrent les crocs

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Régulation de l’installation : les médecins montrent les crocs

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Publié le 7 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Quinze organisations médicales, dont l’Ordre, appellent à la mobilisation contre le retour de la régulation de l’installation, adoptée contre l’avis du gouvernement. Elles dénoncent une mesure inefficace, déconnectée du terrain et potentiellement délétère pour l’accès aux soins.

La riposte s’organise. Le vote, mercredi 3 avril, par l’Assemblée nationale, d’un dispositif de régulation de l’installation des médecins libéraux et salariés, dans le cadre de la proposition de loi contre les déserts médicaux, a provoqué une levée de boucliers sans précédent dans le monde médical. Dans un communiqué commun diffusé le lendemain, quinze organisations représentatives – syndicats de libéraux, d’étudiants, d’internes, de praticiens hospitaliers, associations de jeunes médecins, Ordre des médecins et même l’Association des maires ruraux de France – annoncent leur intention de maintenir la pression jusqu’à la reprise des débats, le 6 mai.

« Nous n’hésiterons pas à utiliser tous les leviers à notre disposition pour permettre aux étudiants, aux internes et aux médecins de se mobiliser contre cette mesure, dans l’intérêt des patients », alertent-elles.

Un vote en première lecture, contre l’avis du gouvernement

Adoptée à une large majorité en première lecture, cette mesure introduit un principe de régulation de l’installation dans les zones considérées comme bien dotées, au profit des zones sous-dotées. Le gouvernement s’était pourtant opposé au dispositif, retiré de justesse en commission des affaires sociales quelques jours plus tôt.

Pour les signataires, ce mécanisme revient à contraindre les jeunes médecins à s’installer dans des zones sous-dotées, sous peine de se voir interdire d’exercice ailleurs, et sans tenir compte des dynamiques locales.

« Ce texte interdit les installations dans 4 580 communes non classées comme sous-dotées, qui ne sont pourtant pas surdotées, alors même que la population augmente et que les besoins en soins explosent », dénoncent-ils.

Une mesure jugée contre-productive

Les organisations alertent sur le risque d’effet contre-productif : au lieu de favoriser l’installation en zone déficitaire, le texte risquerait, selon elles, de détourner les jeunes médecins de l’exercice libéral.

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« Cette logique de coercition ne fera que renforcer l’attractivité d’autres modes d’exercice, voire d’une fuite vers l’étranger. »

Elles dénoncent également une méconnaissance des réalités de terrain et une absence totale de réponse aux facteurs structurels de la crise : conditions de travail dégradées, surcharge administrative, isolement professionnel, santé mentale en berne.

« Aucune mesure n’est prévue pour agir sur les leviers qui permettraient de renforcer l’attractivité de l’installation. »

« Une atteinte directe à la profession médicale »

Le projet de loi vise à répondre à la demande pressante des élus locaux, notamment ruraux, qui alertent depuis des années sur la désertification médicale. Mais pour les signataires, la régulation imposée n’est pas la bonne réponse.

« Ce texte porte atteinte directement à la profession médicale. Il ignore la réalité de la pénurie de médecins, la baisse de l’attractivité du métier, et les signaux d’alerte lancés depuis des années. »

Ils plaident pour des mesures fondées sur la confiance, la coordination et l’incitation, plutôt que sur la contrainte.

« L’accès aux soins et la santé de nos patients sont notre priorité. Seules des mesures efficaces, pensées en concertation, pourront répondre durablement aux besoins des territoires. »

Quinze organisations en front commun

Les signataires du communiqué sont :

– CSMF (Confédération des syndicats médicaux français)

– SML (Syndicat des médecins libéraux)

– FMF (Fédération des médecins de France)

– Avenir Spé / Le Bloc

– MG France

– UFMLS (Union française pour une médecine libre)

– Médecins pour demain

– Jeunes Médecins

– ReAGJIR (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants)ISNI (Intersyndicat national des internes)

– ISNAR-IMG (Intersyndicat national des internes de médecine générale)

– ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France)

– INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers)

– CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins)

– AMRF (Association des maires ruraux de France)

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