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Les couacs du Répertoire des génériques
L’élargissement du Répertoire est un des leviers majeurs pour favoriser la pénétration des génériques sur le marché, alors même que la France est très en retard. Pourtant, l’Etat ne fait pas montre d’une volonté indéfectible pour élargir au mieux le périmètre de la substitution. Le Répertoire a même accumulé ces dernières années plusieurs échecs cuisants.
Cela pourrait prêter à sourire si les conséquences n’étaient pas préjudiciables. « En retardant l’inscription de nouveaux groupes dans le Répertoire, on entraîne des pertes d’économies qui se traduisent par des baisses de prix », déplore Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Les occasions manquées et espoirs déçus ne manquent pas.
Paracétamol : la victoire des princeps
Deux baisses de prix, en janvier 2015 puis 11 mois plus tard, auront définitivement scellé le sort du paracétamol. Sa non substitution restera une exception dans le paysage français du médicament. « La situation du paracétamol a été traitée à travers une convergence des prix », rappelle Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme (l’association des laboratoires de génériques). Les lobbies politiques des marques et le chantage à l’emploi (fermetures d’usines, délocalisation de la production…) ont fait mouche auprès des pouvoirs publics. Les syndicats de pharmaciens ont rendu les armes sur ce dossier. « Avec les baisses de prix qu’elle a subies, cette molécule ressemble aujourd’hui à un médicament sous TFR », estime Philippe Gaertner, président de la FSPF. Et Gilles Bonnefond d’ajouter : « Le paracétamol au Répertoire n’est plus pour nous un enjeu économique. »
Dispositifs inhalés : en rade
Le président de l’USPO préfère recentrer son combat sur l’inscription au Répertoire des médicaments administrés par voie inhalée à l’aide d’un dispositif médical. A ce jour, l’offre est famélique (formotérol, béclométasone…), des molécules importantes (salbutamol, ipratropium, budésonide…) n’étant présentes que sous forme de solutions ou suspensions pour inhalation par nébuliseur en récipient unidose beaucoup moins prescrites. « Leur inscription au Répertoire permettrait a minima de réaliser 250 millions d’euros d’économies, indique Gilles Bonnefond. J’attends de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM – de nouvelles propositions sur l’inscription des dispositifs inhalés au Répertoire pour mettre un terme aux techniques de contournements des laboratoires à l’arrivée de génériques sur le marché. » L’inscription est en effet bloquée par les brevets déposés sur les dispositifs. Comme avec le paracétamol, la sortie effective de génériques inhalés reste suspendue au bon vouloir des industriels. « La décision relève plus du Comité stratégique de filière, les laboratoires de marques font pression par leurs investissements en France », précise Philippe Gaertner.
De leur côté, les génériqueurs se heurtent à des coûts de fabrication élevés pour les « devices » et expliquent au Comité économique des produits de santé leur incapacité à produire des médicaments à un PFHT à – 60 %. Ils réclament donc une moindre décote à leur lancement.
Médicaments à base de plantes : un usage limité
L’ANSM a créé en décembre 2017 neuf groupes génériques de médicaments à base de plantes sans spécialité de référence, mais se référant à une monographie commune. « La communication de l’ANSM qui accompagne sa décision confirme que les spécialités sont identifiées à partir de la monographie de plantes publiée par l’Agence européenne des médicaments pour un usage médical bien établi », fait remarquer Catherine Bourrienne-Bautista. Il n’y a donc pas de ticket d’entrée dans un groupe générique pour une spécialité ayant le même extrait de plante mais dont le procédé d’extraction diffère de celui précisé dans la monographie.
Avec la création de ce Répertoire spécifique, l’ANSM affiche davantage sa volonté de différencier les médicaments à base de plantes des autres produits sans AMM (compléments alimentaires, dispositifs médicaux) et de mettre en valeur leur qualité et leur sécurité d’utilisation. « Il n’y a quasiment plus de médicaments à base de plantes remboursés, la décision de départ est bonne mais elle ne trouvera pas d’application au travers de ce répertoire piloté par l’ANSM », commente Philippe Gaertner. Maigre intérêt également pour Gilles Bonnefond qui voit, dans leur substitution, une économie… seulement pour les patients.
Molécules « critiques » : une entrée compliquée
Certaines molécules du Répertoire, pourtant à fort potentiel d’économies, n’ont pas rempli toutes leurs promesses. Des poches de résistance se sont créées, en particulier pour des substances dites « à dose critique », faisant l’objet de mises en garde de l’ANSM : antiépileptiques, lévothyroxine, fentanyl… Un incontestable facteur limitant. Tout comme la commercialisation de génériques à des dosages différents de ceux du princeps en raison de la composition de leurs sels (périndopril, aujourd’hui sous TFR). Sans oublier les réticences à substituer le mycophénolate mofétil en raison bien sûr de la sévérité de la pathologie, mais aussi des faibles rotations du médicament. Les dessous des substitutions difficiles sont aussi économiques : TFR et convergence des prix entre princeps et génériques sont des mesures compromettant sérieusement l’avenir des génériques concernés.
L’affaire est mal embarquée. Le développement des biosimilaires, qui ne sont pas des génériques en raison de différences liées à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication, va reposer non pas sur le droit de substitution du pharmacien, mais sur le médecin.
La liste de référence des groupes biologiques similaires a été publiée en 2017 mais le décret d’application sur les conditions de substitution n’a toujours pas paru. Gilles Bonnefond (UPSO) dénonce « des manœuvres de certains génériqueurs qui consistent à exclure le pharmacien d’officine de la substitution de ces médicaments afin de préserver leur marché hospitalier ». Quant à Philippe Gaertner (FSPF), au vu des atermoiements des pouvoirs publics, il doute de leur volonté à vouloir établir un cadre favorable à leur déploiement en ville.
• L’élargissement du Répertoire des génériques permet de favoriser leur pénétration sur le marché.
• L’inscription du paracétamol au Répertoire n’est plus un enjeu économique pour les syndicats.
• Pour les dispositifs inhalés, les génériqueurs se heurtent à des coûts de fabrication trop élevés.
• Avec le Répertoire des médicaments à base de plantes, l’ANSM veut marquer la différence entre médicaments, compléments alimentaires et dispositifs médicaux.
REPÈRES
PAR FRANÇOIS POUZAUD – INFOGRAPHIE : FRANCK L’HERMITTE
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