Lecornu II, un pari sous haute tension

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Lecornu II, un pari sous haute tension

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Publié le 13 octobre 2025
Par Christelle Pangrazzi
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À peine reconduit à Matignon, Sébastien Lecornu, 39 ans, est déjà sous la menace d’une censure. Socialistes, Insoumis, écologistes, communistes et Rassemblement national conditionnent leur soutien à des concessions majeures : abandon du 49.3, mesures de pouvoir d’achat et suspension immédiate de la réforme des retraites. Faute de quoi, le nouveau Premier ministre pourrait voir sa mission écourtée.

La mise en garde est claire. « Nous rappelons de manière très claire ce soir au Premier ministre que s’il n’y a pas dès sa déclaration de politique générale la confirmation de l’abandon du 49-3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d’achat des Français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons », a déclaré Pierre Jouvet, secrétaire général du PS.

Les socialistes se retrouvent en position charnière. Le RN comme LFI ont déjà annoncé qu’ils voteraient une motion de censure. Leurs voix, ajoutées à celles des écologistes et des communistes, pourraient suffire à renverser Lecornu, en l’absence de majorité absolue.

Une reconduction à contre-courant

Emmanuel Macron a choisi de reconduire son proche allié, cinq jours seulement après sa démission. Une décision qualifiée par Manuel Bompard (LFI) de « nouveau bras d’honneur aux Français ». Jordan Bardella (RN) promet, lui, de censurer « immédiatement cet attelage sans aucun avenir ».

Même dans le camp présidentiel, le choix divise. Agnès Pannier-Runacher, figure macroniste historique, avait prévenu : « Je ne comprendrais pas qu’il y ait une renomination d’un Premier ministre macroniste ».

En coulisses, l’exécutif mise sur un possible soutien des Républicains à l’Assemblée, bien que leur entrée au gouvernement demeure incertaine.

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Retraites : un décalage, pas une suspension

Le dossier explosif des retraites reste au centre de la crise. Emmanuel Macron a esquissé une ouverture en évoquant un simple « décalage dans le temps » de la mesure sur l’âge légal, mais sans remettre en cause le nombre de trimestres requis. Un compromis jugé insuffisant par la gauche. « Tout ça va très mal se terminer », a prévenu Marine Tondelier, secrétaire nationale des écologistes, en évoquant une possible dissolution.

Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a déploré « l’absence de réponse claire » de l’exécutif sur les retraites comme sur le pouvoir d’achat. Pour Cyrielle Châtelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée, le président n’a « pas suspendu » mais seulement « repoussé » son totem réformateur.

Un « moine soldat » à l’épreuve

Ancien ministre de l’Écologie, des Collectivités, de l’Outre-mer puis des Armées, Sébastien Lecornu incarne la continuité macroniste. Discret, il se décrit lui-même comme un « moine soldat », sans ambition présidentielle pour 2027. Sa reconduction est présentée comme un choix de fidélité par Emmanuel Macron, après l’échec de tentatives de cohabitation partielle avec Michel Barnier (LR) puis François Bayrou.

Mais l’épreuve de vérité approche : le Premier ministre doit déposer dès lundi le projet de budget. Le Parlement disposera de 70 jours pour l’examiner, sous la menace constante d’une censure. « Il ne sera pas parfait », a reconnu Lecornu, en promettant des débats ouverts.

Une équation sans issue ?

La reconduction de Sébastien Lecornu illustre l’isolement croissant du président, confronté depuis la dissolution de 2024 à une majorité introuvable. Le soutien incertain des Républicains, la fronde des oppositions de gauche et d’extrême droite, les divisions au sein même de la majorité : autant de signaux d’instabilité.

« Cela va mal se terminer », résume Marine Tondelier. La prochaine déclaration de politique générale pourrait sceller le sort du gouvernement. Entre concessions impossibles et censure probable, le mandat de Sébastien Lecornu démarre sous haute tension.

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